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LES RÉVERBÈRES
(D'après Tableau
de Paris, par Louis-Sébastien Mercier, paru en 1782)
Il n'y a plus de lanternes depuis seize ans. Des réverbères ont pris leur place. Autrefois, huit mille lanternes avec des chandelles mal posées, que le vent éteignoit ou faisoit couler, éclairoient mal, et ne donnoient qu'une lumière pâle, vacillante, incertaine, entrecoupée d'ombres mobiles et dangereuses. Aujourd'hui l'on a trouvé le moyen de procurer une plus grande clarté à la ville, et de joindre à cet avantage la facilité du service. Les feux combinés de douze cents réverbères jettent une lumière égale, vive et durable. Pourquoi la parcimonie préside-t-elle encore à cet établissement nouveau ? L'interruption des réverbères a lieu les jours de lune ; mais avant qu'elle soit levée sur l'horizon, la
Quand il se couche, les mêmes inconvénients se font sentir, et Paris alors est totalement plongé dans les plus dangereuses ténèbres. L'huile des réverbères est une huile de tripes, qui se fabrique, lors de la cuisson, dans l'Isle des Cygnes. On fait payer tous les vingt ans, aux propriétaires des maisons, une somme assez considérable pour le rachat des boues et lanternes. La taxe surpasse de beaucoup les frais qu'il en coûte pendant ces vingt années ; ce qui est une vexation de plus, que supporte le bon parisien. Les boues de Paris, chargées de particules de fer que le roulis éternel de tant de voitures détache incessamment, sont nécessairement noires ; mais l'eau qui découle des cuisines, les rend puantes. Elles sont d'une odeur insupportable aux étrangers, par la quantité de soufre et de sel nitreux, dont elles sont imprégnées ; les taches qu'elles font, brûlent l'étoffe. Des tombereaux enlèvent les boues et les immondices ; on les verse dans les campagnes voisines : malheur à qui se trouve voisin de ces dépôts infects. L'enlèvement des boues est à l'entreprise et au rabais. Quand
il a neigé, et qu'il faut enlever toutes ces neiges, ainsi que les glaçons
des ruisseaux, et que toutes les ordures ont pris la consistance de la pierre,
ce n'est pas alors un petit ouvrage, que le charroi de ces matières
endurcies, qu'il faut préalablement détacher des bornes. Les
rues deviendroient impraticables au bout de trois jours, et l'on seroit enfermé chez
soi, sans la police qui redouble de vigilance et de travail. Il y a des parties
si bien traitées, qu'on ne sait pourquoi d'autres sont absolument négligées. |
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