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BOULEVARD BONNE
NOUVELLE,
Xe arrondissement de Paris (D'après Histoire
de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)
Notice écrite en 1858. La reconstruction du bâtiment en façade n'avait pas encore mis le n° 8 à l'alignement, en dégageant le boulevard de Bonne Nouvelle à l'endroit où il oblique, à gauche pour faire place à la porté Saint-Denis, et deux maisons toutes neuves, le 10 et le 42, n'avaient pas encore rendu le même service au même boulevard, immédiatement après le théâtre du Gymnase.
La Galette. Le Champ du Repos. Le Gymnase. L'Inspecteur du Pavé. Le
Perruquier. Le Garni. Le Bazar. Mlle Avrillion. Le Restaurant Thierry. Le Petit-Montmartre.
La Ménagerie. La Succession Jean-Thiéry. etc : Sur le plan de 1739, un jardin ou un champ se révèle à la place du café Français, et il a dû se rattacher primitivement au réduit où la galette bat monnaie. La même maisonnette aurait elle abrité le garde d'un cimetière, postérieurement ouvert aux dépens du jardin précité, et qui recevait spécialement des protestants, sous le règne de Louis XVI. On dit que des Frondeurs, manquant de pain, en fabriquèrent, derrière les barricades de la guerre civile, avec les os de leurs morts ; mais du gâteau, ah ! ce serait sans excuse. Le jardin a été peu de temps celui des morts, qui ont reçu leur congé au nom de la République une et indivisible. Mais la terre ne s'est pas réveillée en sursaut d'un sommeil qui pour elle n'était que léthargique ; elle a gardé un respectueux silence assez longtemps pour que les regrets eux-mêmes eussent rendu leur dernier soupir. Dame ! ce n'est pas dans un des beaux quartiers de la première des capitales du monde que la terre peut dormir cent ans ; comme la Belle au Bois Dormant. Le deuil a expiré boulevard Bonne-Nouvelle sous la Restauration, et ce n'était plus assez de la vie ordinaire pour rattraper le temps perdu, il fallait celle du Théâtre. Jamais la fortune et l'amour n'ont donné contradictoirement de meilleures consultations, aux bourgeois de tous les étages, de tous les âges et de toutes les complexions que dans cette maison de bonne compagnie, qui a trouvé moyen d'avoir beaucoup, d'esprit sans ressembler à celle de Molière. Le Gymnase montre à coup sûr moins de philosophie et de vis comica, et je sais bien que nous pouvons envier jusqu'au franc-parler du grand siècle ; mais le tempérament du Gymnase a moins varié depuis qu'il n'est plus le théâtre de Madame, et il fait bien de rester le plus possible de son époque, en tenant son rang de théâtre bien élevé. Où donne-t-on de meilleures leçons de savoir-vivre aux gens du monde, y compris les plus jolies femmes et les heureux de leur façon ? A l'autre extrémité du boulevard Bonne-Nouvelle, même côté, le n° 8 forme encore sur le boulevard une saillie angulaire ; on se plaint néanmoins, depuis un siècle, qu'elle fasse disparate, qu'elle empêche de voir la porte-Saint-Denis et qu'elle gêne la circulation. M. de l'Orme, inspecteur du pavé de Paris, s'y est contenté à l'origine du corps de bâtiment qui dépasse l'alignement ; son jardin se composait du reste. M. Briand, qui a été préfet, tire du même immeuble un gros revenu. Une des boutiques voisines qui donnent aussi sur ce qu'on peut appeler la place de la Porte-Saint-Denis, est au service d'un perruquier dont l'enseigne comporte des vers que nous nous empressons de reproduire : Passant, contemplez la douleur Les n°s 6, 4 et 2 ne pourraient se comparer au 8 que sous le rapport de la longévité ; l'un d'eux est occupé par un hôtel garni dans les prix doux, et il y aurait témérité à en dire autant de ses lits : un bureau de placement des garçons boulangers sert de dépôt de recrutement à sa clientèle ordinaire. Une autre de ces boutiques était exploitée par Mme Soudain, jurée de la lingerie, vingt années avant l'abolition des corps de métier. Du bazar Bonne-Nouvelle, qu'on a bâti sous le dernier roi, l'emplacement jadis faisait partie du domaine suburbain dans lequel s'établit originairement le couvent des Tilles-Dieu, avant de passer à la Ville-Neuve, de l'autre côté de ce qui est pour nous le grand boulevard, après avoir été le cours et le rempart. Le théâtre du Vaudeville, alors qu'un incendie l'exila de la rue de Chartres, vint donner là des représentations dans une salle provisoire, qui fut aussi le théâtre de l'escamoteur Philippe. Un autre prestidigitateur eut postérieurement une autre salle par-derrière, au premier étage. On a même donné des concerts et de petits spectacles dans le sous-sol du bazar avant et après la révolution de Février. Traversons la chaussée, passons n° 3, ou une niche ronde distingue la porte bâtarde qu'elle domine : ce petit enfoncement est veut de quelque image de Notre-Dame. Au milieu du siècle XVIII la maison avait une sortie sur la rue Basse-Villeneuve, que le boulevard a aussi englobée, et Guillaume Andouard, marchand boucher, la possédait ; ensuite elle appartint à Mme Carton, femme d'un excellent, maître de clavecin, mort en 1758, et rebâtie plus tard par Callou, entrepreneur, elle fut vendue en 1830 à Mlle Avrillion, qui avait été première femme de chambre de l'impératrice Joséphine, et qui a fait paraître des mémoires chez Ladvocat : le neveu de Mlle Avrillion en est encore propriétaire. Le rez-de-chaussée et l'entresol du 5 sont l'ancien restaurant Thierry : il a suffi de quelques fils de famille, y ayant compte ouvert, pour l'ériger en une maison de premier ordre de 1830 à 40. Une redoutable concurrence est faite à la galette du Gymnase, depuis quelques années, par un marchand de brioches au coin de la rue de la Lune ; une autre boutique du même immeuble a pour enseigne deux Indiens, double sentinelle plaquée en 1804 devant un magasin de papiers peints fondé quatorze années plus tôt. Dans un temps plus reculé la maison même portait cette devise Au Petit-Montmartre, et comme elle tenait au rempart de la ville, les soldats arrivants s'y arrêtaient de droit et d'habitude pour prendre quelque repos. Servitude qui tomba d'elle-même dès que l'entrée de Paris se reporta plus loin. Un serrurier était déjà établi en cet endroit pendant les troubles de la Fronde ; il avait payé son terrain à raison de 25 livres tournois la toise, en 1646, aux Filles-Dieu, dont Jacqueline. Le Feuve était prieure. Il n'y avait alors qu'un seul corps de logis, précédé d'une charmille entre le boulevard et la rue Beauregard ; mais le terrain était carré, et il ne devint triangulaire que par suite d'expropriation pour élargir la voie publique. Bettancourt, maître serrurier, obtint de Mgnr de Bernage, prévôt des marchands sous Louis XV, la permission de bâtir sur le jardin, avec, l'agrément des Filles-Dieu, dans la censive desquelles demeurait la propriété, et le principal motif de la requête avait été que cette bâtisse supplémentaire ferait embellissement pour la ville. On avait imposé au reconstructeur de se donner pour encoignure un pan coupé d'au moins 8 pieds, afin d'éviter l'angle aigu, et ce pan ne bronche pas encore, malgré l'élévation des six étages qu'il écorne. La porte, par exemple, a changé plusieurs fois de place, en passant de la rue Beauregard à celle de la Lune ou au boulevard. Un dompteur d'animaux a montré des lions, des ours et des serpents entre les quatre murs qui répondent au n° 7 ; un magasin de nouveautés n'y rayonne, pour faire envie à toutes les grisettes qui passent, que depuis 1832 : peu d'années auparavant avaient disparu la grille et le jardin de l'ancienne ménagerie. La construction date d'environ quatre siècles, quoi que disent le badigeon et les glaces qui la rajeunissent. Que de fois il a bien fallu la rhabiller de pied en cap, pour cacher les éclaboussures qui lui venaient tout droit d'une victoire remportée à la porte Saint-Denis par les soldats de l'Ordre ou par ceux de la Liberté ! Aucun jour ne la mit pourtant dans un plus pitoyable état que le 2 décembre 1851. Le même toit, ou il ne s'en faut de guère, abritait ayant, la Révolution un sieur de Condé, qu'on regardait comme l'héritier principal des richesses laissées par le légendaire Jean Thiéry, dont la succession est en litige depuis si longtemps ! Ce Condé est allé à Venise, pour faire reconnaître ses droits, et les papiers qu'il avait réunis sont depuis lors perdus pour sa branche. Mais il ne faut désespérer de rien. Suzanne de Condé, veuve d'Alexis Meusnier, convola certainement avec Thiéry-Fruteau ; leur contrat de mariage fut signé le 21 août 1704 ; mais ledit Thiéry-Fruteau n'avait aucune prétention à la succession de Jean Thiéry, à laquelle pouvait aspirer Suzanne de Condé ou son premier mari, nièce ou neveu direct du Thiéry qui aurait été le plus habile à se porter héritier. Marie Meusnier, fille du premier lit, épousa Etienne-Joseph Blerzy. La généalogie de Mme Cotton, née Romary, qui prétend au même héritage, la fait descendre d'une autre branche. Antoine Thiéry, né en 1660, eût pour fille Marie Thiéry, qui épousa François Bonnard, et la fille de ces derniers, née en 1712, épousa Charles Rothary. Le n° 9 a-t-il eu pour aînée la porte Saint-Denis ? nous en doutons. Le 11, tout comme la loge du montreur d'ours, a été d'abord un cottage ; un petit bal a attiré les commis de la rue Saint-Denis dans cette propriété, dont le bâtiment en devanture n'est âgé que d'un demi-siècle. Les hospices sont propriétaires du 13, qui n'a rien de plus jeune, si ce n'est le magasin de nouveautés qui s'y est mis sous l'invocation d'un opéra moderne, la Favorite. L'immeuble qui vient après est moderne et pourvu d'une terrasse sur la boulevard ; mais ses derrières sont d'un autre âge. Le 17, qui se contente de remonter au Consulat du côté de la rue de la Lulle, n'est pas même majeur sur le versant qui regarde le Gymnase. Deux masques différents sont pareillement de rechange au 19. La maison subséquente a été bâtie avec les pierres provenant de la démolition de la Bastille et de l'ancienne église de Saint-Paul, rue Saint-Paul. Le plan de Verniquet marquait presque en face de la rue d'Hauteville une succursale de la communauté des filles de Saint-Chaumont, établie rue Saint-Denis. |
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