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LA MODE SOUS LE PREMIER EMPIRE
(D'après Les Modes de Paris 1797-1897,
par Octave Uzanne, paru en 1898)
Elle en avait constamment un toute la matinée qu'elle drapait sur ses épaules, La fureur des schalls de cachemire, de Perse et du Levant, ainsi que tout le goût oriental qui dominait alors dans le monde des grandes coquettes, provenaient de l'expédition d'Egypte et des étoffes que nos vaisseaux avaient rapportées du Caire et d'autres lieux. Joséphine qui avait déjà, à son retour d'Italie, mis en vogue les modes antiques dans les parures et principalement pour les bandeaux en camées, les bracelets et les pendeloques d'oreille, devait être aussi la première à faire circuler les broderies orientales, les turbans tissés d'or et toutes les soieries des Indes. D'humeur oisive et paresseuse, n'ayant aucun goût pour la littérature, ne lisant jamais, écrivant le moins possible, peu faite pour les travaux intellectuels, sa nature passive s'était entièrement donnée Elle fuyait le théâtre et n'y allait guère qu'en compagnie de l'Empereur ; mais, sans sortir de son cercle, elle avait l'art de gaspiller l'or à pleines mains, au point d'en irriter Bonaparte qui cependant calculait peu et ne refusait rien à sa femme. La journée se passait en toilettes diverses ; le soir, elle apportait plus de recherche et d'élégance encore dans la disposition de ses robes ; généralement Joséphine se coiffait simplement, à la manière antique, entremêlant dans ses beaux cheveux noirs, relevés sur le haut de la tête, des guirlandes de fleurs, des résilles de perles ou des bandelettes constellées de pierres précieuses. Le plus souvent elle portait ces robes blanches dont Napoléon raffolait et qui étaient faites d'un tissu de mousseline de l'Inde si fin et si clair qu'on eût dit une robe de brouillard ; ce tissu oriental ne coûtait pas moins de cent à cent cinquante francs l'aune. Au bas de la jupe se trouvaient des festons d'or brodé et de perles, et le corsage, drapé à gros plis, laissait les bras nus et était arrêté sur les épaules par des camées, des boucles de diamants ou des têtes de lion d'or formant agrafes. L'Impératrice avait, comme la plupart des grandes élégantes de l'Empire, la Mme de Rémusat, à
qui il faut bien revenir pour tous les petits bavardages de toilette et
les commérages du Palais, ne cache rien des prodigalités
de Joséphine. « La moindre petite assemblée,
le moindre bal lui étaient une occasion, dit-elle, de commander
une parure nouvelle, en dépit des nombreux magasins de chiffons
dont on gardait les provisions dans tous les palais, car elle avait la
manie de ne se défaire de rien. Il serait impossible de dire quelles
sommes elle a consommées en vêtements de toute espèce
: Chez tous les marchands de Paris on voyait toujours quelque chose qui
se faisait pour Elle a donc expiré, – la sympathique femme ! – toute couverte de rubans et de satin couleur de rose. On conçoit que cette passion de l'Impératrice pour le luxe et la dépense devait causer d'émulation à la Cour et ce qu'il fallait chaque jour inventer, combiner, faire exécuter pour paraître honorablement autour d'elle, sans risque de faire tache ou d'indisposer Sa Majesté. La reine Hortense, la jeune épouse de Louis Bonaparte, déployait une grande richesse dans sa mise selon le ton de la Cour ; mais elle apportait dans son luxe beaucoup de discrétion, d'ordre et d'économie. Tel n'était pas l'esprit de Caroline Murat et de la princesse Pauline Borghèse, qui étaient prises de la fureur Furieuses d'être placées... elles, – des Bonaparte, – au-dessous d'une Beauharnais dans la hiérarchie de l'Empire, elles ne savaient que trouver pour accentuer leur rivalité avec Joséphine et la piquer au jeu sous des allures cordiales et affectueuses. Elles ne paraissaient jamais aux Tuileries que dans des habits de cérémonie qui coûtaient pour le moins quinze à vingt mille francs et qu'elles avaient parfois la fantaisie de surcharger, au milieu de mille torsades de broderie, de tous les joyaux les plus rutilants de leurs cassettes. C'était là une note comique. Parmi les grandes coquettes de la cour, Mmes Savary, plus tard duchesse de Rovigo, et Maret, future duchesse de Bassano, ainsi que Mme de Canisy, étaient mises au premier rang après les princesses ; on comptait qu'elles dépensaient annuellement plus de vingt mille écus pour leur toilette, ce qui était, relativement à la valeur de l'argent au commencement de ce siècle, une somme considérée comme excessive. Dans le fameux quadrille exécuté par la suite : Les Péruviens allant au Temple du Soleil, on calcula que le nombre de diamants porté par les dames de l'Empire se chiffrait par une somme de vingt millions de francs ; on ne manqua pas de crier à l'impossible, à la féerie, comme si Aladin en personne fût venu aux Tuileries. – A la fin de ce siècle, en ce moment même, nous serions plus croyants et médiocrement ébourriffés par ce chiffre de pierreries.
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