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LES TUILERIES
(D'après Tableau
de Paris, par Edmond Texier, paru en 1852-1853)
Catherine de Médicis, en 1564, fait bâtir par Philibert de l’Orme, un palais sur l'emplacement d'une tuilerie. Pendant trois siècles le Palais des Tuileries connut les fastes royaux, l'agitation révolutionnaire, puis l'arrivée de l'Empire. Le 23 mai 1871, les insurgés de La Commune incendièrent le Palais qui fut rasé en 1882. Jérôme Pozzo di Borgo et son fils Charles, neveu de l’ambassadeur de Russie, achetèrent une grande partie des pierres et les envoyèrent en Corse afin de construire un château familial à Alata. La Sablonnière. – Pierre
des Essarts et l'hôtel des
Tuileries. – Catherine de Médicis achète la maison
des Tuileries. – Origine du château des Tuileries. – Philibert
Delorme et Jean Bullan. – Louis IV termine les Tuileries. – Levau
est chargé de ce travail. – Historique du château des
Tuileries. – Une fête sous Charles IX. – Ascension des
physiciens Charles et Robert dans le jardin des Tuileries. – Louis
XVI aux Tuileries. – 20 juin 1792. – Le 10 août. – La
Convention aux Tuileries. – Gardiens volontaires des Tuileries après
Février 1848. L'exposition de peinture aux Tuileries. – Bal
du 25 janvier 1852 au palais des Tuileries. – Séance d'ouverture
de la session du sénat et du corps législatif, dans la salle
des Maréchaux. – Théâtre du palais des Tuileries. – Les
différentes représentations qui y ont eu lieu. – Description
de la salle. – Le jardin des Tuileries. – Ses vicissitudes. – Le
Nôtre. – Les pommes de terre aux tuileries. – La fête
de l'Être Suprême. – Charme du jardin des Tuileries. – Les
hôtes des Tuileries. – La place de la Concorde. – L'Obélisque. – Le
jardin des Tuileries vu à vol d'oiseau. – Les pelouses et
les parterres des Tuileries. – Les bassins des Tuileries. – Les
poissons rouges. – L'allée des Orangers. – La terrasse
des Feuillants. La terrasse du bord de l'eau. – Sa fâcheuse transformation. – Le
public du jardin des Tuileries. – Les
enfants aux Tuileries. – La petite Provence. – Les allées
mystérieuses. – Les statues. La tuile qu'on employait à Paris se fabriqua d'abord au bourg Saint-Germain-des-Prés, sur l'emplacement qui a longtemps conservé le nom de la rue des Vieilles-Tuileries. Dans la suite, on éleva de l'autre côté de la Seine plusieurs fabriques de tuiles sur un terrain appelé, au quatorzième siècle, la Sablonnière. Près de ces fabriques, Pierre des Essarts occupait une maison, l'hôtel des Tuileries, qu'il céda à l'hôpital des Quinze-Vingts. Charles VI ordonna, en 1416, que toutes les tuleries et escorcheries seraient transportées hors des murs de la ville, près ou environ des Tuileries Saint Honoré, qui sont sur la rivière de Seine outre les fossés du château du Louvre. Nicolas Neuville de Villeroy, secrétaire des finances et audiencier de France, possédait en cet endroit, au commencement du seizième siècle, une grande habitation avec cours et jardin clos de murs. Louise de Savoie, mère de François Ier, se trouvant incommodée, du séjour de son palais des Tournelles environné d'eaux stagnantes, résolut de changer d'air, elle pensa à la maison de M. de Neuville, et vint l'habiter. La santé de Louise de Savoie ne tarda pas à se rétablir cette circonstance heureuse engagea François ler à faire. l'acquisition de cet hôtel ; le propriétaire reçut en dédommagement la terre de Chenteloup, près de Montlhéry. Louise de Savoie s'ennuya bientôt dans sa nouvelle habitation, et cette princesse fit don de son hôtel à Jean Tiercelin, maître d'hôtel du Dauphin, et à Julie du Trot, sa femme. Henri II, blessé dans un tournois par le comte de Montgommery, mourut à l'Hôtel des Tournelles, qui devint, à partir de cet événement, comme un lieu de malédiction, et fut aussitôt abandonné par Catherine de Médicis. Par lettres-patentes du 28 janvier 1563, Charles IX ordonna la démolition de l'hôtel des Tournelles. Catherine de Médicis fit l'acquisition le la maison des Tuileries, de plusieurs propriétés voisines et d'un grand terrain qui appartenait à l'hôpital des Quinze-Vingts. Elle fit alors jeter les fondements d'un nouvel édifice ; les jardins furent
Pour se procurer les fonds nécessaires à cette construction, Catherine fit vendre à Paris, plusieurs terrains vacants, et notamment ceux des hôtels des Tournelles et d'Angoulême. Philibert Delorme et Jean Bullan furent chargés de fournir les plans de l'édifice. On éleva d'abord le gros pavillon placé au centre de la façade. Ce pavillon était couronné par un vaste dôme circulaire, et couvert en ardoises. Depuis on a changé la forme de ce dôme, qui est aujourd'hui quadrangulaire. Le pavillon central, les deux bâtiments latéraux et les pavillons qui s'élèvent à leur extrémité composaient alors, et composèrent pendant longtemps le château des Tuileries. Les diverses parties de cet édifiée sont couvertes d'un comble en ardoises d'une grande élévation, comme on en voit sur la plupart des édifices de Paris bâtis au seizième et au dix-septième siècle. Ces combles énormes, qui s'accordent mal avec les ordres grecs auxquels on les associe, doivent évidemment leur origine aux combles des forteresses féodales. Les bâtiments latéraux du pavillon du centre présentaient, du côté du jardin, à droite et à gauche, deux terrasses découvertes, supportées chacune par douze arcades. Sous la Restauration, la terrasse de droite fut transformée en galerie vitrée, conduisant du pavillon central à la chapelle. Depuis 1830, on a couvert cette terrasse de constructions nouvelles, élevées au dessus et à fleur des douze arcades du rez-de-chaussée et servant de lieu de promenade pendant le mauvais temps. C'est M. Fontaine qui a été chargé de ce travail. Ces terrasses en galeries avaient à leur extrémité un pavillon carré moins élevé que le pavillon du centre. C'est à ces deux pavillons que se terminait alors tout l'édifice des Tuileries. En 1664, Louis XIV chargea Levais de terminer le palais des Tuileries, c'est-à-dire de le défigurer. Tel qu'il était alors, l'édifice était complet. Le pavillon du centre fut exhaussé ; on le décora de deux ordonnances, l'une corinthienne, l'autre composite, et d'un attique avec cariatides. On ne laissa subsister des constructions du premier architecte, Philibert Delorme, que l'ordonnance du rez-de-chaussée, ordonnance composée de colonnes et de pilastres à tambours de marbre, et dont les sculptures sont très finement exécutées. Les deux terrasses placées sur la façade du jardin furent conservées dans leur forme originelle ; mais on changea la décoration des façades des bâtiments qui sont au fond de ces terrasses, et les trumeaux de ces façades furent enjolivés de gaîines et de bustes. Ce fut aussi sous le règne de Louis XIV que fut décoré l'intérieur de la galerie qui unit le palais des Tuileries au palais du Louvre. Le grand roi fit sculpter les bas-reliefs des pavillons d'angles des Tuileries, ainsi que tous ceux qu'on voit sur les frontons de la galerie. Les tristes événements qui se sont passés aux Tuileries semblent avoir imprimé sur les pierres de ce palais une teinte lugubre. Ce fut au palais des Tuileries, quatre jours avant le massacre de la Saint Barthélemy, que la reine Catherine de Médicis donna une fête dont nous empruntons les détails aux mémoires de l'état de la France sous Charles IX : « Premièrement, en ladite salle à main droite, il y avait le paradis ; L'entrée duquel était défendue par trois chevaliers armés de toutes pièces, qui étaient Charles IX et ses frères. A main gauche, était l'enfer, dans lequel il avait un grand nombre de diables et de petits diablotaux, faisant infinies singeries et tintamarres, avec une grande roue tournante dans ledit enfer, toute environnée
A l'un des bouts de la salle, et derrière le paradis étaient les Champs-Élysées, à savoir un jardin embelli de verdure et de toutes sortes de fleurs ; et le ciel empirée, qui était une grande roue avec les douze signes du zodiaque ; les sept planètes et une infinité de petites étoiles faites à jour, rendant une grande lueur et clarté par le moyen des lampes et flambeaux qui étaient artistement accommodés par derrière. Cette roue était dans un continuel mouvement, faisant aussi tourner un jardin dans lequel, étaient douze nymphes fort richement parées. Dans la salle se présentèrent plusieurs troupes de chevaliers errants (c'étaient des seigneurs de la religion, qu'on avait choisis exprès), ils étaient armés de, toutes pièces, vêtus de diverses livrées et conduits par leur princes (le roi de Navarre et le prince de Condé), tous lesquels tachant de gagner ce paradis, pour ensuite aller quérir ces nymphes, en étaient empêchés par les trois chevaliers qui en avaient la garde : lesquels, l'un après l'autre, se présentaient à la lice, et ayant rompu la pique contre lesdits assaillants et donné le coup de coutelas, les renvoyaient vers l'enfer où ils étaient traînés par des diables et diablotaux. Cette forme de combat dura jusqu'à ce que les chevaliers errants eussent été combattus et traînés un à un dans l'enfer, lequel fut ensuite clos et fermé. A l'instant descendirent du ciel Mercure et Cupidon, portés sur un coq. Le Mercure était cet Étienne le Roi, chantre tant renommé, lequel, étant à terre, se vint présenter aux trois chevaliers, et, après un chant mélodieux, leur fit une harangue et remonta ensuite au ciel sur son coq toujours chantant. Alors les trois chevaliers se levèrent de leurs sièges, traversèrent le Paradis, allèrent aux Champs-Élysées quérir les douze nymphes et les amenèrent au milieu de la salle, où elles se mirent à danser un ballet fort diversifié, et qui dura une grosse heure. Le ballet achevé, les chevaliers qui étaient dans l'enfer furent délivrés et se mirent à combattre en foule et à rompre des piques. Le combat fini, on mit le feu à des traînées de poudre,
qui étaient autour d'une fontaine dressée presque au milieu
de la salle, d'où s'éleva un bruit et une fumée qui
fit retirer chacun. Tel fut le divertissement de ce jour, d'où l'on
peut conjecturer quelles étaient, parmi telles feintes, les pensées
du roi et du Jusqu'à l'époque de la révolution, le château des Tuileries ne fut le théâtre d'aucun événement important. Louis XIV avait abandonné cette habitation pour résider à Saint-Germain, puis ensuite à Versailles. Ses successeurs imitèrent le grand roi sous ce rapport. On donnait des fêtes périodiques dans le jardin des Tuileries. Une de ces fêtes fut attristée, le 1er février 1783, par un malheur : les physiciens Charles et Robert voulurent y faire une ascension aérostatique, mais le second périt victime de son audace. Louis XVI habitait Versailles lorsque le peuple ameuté alla l'y chercher... Le roi vint occuper les Tuileries le 6 octobre 1789. Au mois de février 1790, le jardin des Tuileries fut le théâtre d'une émeute causée par le départ des tantes du roi. Au moisd'avril suivant, un nouveau rassemblement s'y forma pour empêcher Louis XVI d'aller à Saint-Cloud. Le 20 juin 1792, le peuple envahit les Tuileries pour présenter lui-même les pétitions au roi, qui fut coiffé du bonnet ronge. Cette triste journée servit de prélude à la sanglante révolution du 10 août. Cette fois la foule pénétra dans le palais le fer à la main. Les défenseurs du roi furent égorgés. Sous la république les Tuileries prirent le nom de Palais-National. Sur l'emplacement occupé par le théâtre, connu sous le nom de salle des Machines, on construisit la salle de la Convention ; on y entrait par un perron qui donnait sur la terrasse des Feuillants. C'est dans cette salle, que fut prononcée, le 29 janvier 1793, la sentence de la Convention qui condamnait à mort l'infortuné Louis XVI. La fameuse fête de l'Être Suprême eut lieu dans le jardin, le 9 juin 1794. Le conseil des anciens remplaça la Convention aux Tuileries. Napoléon, consul et
Immédiatement après la révolution de 1848, des hommes armés s'étaient emparés des Tuileries ; ils y restèrent pendant trois semaines environ. Ces hommes avaient jeté pendant quelques jours dans Paris une véritable panique. On avait répandu le bruit qu'en possession des Tuileries ils y pillaient tout et refusaient obstinément d'évacuer le château. Tout cela n'était pas complètement vrai. Ces hommes avaient veillé avec assez de fidélité sur le dépôt sacré dont ils s'étaient constitués les gardiens : aussi déclarèrent-ils qu'ils ne voulaient pas sortir du château comme une bande de malfaiteurs, mais comme une garnison fidèle. On entra en pourparlers avec eux pour les engager à remettre la garde du palais à la troupe régulière. Ils défilèrent alors devant, l'état-major de la garde nationale, précédés d'un tambour, et un drapeau en tête. Le palais des Tuileries servit, l'année suivante de salle d'exposition de peinture. Dans cette innovation, il y avait, au moins progrès pour le palais : on voulait d'abord en faire un hospice ; on en fit un musée. Mais il n'y avait pas bénéfice pour les beaux-arts ; car si les malades s'y trouvaient bien, les tableaux y étaient fort mal. Ce n'était là, du reste, que du provisoire, et c'était une excuse pour l'administration. Mais elle était louable de l'initiative qu'elle avait prise, en transportant l'exposition ailleurs qu'aux anciennes galeries du Louvre, où elle avait le double inconvénient de priver très longtemps le public de la vue et de l'étude des chefs-d'œuvre des grands maîtres anciens, sacrifiés à la médiocrité, pour ne pas dire plus, des artistes vivants, et, d'autre part, le les exposer à des causes de détérioration, soit par suite des accidents possibles pendant la pose des tableaux, soit même par le fait seul des tentures qui les recouvraient et les maintenaient dans un espace où l'air ne se renouvelait pas. Un fois cette nécessité admise de ne plus faire l'exposition des peintres vivants dans les galeries du Louvre, le château des Tuileries, étant inoccupé, méritait peut-être, à cause de sa situation centrale, la préférence sur tout autre monument public, qui eût certainement offert au même degré que lui le défaut de
Ce manque de convenances n'existe-t-il pas d'ailleurs au Louvre lui-même ? Ses croisées avaient été ouvertes pour éclairer un cortège de courtisans, de pages et d'officiers ; il ne faut pas s'étonner si le jour auquel elles donnent accès offusque parfois d'une manière fâcheuse les tableaux qui leur font face, et si les vierges immobiles de Raphaël ou les nymphes de Titien s'en accommodent moins bien que ne pouvaient le faire Gabrielle d'Estrées ou madame de Montespan à leur passage. Le 25 janvier de cette présente année 1852, les Tuileries s'illuminaient pour la première fois depuis quatre ans ; le président de la République, Louis-Napoléon, offrait un bal dans, cette salle des Maréchaux qui portait encore les traces de la dernière révolution. Le 29 mars de cette même année avait lieu dans ce palais l'ouverture de la session du sénat et du corps législatif. La salle des Maréchaux avait été disposée pour cette solennité. Une estrade avait été préparée au fond de la salle pour le président, ses ministres, sa maison militaire et le conseil d'État.
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