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RUE BONAPARTE,
VIe arrondissement de Paris (D'après Histoire
de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)
Notice écrite en 1857. Depuis lors l'élargissement, de la place Saint-Germain-des-Près et de ses abords ont enlevé une douzaine de numéros à la rue Bonaparte. La rue Gozlin, qui formait naguère la rue Sainte-Marguerite à gauche et celle de l'Egout à droite, passe sur cette place, que doit traverser, le nouveau boulevard Saint-Germain, dont un tronçon déjà y donné, et où commence pareillement la nouvelle rue de Rennes. D'antre part, la rue Bonaparte, qui finissait devant une grille du Luxembourg, a forcé la consigne et se prolonge d'une grande allée de ce jardin, pour aboutir à la rue d'Assas, du côté où celle-ci s'appelait naguère de l'Ouest.
1750. Vicq-d'Azyr. Le Vte de Beaumarchais. Mlle Clairon :
Mme la marquise de Chavaudon a reçu, à titre de legs, de son parent, le comte de Chavaudon, la maison du n° 1, où est mort en 1794 Félix Vicq d'Azyr, l'un des fondateurs de l'Académie de médecine. Il avait succédé à La Sonne, comme premier médecin de la veine, et à Ballon, comme académicien. Obligé d'assister à la cérémonie où Robespierre proclama l'Être-Suprême, il s'y fatigua de manière à hâter vraisemblablement la rupture d'un anévrisme, qui l'enleva à 46 ans. Le 3 dépendait du même hôtel ; il est exploité en maison meublée depuis quarante années. En 1789, le vicomte de Beauharnais, député aux, États Généraux, l'a eu pour domicile, durant l'absence de la vicomtesse, car la future impératrice s'est rendue à la Martinique, près de sa mère, sur la fin de l'année 1787. Beauharnais présidait la mémorable séance de la Constituante où fit reçue la nouvelle de la fuite du roi ; il passa à l'ordre du jour, et les affaires de la Nation suivirent leur cours accoutumé avec une imposante placidité. Le 5, ancien hôtel Bessan, a servi de local à l'imprimerie Dentu, avant d'appartenir aux libraires Pourrat frères, quil ont remis à neuf. Le cercle de la Librairie s'y trouvait installé, avant de passer n° 1. Le docteur Andral et M. Gide, éditeur, figurent actuellement parmi ses nombreux locataires. Il est permis de croire qu'à l'origine l'hôtel du marquis de Persan, premier maréchal dés logis du comte d'Artois, (n°s 7 et 9) n'avait fait qu'un avec l'hôtel Bessan. Mlle de Persan, sœur du marquis, est demeurée propriétaire jusqu'à sa mort, en 1846 ; un membre de sa famille, ci-devant attaché à la maison militaire du roi, était décédé bibliothécaire à Dôle, son pays natal, pendant les Cent-Jours. Sous le même toit ont habité sous Louis XV, Mme de Pont-Carré, puis Mlle Claire, fille d'un sergent au régiment de Mailly et si connue au théâtre sous le nom de Clairon. Celle-ci avait débuté, à l'âge de douze ans, à la Comédie-Italienne, puis à la Comédie-Française en 1743, et bien que son rôle triomphal fût Aménaïde dans Tancrede, le roi la fit peindre par Vanloo en Médée. Douée d'un caractère qui ne pliait pas facilement, Mlle Clairon refusa de jouer un soir avec un comédien qu'elle méprisait ; la femme de l'intendant de Paris la conduisit elle-même dans sa voiture au For-l'Evêqué, pour y subir la peine de cette faute disciplinaire. Décidée à quitter la scène, elle se trouvait à la tête d'une modique fortune, que les opérations financières de l'abbé Terray anéantirent presque entièrement ; elle se retira dans les états du margrave d'Anspach, avant de revenir à Paris, pour y mourir bien loin du faste, le 18 janvier 1803. Les mémoires de cette grande actrice avaient vu le jour cinq ans plus tôt. Monge : Les Petits-Augustins. Rue
des Beaux-Arts : Tenez les n°s 11, 13 et 15 pour élevés sur les dépendances de l'ancien hôtel La Rochefoucauld, qui comptait en 1715 des jardins et des pièces d'eau, tout comme vingt années plus tard, mais qui d'abord n'allait pas tout à fait jusqu'à la, rue qui nous occupe et donnait seulement rue de Seine : Toute la rite des Beaux-Arts a été percée sur le territoire La Rochefoucauld ; seulement Détroye, entrepreneur ; l'a bâtie sans se conformer au tracé donné par la Ville, et il en a coûté à cette rue d'être classée, d'abord comme passage. En face du 16, cette succursale du Mont-de-Piété, ancien corps de logis des Augustins, se dresse une maison respectable qui, comme hôtel garni, a porté le nom d'Orléans ; le berceau du roi de Rome y a été mis en dépôt à la chute du premier empire. Le Duc d'Enghien. Vendôme.
L'Abbaye. Rue du Pot-de-Fer. Les Savalête. Les Laplagne. Les Jésuites.
Le Cardinal de Polignac : N° 20 est une propriété que Bastide, tailleur de Napoléon Ier, a léguée à sa famille ; saluons en elle une ancienne résidence de César duc de Vendôme, ce vaillant fils de Gabrielle d'Estrées auquel Henri IV destinait la couronne, avant la tardive naissance de son héritier légitime et qui avait rang à la cour immédiatement après les princes du sang. Son fils, le duc de Beaufort, entraîna Vendôme dans les séditions, après la mort du Béarnais ; réconcilié ensuite avec ses adversaires, le père ne rendit le dernier soupir, en cet hôtel, qu'à, l'âge de soixante-onze ans, le 21 octobre 1666. Du même temps est le 21, que le bibliophile M. Boulard, notaire et maire du Xe arrondissement, a acquis en 1804 ; par conséquent, il a connu la rue quand elle portait encore la dénomination des Petits-Augustins, postérieure à celle de la Petite-Seine. Un canal, dit la Petite-Seine, avait commencé par séparer le grand Pré-aux-Clercs du petit, dont l'université de Paris prit possession, l'an 1368, en échange du terrain des fossés de Saint-Germain-des-Prés. C'est de 1664 à 1852 que la rue où le canal avait passé s'appela comme le couvent fondé sous la minorité de Louis XIII. On y énumérait, à la mort du roi suivant, 10 lanternes et 20 maisons, dont l'une fut, à quelques années de là, le domicile mortuaire du premier des deux Lauzun célèbres, pendant qu'une autre avait pour habitant M. Sconin d'Angevillier, commissaire provincial des guerres, de la généralité de Paris, à la suite de la cour, et syndic-général des commissaires des guerres. Le second tome de la rue est un livre plus moderne, bien qu'illustré réellement des restes de l'abbaye royale de Saint-Germain-des-Prés. Le n° 29, qui fait partie de cette section, et les 17 et 19 de la rue de l'Abbaye n'ont pas trop plié sous le poids des nombreux rayons de la bibliothèque abbatiale. Au nombre des maisons où les pères de Saint-Germain-des-Prés avaient pour locataires des laïques, figure le 28 ; ses fenêtres sont de celles qu'on dit a guillotine, et pourtant leur usage se généralisa bien avant l'invention de l'instrument de supplice qui paraît, au contraire, s'être modelé sur leur forme dangereuse pour la curiosité. Tracée en 1804 sur le ci-devant jardin de l'abbaye, cette seconde partie de la rue s'est appelée Bonaparte en 1810, puis de la Poste-aux-Chevaux, puis Saint-Germain-des-Prés, avant de recourir à sa première dénomination. Rien à dire du troisième volume, qui maintenant est l'avant-dernier de cette rue, que nous feuilletons comme un livre ; ce tome a pour nous le défaut d'être le plus neuf de l'ouvrage : aucun bon à tirer n'y peut dater d'avant 1832. Comme le dernier nous va mieux, concluez-en qu'il est d'occasion, et que sous son titre moderne, il suffit de gratter pour en retrouver d'autres, quatre siècles y superposant chacun sa couche de poussière. L'église Saint-Sulpice, qui sert de frontispice, n'était encore qu'une chapelle à l'avènement de Louis XII, et le titre de la rue s'épelait ainsi : Ruelle tendante de la rue du Colombier à Vignerei. Vignerei était un clos, qu'on retrouverait enclavé dans le Luxembourg, et la ruelle longeait le clos Férou ; elle devint d'abord la rue Henry-du-Verger, du nom d'un bourgeois y logeant, puis celle des Jardins-de-Saint-Sulpice, celle des Jésuites et enfin celle du Pot-de-Fer, en raison d'une enseigne, avant de servir de couronnement à la rue Bonaparte, qui avait déjà fait les frais d'un tronçon neuf pour venir jusque-là. Si la parole est au 74, il va nous dire que Denis du Chesne était son maître en 1610 et avait les jésuites, sept ans après, pour acquéreurs, lesquels, en l'an 1637, l'échangeaient contre une maison de la, rue Cassette ; il ajoutera qu'en 1648 Charles Foucault, maître des comptes, se rendait possesseur, et que François Sonicque, trente-quatre, années plus tard, transportait la propriété à Claude Foucault, un conseiller au parlement. Ce dernier a réédifié l'hôtel, avec fronton motivé par un mascaron ; une quittance paraphée par Charles-Pierre Savalète de Magnanville, conseiller du roi, garde de son trésor royal, en septembre 1760, atteste que sa contribution pour les boues et lanternes était de 6 livres 11 sols par année. Or, il y avait alors rue du Pot-de-Fer 6 lanternes, pour les 13 maisons qui s'y trouvaient. L'un des entrepreneurs de l'enlèvement des boues de Palois s'appelle en ce temps-ci Savalète, et s'il est de la même famille, quels antécédents bien suivis ! Des Louvencourt, qui étaient de noblesse parlementaire, ait occupé l'hôtel, où depuis se sont abrités M. Barris, président de la cour de cassation, sous l'Empire, et son neveu, M. Laplagne-Barris, qui a été ministre, ainsi que la branche Lacave-Laplagne, également ministérielle, dont un membre, Mme Nicod, pourrait déjà célébrer la cinquantaine de son emménagement rue du Pot-de-Fer. Le n° 78, qui remonte aussi à deux siècles, n'eut longtemps qu'un étage ; un chasublier, M. Biais aîné, y reste à la tête d'un commerce établi en 1802. Les deux immeubles qui viennent ensuite sont l'ancien noviciat des jésuites, autrement dit l'hôtel Mézières ; que Madeleine de Sainte-Beuve a donné à ces pères en l'année 1610. Henri de Bourbon, duc de Verneuil, bâtard de Henri IV, posa la première pierre de leur église, dont le maître-autel fut décoré d'un tableau du Poussin, le peintre affectionné des gens d'esprit. Aussi bien n'a-t-on pas retrouvé, tout récemment, des in-pace dans les caves du 80 ? Le noviciat se convertissait, dès le règne de Louis XVI, en loge maçonnique ; Voltaire y fut reçu, en 1778, dans la loge dite des Neuf-Soeurs. Pendant la République, un carrossier possédait tous ces bâtiments qui, en 1806, se vendirent en trois lots. Mme la comtesse de Prémorvan en acheta un sur lequel un sinistre attira l'attention publique, sous Louis-Philippe : les magasins de Gaume et de Lenormant, libraires, y devinrent la proie des flammes. Le cardinal de Polignac, diplomate et savant, loué par Mme de Sévigné et
par Voltaire, et qui a hérité du fauteuil de Bossuet l'Académie,
mourut octogénaire, en 1741, au n° 88 de notre rue. Il y avait réuni
une magnifique collection de statues antiques, adjugée après
lui au roi de Prusse. L'oraison funèbre à l'honneur de cet ambassadeur,
qui n'avait rien d'un servile courtisan, tient dans ce peu de mots de Louis
XVI : – Il avait l'art de me contredire, sans que je pusse un instant
m'en fâcher... Roger Ducos, membre du Directoire, puis consul provisoire,
ensuite sénateur, exilé en 1810, s'était contenté des
restes dudit prince de l'Église et de M. de Cossé, dans cette
rue. M. Verdière, un des maires de Paris, y a succédé à Ducos.
Une belle rampe d'escalier et de merveilleuses boiseries sculptées sont
encore telles qu'au temps de Son Éminence dans cet hôtel, dont
fit partie le n° 90, aujourd'hui pensionnat. |
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