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LES PARISIENNES DE 1830 (D'après Les
Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)
Usages et raffinements des Élégantes de l'Âge Romantique Le type féminin le plus cherché, le plus à la mode vers 1830 est, à n'en point
Ce qu'elle cherche, ce sont des émotions et des jouissances de coquette ; pour conserver cette place de femme à la mode dans un temps où la gloire est si capricieuse, il lui a fallu autant d'habileté que de bonheur, autant d'adresse que de beauté, autant de calculs que de chances favorables, elle a dû faire abstraction de ses caprices, de ses fantaisies, presque de son cœur. Pour maintenir ce pouvoir envié et attaqué de grande première coquette, chaque jour remis en question comme le pouvoir d'un premier ministre, il lui a fallu équilibrer sa vie avec sûreté, et aussi avec quelle prudence et quelle politique ! Pénétrons, si vous le voulez bien, chez une femme à la mode vers 1830 dès l'heure tardive de son petit lever : De légers nuages, d'une vapeur parfumée, s'élèvent d'une corbeille de fleurs soutenue par un trépied doré, et le flambeau d'un petit amour, tout façonné d'émaux et de pierreries, répand dans la chambre
Des kachemires suspendus aux patères, vingt nuances de gazes et de rubans qui attendent un choix ; des livres et des plumes, des fleurs et des pierreries ; des extraits d'ouvrages et de manuscrits commencés ; une broderie sur laquelle une aiguille s'est arrêtée ; un album rempli de croquis et de ressemblances inachevés ; puis les meubles qualifiés alors de somptueux, les ornements gothiques, les peintures aux fraîches et douces images, et la pendule emblématique qui sonne onze heures du matin et vient porter le réveil dans cette alcôve où repose tout ce que la jeunesse et la grâce peuvent réunir de séduisant sous les traits d'une femme à la mode. La belle s'éveille lentement,
ses yeux errent incertains dans le demi-jour de la chambre, elle s'étire
langoureusement dans la chaleur moite des draps : elle passe, comme une
caresse, sa main sur son front brûlant encore des Elle ajoute à cela un petit tablier en gros de Naples, nuance cendrée, brodé tout autour d'une guirlande en couleurs très vives ; un fichu de dentelle noué en marmotte sous le menton, puis des demi-gants couleur paille, brodés en noir. Elle chausse enfin des pantoufles en petits points, entourées d'une faveur plissée à petits tuyaux, comme les portait Mme de Pompadour, et ainsi vêtue, elle se rend à la salle à manger où le déjeuner est servi : un déjeuner mignon, léger, qu'on dirait composé d'œufs de colibri ; un doigt de vin de Rancio pour mouiller ses lèvres..., ce sera tout. L'après-midi, l'élégante à la mode revêtira, aux premiers jours de printemps, une robe en chaly semée de bouquets ou de petites guirlandes formant colonnes ; le corsage drapé ou à schall, en dedans un canezou à longues manches en mousseline brodée. Elle prendra une écharpe en gaze unie, une ceinture et des bracelets en rubans chinés ; sur sa tête elle jettera coquettement un chapeau de paille de riz orné d'un simple bouquet de plumes, et chaussée de bottines en gros de Naples couleur claire, elle descendra se blottir dans un brillant équipage pour parcourir la ville et faire quelques visites à diverses coquettes en renom, dont le jour de réception est marqué sur son petit agenda d'ivoire. « Marquise, avez-vous lu le Bon Ton de
ce matin ? – Mais c'est purement délicieux, baronne ! – Attendez, ce n'est pas tout ; pour compléter ce costume d'un genre tout odalisque et enrichi encore par de superbes diamants, on avait ajouté un turban, gaze blanche et or, orné de deux membranes d'oiseau de paradis, dont l'une était attachée contre le front, l'autre sur la tête en sens inverse. – Dieu ! la divine toilette ! – Aussi bien, marquise, suis-je encore dans l'indécision si je l'adopterai, quoique je sois de petite taille et qu'elle ne convienne qu'à ces colosses de femmes de l'Empire, qui ont toutes les finasseries possibles à côté de leur coquetterie. – Baronne, étiez-vous à l'Opéra avant-hier ? – Mais assurément, on donnait Robert, dont je raffole ; ces flots de pénétrante et ravissante harmonie me grisent le cœur ; je trouve Mme Damoreau faible cependant, et Nourrit exagéré et je regrette Levasseur et Mllelle Drus. – Pour moi, je me réserve, baronne, au plaisir de voir la Taglioni dans la Sylphide ; il paraît qu'elle y exerce une irrésistible attraction et que les soirs où elle paraît, il y a foule. – Comment, ma chère petite, vous ne l'avez point vue encore... ; mais c'est insensé ! hâtez-vous vite... » |
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