Vie quotidienne a Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de la vie quotidienne d'autrefois à Paris, consignant les activités, moeurs, coutumes des Parisiens d'antan, leurs habitudes, leurs occupations, leurs activités dont certaines ont aujourd'hui disparu. Pour mieux connaître le Paris d'autrefois dans sa quotidienneté.
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Les écrivains des charniers-innocents
(D'après Tableau de Paris, par Louis-Sébastien Mercier, paru en 1782)

Il faut qu'ils vivent tout comme les théologiens : plus utiles qu'eux, ils sont les dépositaires des tendres secrets des servantes ; c'est là qu'elles font écrire leurs déclarations ou leurs réponses amoureuses ; elles parlent à l'oreille du secrétaire public, comme à un confesseur ; et la boîte où est l'écrivain discret, ressemble à un confessionnal tronqué. Le scribe, la lunette sur le nez, la main tremblante, et soufflant dans ses doigts, donne son encre, son papier, sa cire à cacheter et son style, pour cinq sols. Les placets au roi et aux ministres coûtent douze sols, attendu qu'il y entre de la bâtarde, et que le style en est plus relevé.

Les écrivains des charniers sont ceux qui s'entretiennent le plus assidûment avec les ministres et les princes ; on ne voit à la cour que leurs écritures. Au commencement du règne, ils étaient menacés de faire fortune ; on recevait tous les placets, on les lisait, on y répondait ; tout à-coup cette correspondance entre le peuple et le monarque a été interrompue ; les écrivains des charniers, qui avoient déjà acheté des perruques neuves et des manchettes, ont vu leur bureau désert, et sont retombés dans leur antique indigence. Sans la secrète correspondance des cœurs, qui n'est pas sujette aux vicissitudes, ils iraient augmenter le nombre déjà prodigieux des squelettes qui sont entassés au-dessus de leurs têtes, dans des greniers surchargés de leur poids.

Quand je dis surchargés, ce n'est pas une figure de rhétorique. Ces ossements accumulés frappent les regards ; et c'est au milieu des débris vermoulus de trente générations, qui n'offrent plus que des os en poudre ; c'est au milieu de l'odeur fétide et cadavéreuse, qui vient offenser l'odorat, qu'on voit celles-ci acheter des modes, des rubans, et celles-là dicter des lettres amoureuses. Le régent avait, pour ainsi dire, composé son sérail des marchandes de modes et des filles lingères, dont les boutiques environnent et ceignent, dans sa forme quarrée, ce cimetière vaste et hideux.


 

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