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RUE DE L'ANCIENNE-COMÉDIE,
VIe arrondissement de Paris (D'après Histoire
de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)
Notice écrite en 1855. Précédemment, en 1502, chemin allant à la rivière de Seyne et au Pré aux Clercs ; en 1560, rue des Fossés, puis rue Neuve du Fossé (XVIIe siècle) ; rue de la Comédie (vers 1688), rue des Fossés Saint-Germain des Prés. Origine du nom : Hôtel des Comédiens français, au n° 14.
N°s 4, 5, 12, 13, 14, 16, 18 et 21
: Le fait est que les murs se tassaient, ceux-là surtout qui avaient abrité le jeu de paume, avant sa transformation : ils n'étaient déjà plus de force à supporter toute la charpente de la salle et de la scène. Mais leur échafaudage d'escaliers, de galeries, de petites loges, d'amphithéâtres et de loges d'acteurs et d'actrices une fois jeté bas, ils se sentirent tellement débarrassés que les voilà encore sur pied : libre à vous de vous en assurer au N° 14. Il y avait au rez-de-chaussée quatre bureaux de recette, deux vestibules, salle des décomptes, petites boutiques de libraires et de bijoutiers, café, corps de garde et passage à la rue des Mauvais-Garçons (Maintenant rue Gregoire-de-Tours) ; les deus foyers pour le public étaient au-dessus des vestibules, le foyer des acteurs à droite, derrière la cour, et le grand salon d'assemblée avec antichambre, par-devant tout cela et le reste pourrait être remis dans son état ; mais à quoi bon ? Les pièces qui se jouent ne diffèrent-elles pas assez d'un siècle à l'autre pour qu'il y ait nécessité de changer aussi de théâtres ? Cette lice n'est plus ouverte aux passions et aux jeux de la scène ; mais des preux en l'art de bien dire y ont remporté tant de prix que cela devrait encore porter bonheur au papier d'impression qui se vend aujourd'hui dans le même lieu clos et couvert : il est pourtant probable que plus d'une rame sert à imprimer des sottises. Horace Vernet, par bonheur, a dans la même maison un atelier et y fixe sur la toile les pages les plus brillantes de l'histoire contemporaine. Gros, dans la force de son talent, alors que sa composition était d'une puissance incomparable, et que son dessin hardi donnait à la peinture tout, le relief de la statuaire, habitait l'ancienne Comédie, où tant de chefs-d'œuvre dramatiques avaient déjà donné à d'autres la gloire que lui promettaient ses toiles. On était loin de soupçonner alors que l'amertume de la critique dût à la fin empoisonner et abréger la vieillesse du baron Gros, le rival de David. D'autres numéros de cette rue, l'une des plus vivantes du faubourg Saint-Germain, ont à payer à notre ouvrage leur tribut de renseignements. Près de la selle de spectacle, c'est-à-dire au 12 ou au 16, fût domicilié labre d'Églantine, auteur dramatique et conventionnel : la rue s'appelait alors Du Théâtre Français. Le général baron Feachêres occupa en suite un appartement du 12. Nos notes indiquent aussi la contiguïté la Comédie d'une maison vendue en 1727 par Baudon de Neuville, conseiller au parlement, à Nicolas Poincelet : le prix était 61,000 livres, et l'abbaye Saint-Germain-des-Prés avait réduit, par considération ses droits de bienvenue et de retenue à 2,400. Le 18 est l'ancien hôtel Lafoudriere, ou de la Fautrière, qui date de 1750, et où le restaurant Pinson mis en honneur par George Sand, rivalise depuis longues années avec les petits couverts que dresse en plus grand nombre le restaurant Dagnaux, quelques portes plus bas. Or un Parisien qui écrivait, Davy de la Fautrière, siégeait en la chambre des enquêtes du parlement. On ne parlait plus alors de l'hôtel de Vensel, qui avait été le plus en vue dans la rue des Fossés pendant la vieillesse du grand roi. Le 4 est décoré des deux panonceaux d'un notaire ; sa construction a pour contemporaine précisément celle du Pont-Neuf ; quinze ans avant la fin du XVIe siècle, on mettait à la même place que les plaques de cuivre actuelles le buste du roi qui régnait, Henri III. Destouches, l'auteur dramatique, y demeurait passagèrement en l'année 1727, c'est-à-dire au moment de la représentation du Philosophe marié, et néanmoins Destouches avait accoutumé de vivre dans un petit domaine, près de Melun, depuis que le régent, son protecteur, n'existait plus. Le 5 fut habité sous le premier empire par un autre glorieux que celui de Destouches, je veux dire par Cambacérès, avant que cet archichancelier ne résidât à l'Élysée. Le 21 tenait par-derrière à un jeu de boules qui se carrait dans l'ancien fossé de l'abbaye, devenu depuis la cour du Commerce. Un appartement de la maison fut occupé par le trop fameux Guillotin. Ce médecin, député à l'Assemblée nationale, où il votait avec les modérés, passe à tort pour avoir inventé l'instrument de supplice dont la Révolution popularisa l'usage. Guillotin rie requit, ne vota, ne recommanda jamais la peine de mort ; il se borna à demander, mu par un sentiment d'humanité, qu'on appliquât de préférence à l'exécution des jugements portant condamnation à mort, la décapitation au moyen d'une machine, connue déjà en Italie, qui abrégeait les souffrances du patient. Emprisonné au fort de la Terreur, il n'évita que par hasard de profiter lui-même d'une découverte qui lui était attribuée. On n'est jamais trahi que par les siens, auraient dit les mauvais plaisants si la guillotine avait emporté Guillotin ; ou aurait même pu ajouter que c'était une revanche prise sur Hugolin, qui avait mangé ses enfants. Le docteur, en réalité, s'affligeait fort de l'odieuse solidarité qui résultait pour lui d'une vulgarisation qu'il avait cru de son devoir d'entreprendre. Mais une institution réellement due à ce médecin passionné pour les progrès de la science, c'est l'association d'élite qui porte le nom d'Académie impériale de médecine. Une réputation d'un autre genre vaut encore au café Procope d'être l'une dés curiosités de Paris que les étrangers un peu lettrés ont à voir. Leur désappointement n'est pas douteux s'ils s'attendent à le retrouver spirituel, expansif, de bonne compagnie et philosophe, comme au temps de sa gloire. On y cause plus bas, par petits groupes, au rez-de-chaussée si ce n'est au premier. Mais les feuilles publiques n'y donnent pas exclusivement la nouvelle la plus fraîche. Que de réputations encore sont faites ou défaites dans un coin, le bon coin ! Où la nouvelle pièce est-elle plus sujette aux commentaires des connaisseurs, que la parole laisse courir plus indépendants que la plume ? Toutes les académies recruteraient dans ce vieux café des candidats qui sont, en attendant, leurs détracteurs a la manière de Piron, l'ancien habitué de la maison. La verve gauloise de Lafontaine, l'esprit d'observation de Saint-Foix sont plus, difficiles à renaître. Mais les beaux esprits d'aujourd'hui, quelque voltairiens que les ait faits la rage innée de la raillerie, laissent maintenant à d'autres le plaisir déconsidéré de harceler l'Église sans coup férir : le gouvernement même leur taille assez de besogne, adversaire armé de pied en cap ! Un prêtre de province peut encore s'attabler tranquillement dans ce café Procope, dont le poêle ne s'allumait guère, en d'autres temps, sans que des abbés s'y chauffassent. Les anciennes traditions ne sont contrariées que par des intervalles fréquents de silence ; on les applique à l'absorption de nombreux journaux, dont neuf colonnes sur dix sont consacrées à rendre des services payés. Ces pauses, que M. Prud'Homme ne manque Jamais de trouver solennelles, dans l'attente de sa demi tasse, valent encore mieux que le bruit incessant de ces halles centrales à boire et à fumer, pleines de dorures, de velours et de haillons, qui comptent vingt à trente billards, et où je défie qu'on ait jamais causé. Mais quelle est l'origine de ce café Procope, qui sent encore son bureau d'esprit et son faubourg Saint-Germain. Il y avait une fois une maison de bains qui ne se gênait pas pour être à plusieurs fins : on ne se contentait pas toujours d'y fournir du linge tout chaud aux baigneurs. La baigneuse ne leur apportait jamais cette sortie de bain sans offrir une collation ou à dîner, quand l'heure ne permettait pas que ce fût à souper, et la baigneuse, toujours jeune et gentille, provoquait de son mieux l'appétit. En sortant du jeu de paume de l'Étoile, on n'avait qu'à traverser la rue pour entrer dans cette maison-là, qui profitait également du voisinage du Pré aux Clercs, et le soir on allait y prendre des sorbets, au son d'une musique italienne. Le fondateur de cet établissement, qui se cachait d'abord derrière la porte de Buci, était le Sicilien Procope Cultelli, venu à Paris à la suite de la princesse Catherine de Médicis. François Procope, son petit-fils, qui débitait du café en plein vent à la foire Saint-Germain, donne plus d'extension à ce commerce d'importation nouvelle, aux dépens de l'autre. Tels sont les préliminaires historiques de l'ouverture en l'année 1689 du premier café à Paris, vis-à-vis la Comédie Française. Les Procope, ayant fait fortune de cette manière, se qualifièrent seigneurs de Cultelli, comme de nos jours les Aguado, fils d'un marchand de comestibles, s'appellent de Las Marismas. M. de Cousteau, famille parlementaire que la guillotine de la Terreur éteignit, n'étaient autres qu'une branche tout à fait francisée de Cultelli. Un médecin Procope collabora à une comédie en trois actes et en vers de Guyot de Merville, représentée à la Comédie Italienne le 22 mai 1743 sous ce titre : Le Roman.
Le novateur de la rue des Fossés-Saint-Germaindes-Près
ayant bientôt trouvé des imitateurs, on comptait
déjà 86
cafés en l'année 1769. Dubuisson tenait alors
la place des Procope. Zoppi, sous le Consulat, ajouta au
café Procope un salon
littéraire, dont la clientèle était
toute faite, mais que n'alimenta pas suffisamment la littérature
de l'Empire. |
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