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LES MARCHÉS
(D'après Tableau de Paris,
par Louis-Sébastien Mercier, paru en 1782)
Les marchés de Paris sont malpropres, dégoûtants ; c'est un chaos où toutes les denrées sont entassées pêle-mêle ; quelques hangars ne mettent pas les provisions des citoyens à l'abri des intempéries des saisons. Quand il pleut, l'eau des toits tombe ou dégoutte dans les paniers où sont les oeufs, les légumes, les fruits, le beurre, etc. Les environs des marchés sont impraticables ; les emplacements sont petits, resserrés ; et les voitures menacent de vous écraser, tandis que vous faites votre prix avec les paysans : les ruisseaux qui s'enflent, entraînent quelquefois les fruits qu'ils ont apportés de la campagne ; et l'on voit les poissons de mer qui nagent dans une eau sale et bourbeuse. Le bruit, le tumulte est si considérable, qu'il faut une voix plus qu'humaine pour se faire entendre : la tour de Babel n'offrait pas une plus étrange confusion. On a élevé, depuis vingt-cinq ans, un entrepôt pour les farines, qui a servi à dégager un peu le quartier des halles : mais cet entrepôt se trouve fort étroit ; il conviendrait à une ville du troisième ordre, il est insuffisant à la prodigieuse consommation de la capitale : les sacs de farine sont exposés à la pluie ; et je ne sais quel caractère mesquin, imprimé à tous les monuments modernes, empêche de faire rien de grand. Les poissonneries infectent. Les républiques de Grèce défendirent aux marchands de
poisson de s'asseoir en vendant leur marchandise. La Grèce avait le
dessein de faire manger le poisson frais et à bon marché. Les
poissonnières de Paris ne vendent le poisson que quand il va se gâter.
Elles tiennent le marché tant qu'elles veulent ; il n'y a que le parisien
au monde, pour manger ce qui révolte l'odorat : quand on lui en fait
le reproche, il dit qu'on ne sait que manger, et qu'il faut qu'il soupe. Il
soupe, et avec ce poisson à moitié pourri il se rend malade. |
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