Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Histoire
CLIQUEZ ICI

HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les siècles, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Le commerce parisien. – Childebert. – Fondations d'églises. – Clotaire. – Mœurs et coutumes. – Chilpéric. – Crimes. – L'inondation. – L'incendie. – La disette. – La guerre. – Les enlèvements. – Saint Éloi. – Dagobert. – La foire Saint-Laurent. – L'adultère. – La peste. – Saint Marcel. – Nouvelles églises.

L'Établissement des Francs à Paris modifia sensiblement les coutumes et les usages des Gallo-Romains. Le principal commerce des Parisiens était le trafic par eau et les nautes formaient toujours le corps le plus important de la population ; chaque jour ils se réunissaient sur la place du commerce, située entre l'église cathédrale et le palais, et bientôt cette place devint le centre d'une sorte de Bourse des marchandises qui se tenait tout à côté de l'endroit où se trouvait un marché qui fut désigné sous le nom de marché Palud, à cause de l'humidité qui y régnait sans cesse.

Malheureusement, la sûreté des communications était loin d'être assurée et des pirates de Seine inquiétaient souvent les bateliers, victimes d'agressions continuelles. La place du Commerce devint par la suite le Marché-Neuf auquel on arrivait par la rue de l'Orberie qui dégénéra en celui de l'Herberie ; on croit que ce nom fut donné à la rue parce que les Parisiens allaient acheter leurs herbes au marché ; c'est une erreur, herberie n'est que la corruption du mot Orberie qui signifie place. C'était donc la rue de la place, c'est-à-dire : rue conduisant à la place Clovis ne laissa guère d'autre trace monumentale de son règne que la basilique des apôtres saint Pierre et saint Paul qu'il fit élever de concert avec la reine Clotilde, sa femme, afin d'accomplir un vœu qu'il avait fait lors de la guerre contre les Wisigoths.

Cette basilique (ancien nom donné aux églises) devint l'abbaye de Sainte-Geneviève. La tradition rapporte que Clovis, se trouvant sur l'emplacement qu'il avait choisi au sommet de la colline sur le versant de laquelle s'élevait le palais des Thermes, mesura le

Famille gauloise, temps primitifs
terrain qu'il avait dessein de consacrer au bâtiment, en lançant devant lui sa francisque de toute la force de son bras.

Clovis mourut avant l'achèvement de l'édifice, mais sa veuve le termina et y fit inhumer son époux et sainte Geneviève. Le vestibule de cette église était alors accompagné de trois portiques ornés de peintures qui représentaient les patriarches, les prophètes et les martyrs. Nous, en reparlerons lorsque la basilique des apôtres quitta son nom primitif pour prendre celui de Sainte-Geneviève.

Clovis mort, on sait que ses quatre fils se partagèrent le royaume et que Childebert fut roi de Paris qui ne cessa d'être considéré comme la capitale de la France et le lieu des assemblées générales pour la discussion des affaires communes à tout le royaume.

La reine Clotilde vécut à Tours, et ne fit que de courtes apparitions à Paris. La mort de son fils Clodomir, roi d'Orléans, l'y retint cependant quelque temps à l'effet de prendre soin des trois petits enfants qu'il avait laissés. Childebert et son frère Clotaire s'entendirent pour exclure leurs neveux de la succession au trône, de Clodomir et Clotaire en tua deux de sa main, Théobald et Gontier, le troisième, Clodoalde, se sauva. Les officiers des jeunes princes furent massacrés et le palais se trouva ce jour-là rempli de carnage et de sang.

Childebert après ce meurtre se retira dans un faubourg de Paris, ce qui démontre qu'à cette époque déjà, les rois avaient une résidence hors la ville. La reine Clotilde fit inhumer les petits princes assassinés et tout le clergé et le peuple en deuil chantèrent des psaumes jusqu'à la basilique des apôtres où ils furent enterrés. En 545, Clotilde, morte, y fut inhumée à son tour. En 551, vingt-sept évêques invités par Childebert tinrent un deuxième concile à Paris à l'effet d'y juger l'évêque Safaraque convaincu d'avoir déshonoré le siège épiscopal de Paris par un crime. Il fut déposé et remplacé par Eusèbe. A ce concile assistait saint Lubin, évêque de Chartres ; or, pendant la nuit, le feu prit aux maisons bâties sur le Grand Pont ; les flammes poussées par le vent, gagnèrent bientôt la ville. Au bruit que firent les habitants alarmés, Childebert s'éveilla et envoya aussitôt prier l'évêque Lubin qui était logé à Saint-Laurent, de secourir promptement la ville menacée d'un incendie général.

Lubin accourut, se mit en prière, et bientôt selon la légende, l'embrasement cessa, comme par miracle. Nous rapportons ce fait afin de signaler l'existence de la primitive église de Saint-Laurent qui paraît avoir existé non loin de celle qui est de nos jours place de la Fidélité ; elle occupait alors l'emplacement actuel de la maison de Saint-Lazare ; un cimetière était situé à droite de la route de Saint-Denis. Au commencement du XVIIIe siècle un sieur Nicolas Gobillon faisant exécuter des réparations derrière l'église construite en 1180, 1429 et 1595, trouva des cercueils dans lesquels étaient des corps dont les vêtements noirs étaient semblables à ceux des moines. Ces corps tombèrent en poussière dès qu'on les exposa au grand air. On pensa que ces tombeaux pouvaient avoir 900 ans d'antiquité. Grégoire de Tours parle de l'église Saint-Laurent et saint Domnolé en était abbé en 543. En 555, Eusèbe, évêque de Paris, mourut et ce fut Germain, fils, d'Eleuthère et d'Eusébie, qui lui succéda (il est désigné sous le nom de saint Germain d'Autun).

Childebert avait une grande considération pour cet évèque et ce fut d'après ses conseils qu'il rebâtit l'église de Notre-D'ame-Sainte-Marie. Fortunat, dans la description qu'il en a laissée, cite la magnificence de ce temple, qu'il ne craint pas de comparer à celle du temple de Salomon « pour la délicatesse de l'art et la richesse des ornements. » On y employa des colonnes de marbre pour soutenir l'édifice et ce fut la première église qui fut pourvue de vitres, dont l'usage était encore presque inconnu dans les Gaules. En 557, un troisième concile se tint à Paris pour empêcher l'usurpation des biens ecclésiastiques et maintenir la liberté des élections épiscopales. C'est à Childebert qu'on doit la construction de l'église Saint-Germain-des-Prés, originairement nommée basilique de saint Vincent et de sainte Croix.

Il en conçut le projet, à la suite du siège de Saragosse qu'il fit en 542 ; les habitants de cette ville croyaient conjurer le danger qu'ils couraient en se recommandant à saint Vincent ; le clergé, suivi d'une multitude d'hommes, de femmes, d'enfants et de vieillards, revêtus d'habits de deuil, porta en procession sur les remparts la tunique du saint. Childebert frappé de ce spectacle, consentit à lever le siège, à la condition, qu'on lui donnerait la précieuse relique. On se hâta de négocier à cet effet et Childebert revint à Paris, charmé de posséder la bienheureuse tunique, toutefois le sentiment religieux auquel il avait obéi ne l'empêcha pas d'enlever de l'église de Tolède une croix d'or enrichie de pierres précieuses, trente calices, quinze patènes et vingt cassettes destinées à contenir les évangiles, qu'il se promit de distribuer aux églises de France. Ce fut en souvenir de la belle croix d'or dont il s'était empare, qu'il voulut que le plan de son église eût la forme d'une croix. Il fit naturellement présent à la basilique de la croix et des principaux objets qu'il avait pris.

Les arceaux de chaque fenêtre furent supportés par des colonnes de marbre ; des peintures réhaussées d'or, brillèrent au plafond et sur les murs. Les toits formés de lames de bronze doré, firent donner à cette église le nom de palais doré de Germain, nom de l'évêque de Paris qui en fit la dédicace le 23 décembre 558, jour où, mourut Childebert qui y fut enterré. De nombreuses donations furent accordées par son fondateur à la riche basilique ; Childebert lui donna le fief d'Issy et-tout ce qui en dépendait, le cours de la Seine, l'une et l'autre de ses rives, des bois, des prés, des terres, une vigne, des moulins et des droits à percevoir sur les pêcheurs, les serfs inquilins, les affranchis et les ministériaux ; dans toute l'étendue comprise depuis le pont de la ville de Paris, jusqu'à l'endroit où la petite rivière de Sèvres se joint à la Seine.

A la prière du roi, l'évêque y établit une communauté de moines et accorda le privilège de l'exemption qui consistait principalement à laisser aux religieux la liberté d'élire leur abbé, à ôter à l'évêque et à toute autre personne la dis position des biens temporels du monastère, à laisser jouir en paix la communauté de ses revenus, sous l'autorité royale, enfin à défendre à tous prélats d'entrer dans ce lieu pour l'exercice d'aucune fonction de leur ministère, à moins qu'ils ne fussent invités par les abbés, soit pour célébrer les mystères divins, soit pour donner l'ordination aux clercs et aux moines. La veuve de Childebert, Ultrogothe et ses deux filles Chrotheberge et Chrothesinde furent aussi enterrées dans la basilique, et malgré le pillage de l'église par les Normands, des pierres tombales remontant à l'époque de ces inhumations, furent retrouvées et conservées a l'abbaye de Saint-Denis, notamment la pierre du tombeau de Childebert en pierre de liais et une table de marbre sur laquelle était gravé, selon l'usage, l'éloge, de ce souverain :

« Il triompha des Allobroges, des Daces, des Avernes, du roi des Bretons, des Goths et de l'Espagne. Il fonda le palais de Saint-Vincent, enrichit les temples de Dieu, distribua de l'argent aux pauvres et accumulait ainsi dans le ciel des trésors éternels »

Il est permis d'observer que la façon dont il acquit ces trésors par le pillage et vol, ne dut cependant guère lui être comptée comme action méritoire. Mais à cette époque de barbarie, où le droit du plus fort était à peu près le seul qu'on respectât, on n'y regardait pas de si près. On trouva aussi, lors des réparations qui furent exécutées dans cette église de 1653 à 1656, le tombeau de Chilpéric Ier assassiné en 584 par l'ordre de Frédégonde sa femme ; celui de cette épouse sanguinaire dont les crimes épouvantèrent ses contemporains, et enfin le tombeau de Childéric II. On sait que c'était la coutume alors d'enterrer les rois dans les églises, plus tard les gentils-hommes et les nobles les plus minces jouirent du même privilège.

Sous le règne de Childebert, selon l'historien Jaillot, il y avait à Paris un saint solitaire nommé Séverin qui s'était retiré dans un ermirtage près la porte méridionale ; la vénération que ses vertus avaient inspirée aux Parisiens les engagea à bâtir sous son nom un oratoire au lieu même qu'il avait habité et qui fut appelé Saint-Séverin. Dévasté par les Normands Saint-Séverin fut rebâti vers la fin du XIe siècle et reçut le titre d'archipresbytéral. Une reconstruction plus complète eut lieu au XIIIe siècle.

On attribue aussi à Childebert l'établissement de plusieurs maladreries, et quelques auteurs pensent que ce fut ce prince qui fit bâtir l'église Saint-Étienne-des-Grès dans la rue de ce nom, mais c'est à tort ; lorsque Baluze a prétendu que c'était dans cette église que s'était tenu le concile de 829, il a confondu avec la petite église Saint-Étienne qui faisait, pour ainsi dire, corps avec Notre-Dame-Sainte Marie, c'est-à-dire la cathédrale ; les historiens modernes en attribuant la fondation de Saint-Étienne-des-Grès, à Childebert n'ont pas remarqué que ce prince en reconstruisant Notre-Dame-Sainte-Marie, avait démoli l'église Saint-Etienne qui se trouva comprise dans la reconstruction totale. Ce fut ce qui causa leur erreur. Au reste, fonder des églises dans le dessein de fléchir la colère céleste et se faire pardonner leurs fautes et souvent leurs crimes, telle était la grande préoccupation des rois de la première race. Childebert mourut à Paris le 23 décembre 558, à la suite d'une maladie qui l'avait retenu longtemps au lit. Ses funérailles se firent le lendemain avec grande pompe, dans la basilique de Saint-Vincent et Sainte-Croix.

Malgré les terribles compétitions des princes et les crimes dont ils se souillaient si facilement, on ne peut méconnaître que les trente années du règne de Clovis furent profitables dans une certaine mesure aux Parisiens. Clovis vivant à Paris, dans le palais de la cité, avait jeté les fondements d'une sorte de cour en groupant autour de lui des guerriers, des prélats, des savants et jusqu'à un guitariste qui chantait et s'accompagnait de son instrument. Sous son règne le luxe se développa rapidement, les orfèvres de Paris travaillaient avec activité pour fabriquer des ornements d'or et d'argent pour les églises, des anneaux, des bagues, des croix, des bracelets pour la toilette des riches personnages. L'orfèvrerie et la bijouterie formaient en quelque sorte l'art national de la France. Mais, si l'or et l'argent étaient ainsi convertis en objets d'art, en revanche les espèces monétaires étaient rares.

A l'époque de Clovis, un bœuf valait deux sous d'or, une vache un sou, un cheval six sous. Or le sou d'or représentant quarante deniers d'argent, avait une valeur intrinsèque de 9 francs 28 centimes. Il y avait des demi-sous et des tiers de sous d'or. Le sou d'argent, égal à douze deniers, valait 2 francs 78 centimes. Venaient ensuite le demi-sou d'argent et le triens. Enfin le simple dénier d'argent valait 23 centimes. Paris était encore, au point de vue du confortable, dans un état absolument rudimentaire, les rues n'étaient pas pavées et en fait de voitures il y avait un tombereau traîne par quatre bœufs pour le roi. Les autres personnes se contentaient de monter à cheval. Les dames se promenaient dans des litières à dôs de mulets.

Quand on voyageait, on suspendait à la selle de son cheval un sac rempli de provisions de bouche et une outre pleine de vin. Le luxe était réservé aux vêtements et à la table. On citait à Paris le jardin de la reine, femme de Childebert, dans lequel on admirait des gazons émaillés de fleurs, des roses, des vignes et des arbres fruitiers plantés par le roi lui-même. Le péché capital du Parisien était la gourandise. Tout était prétexte à bonne chère. Services divins, offrandes, mariages ; fêtes de saints, anniversaires, tout se célébrait par des ghildes ou banquets ; et en 554 Childebert du rendre cette ordonnance pour défendre le culte des idoles et les bombances qui produisaient, outre des indigestions suivies de trépas, des querelles et des rixes où le sang coulait :

« Nous ordonnons à ceux qui auront dans leur champ ou dans un autre lieu des simulacres ou idoles dédiés au démon, de les renverser aussitôt qu'il en seront avertis. Nous leur défendons de s'opposer à ce que les évêques les détruisent et si, après s'être engagés par caution à les détruire, ils les conservent encore, nous voulons qu'ils soient traduits : en notre présence. Nous défendons ainsi les désordres qui se commettent pendant la naît à la veille des fêtes, même de celles de Pâques et de Noël, veillées où l'on ne s'occupe qu'à chanter, boire et s'enivrer, et où on se livre à d'autres débauches. Nous enjoignons aussi aux femmes qui, le jour du dimanche parcourent les campagnes en dansant, de cesser cette pratique qui offense Dieu. »

On laissa dire le roi et on continua de faire ripaille. D'ailleurs, si le peuple aimait à festoyer, le roi et son entourage en donnaient

Clovis lançant sa francisque de toute la force de son bras,
pour indiquer la place où il voulait fonder Sainte-Geneviève

l'exemple, et si les pauvres gens qui n'avaient que ce moyen d'égayer un peu leur triste condition oubliaient la tempérance les jours de fête, c'est que souvent les autres jours ils ne mangeaient pas faute de pain.

Il est bon d'ajouter que, dans certaines .circonstances, les repas publics étaient gratuits. Quand il s'agissait de quelque grande cérémonie religieuse, l'évêque faisait préparer des rafraîchissements peur tous les fidèles dans une salle dépendante ou voisine de la basilique ; c'était son officier qui était chargé de ce soin et lorsqu'onprévoyait que l'importance de la fête religieuse amènerait des fidèles de la campagne environnante aux rafraîchissements étaient joints des aliments substantiels.

Il fallait voir tous les affames et les pauvres diables se ruer sur la mangeaille et s'en donner à bouche que veux-tu pour plusieurs jours. Les assiettes étaient inconnues et dans les meilleures maisons, c'étaient les pains plats qui en tenaient lieu. Humectés par la sauce et par le jus des viandes, on les mangeait ensuite en guise de gâteaux. Le peuple ne se nourrissait que de légumes frais ou secs. Les choux étaient cultivés dans tous les clos. Les gens de métier s'habillaient d'étoffe grossière faite avec du poil de chameau et pour cela, nommée camelotus (camelot), les autres, portaient le sayon rayé ou le sarrau avec le manteau, ils marchaient les jambes nues jusqu'aux genoux.

L'auteur des Mémoires du peuple français nous apprend que les femmes couvraient leur tête de coiffes ressemblant aux anciennes mitres, ou qu'elles l'enveloppaient d'un voile de toile de coton orné d'or et de pierres précieuses dont elles faisaient passer les extrémités du côte droit sur l'épaule gauche. Elles aimaient les tuniques de plusieurs couleurs, les broderies, les robes à ramage et la pèlerine, consistant en un morceau, d'étoffe, rayée, taillée en rond à la partie inférieure, percée d'une ouverture pour la tête et de deux autres pour les bras, couvrant les épaules et la poitrine et s'attachant sur les reins par des cordons. Les hommes de haut rang portaient leur chevelure longue et flottante. Les gens du peuple étaient tenus de les conserver à la taille voulue, selon leur degré d'affranchissement.

Les serfs avaient la tête rasée complètement. Quant à la façon de porter la barbe, elle était facultative ; les Parisiens avaient peu à peu renoncé à se raser le visage ; d'abord, ils conservèrent un petit bouquet de poils au menton, puis ils laissèrent le bouquet s'étendre ou grandir, si bien qu'aux VIe et VIIe siècles, la plupart des hommes de condition libre portaient toute leur barbe. Clotaire entrant par la mort de Childebert son frère, en possession de toute, la France, accourut à Paris pour s'emparer des trésors que son prédécesseur avait amassés, mais il, ne paraît pas y avoir fait de longs séjours pendant les trois années que dura son règne au bout desquelles il mourut. Chilpéric, bien que le plus jeune de ses fils, commença par mettre la main sur l'héritage paternel, mais il fut chassé de Paris par son frère aîné Caribert et ses deux autres Gontran et Sigebert.

Caribert régna peu ; il mourut en 567, et après sa mort ses frères convinrent que Paris resterait indivis mais qu'aucun des trois ne pourrait y entrer sans le consentement des deux autres. Ils prêtèrent serment sur les reliques des saints que celui qui manquerait à sa parole perdrait par ce seul fait son droit à la part qu'il avait sur Paris qui demeura exposé aux entreprises que ne devaient pas manquer de tenter ses trois possesseurs. Sigebert commenca :

A la tête d'une armée d'Allemands, de Saxons et de Bavarois, il vint camper sur les bords de la Seine ; ces hordes barbares dévastèrent tout ; un armistice fut signé, mais presque aussitôt rompu. Sigebert revint mettre le siège devant Paris dont il incendia plusieurs quartiers, puis, craignant de ne pouvoir s'en rendre maître, il se retira pour aller assiéger dans Tournai, Chilpéric et Frédégonde. Cette dernière le fit assassiner et Chilpéric usa de stratagème pour entrer dans Paris sans violer son serment et mécontenter son autre frère Gontran. Il fit organiser, la veille de Pâques 583, une procession, spectacle dont les Parisiens se montrèrent toujours friands. Les châsses des saints vénérés prirent les devants, le clergé vint ensuite, et Chilpéric se mêlant à la foule de fidèles qui suivaient, entra avec sa femme Frédégonde.

Brunehaut, sa belle-sœur, femme de Sigebert, s'y trouvait déjà avec son enfant Childebert II ; sachant que Frédégonde avait dessein de s'emparer de cet enfant, elle le fit placer dans une corbeille d'osier qui fut descendue par une corde le long des remparts. Le comte Gondebaud qui lui était dévoué, était caché au fond du fossé, il prit le précieux fardeau dans ses bras et l'emporta à Metz à travers mille dangers. Chilpéric se saisit de la personne de Brunehaut et l'envoya à Rouen.
Nous avons omis de mentionner la mort de l'évêque de Paris, Germain, qui eut lieu en 576 ; il fut enterré dans la chapelle de Saint-Symphorien qu'il avait fait bâtir au bas de la basilique de Saint-Vincent. Lorsque son convoi passa devant les prisons, on en ouvrit les portes et les prisonniers rendus à la liberté, furent invités à se joindre au cortège.

En 577 s'était tenu à Paris, dans l'église Sainte-Geneviève, un concile composé de 45 évêques, assemblés par ordre de Chilpéric, pour juger l'évêque de Rouen, Prétextat, accusé du crime de trahison, bien que ce crime pût être considéré comme une habitude prise chez les grands qui trahissaient, volaient et assassinaient sans aucun scrupule. Quoi qu'il en soit, le prélat accusé de vol, de parjure et d'homicide, se défendait énergiquement et paraissait devoir sortir indemne de l'accusation portée contre lui. Chilpéric lui envoya alors un confident pour l'exhorter à s'avouer coupable, afin de ne pas contrarier la reine Frédégonde, et l'assurant qu'aussitôt après cet aveu il 'était convenu que tous les membres du concile se jetteraient aux genoux du roi pour obtenir sa grâce qui serait accordée.

Prétextat suivit le conseil, et dès qu'il eut avoué, Chilpéric ordonna qu'on déchirât sa tunique, qu'il fût maudit et excommunié. Cet ordre fut exécuté et Prétextat arrêté sur l'heure. Blessé grièvement, il fut mis en prison, puis déporté à Jersey, d'où il revint après la mort de Chilpéric et reprit son siège épiscopal à Rouen. Chilpéric avait parmi ses familiers le gouverneur de Tours, Léudaste, qui avait été excommunié par les évêques, pour avoir faussement accusé Grégoire de Tours d'avoir mal parlé de Frédégonde ; un dimanche que le roi et la reine étaient à Notre-Dame pour y entendre la messe, Leudaste eut la mauvaise idée de se jeter aux pieds de la reine pour lui demander pardon, mais celle-ci le repoussa avec horreur et pria son époux de la venger.

Leudaste fut aussitôt chassé de l'église mais il commit l'imprudence de ne pas s'éloigner et n'entra chez un orfèvre, pour acheter un présent qu'il destinait à Frédégonde ; à peine avait-il franchi le seuil de la boutique qu'il fut assailli par des gens de la reine. Il voulut se défendre et reçut un coup si violent sur la tête qu'il fut à demi assommé ; cependant il parvint à fuir jusqu'au Petit-Pont, mais là, son pied s'embarrasa entre deux solives et il se cassa la jambe. On se saisit alors de sa personne et on le jeta en prison, d'où il fut transféré dans une maison du domaine du roi située hors Paris ; Frédégonde lui envoya un émissaire qui le tira de son lit le fit étendre à terre, la nuque appuyée contre une grosse traverse de fer, puis un homme armé d'une autre barre de fer frappasur la tête jusqu'à ce que mort s'en suivit.


Childebert et son frère Clotaire s'entendirent pour assassiner
leurs neveux, fils de Clodomir
Telles étaient les mœurs de l'époque. Un autre trait : Chilpéric perdit son fils Thierry, Frédégonde prétendit que c'était des sorcières qui, par leurs sortilèges et maléfices, l'avaient fait mourir et elle fit immédiatement arrêter un certain nombre de femmes a Paris sous l'inculpation de sorcellerie.

On prétendit que plusieurs d'entre elles avaient avoué qu'elles avaient avancé les jours du jeune Thierry pour avancer ceux du préfet Mummolus, selon les pratiques de l'enchantement, et on les envoya toutes expier sur la roue et dans d'autres supplices le crime dont elles étaient accusées. Quant à Mummolus, qui était gouverneur du palais, il fut chassé de Paris et se sauva à Bordeaux, où il mourut peu de temps après son arrivée. La vie d'un homme était alors comptée pour si peu de chose que l'on ne s'inquiétait guère de savoir comment la mort était venue ; au reste, Chilpéric allait en faire l'expérience à ses dépens.

Un soir qu'il était allé à Chelles, près Paris, pour se livrer au plaisir de la chasse et qu'il rentrait au logis, un assassin lui perça le côté et le ventre de d'eux coups de couteau, alors qu'il descendait de cheval ; il tomba mort et nul ne songea à courir après le meurtrier. Or, avant de partir pour la chasse, Chilpéric était entré dans la chambre de sa femme occupée à sa toilette et en plaisantant lui avait donné un léger coup de baguette sur l'épaule. Tout beau ! Landry, s'écria Frédégonde sans se retourner, et dit la chronique, elle ajouta quelques paroles assez libres à celui qu'elle prenait pour son favori. Lorsqu'enfin elle tourna la tête elle s'aperçut de sa méprise, Chilpéric s'en allait furieux d'avoir appris ce dont il ne se doutait pas, et sans dire un mot.

Ce calme ne cachait rien de bon. Frédégonde songea que le meilleur moyen d'éviter la vengeance de son mari était de prendre l'avance. Quelques heures plus tard, il était assassiné. Ce fut Matthieu, évêque de Senlis qui, se trouvant à Chelles, releva le corps, le fit laver et revêtir de ses habits les plus convenables et le conduisit par eau jusqu'à Paris, où il fut inhumé dans l'église de Saint-Germain-des-Prés (584). Ce roi n'avait été ni aimé ni estimé pendant sa vie, il ne fut nullement regretté après sa mort. Mais avant de raconter les événements qui suivirent, disons d'abords ce qui fut fait à Paris sous son règne.

En première ligne, se place la construction de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois. Bien qu'on n'ait pas la preuve que ce fut Chilpéric qui la fit bâtir, on considère cependant comme tel le testament de Bertram, évêque du Mans, daté du 24 mars de la 22e année du règne de Clotaire, qui porte donation d'une somme d'argent pour desservir le lieu de la sépulture de l'évêque saint Germain dans l'église-Saint-Vincent, où son corps était alors déposé, et ensuite dans la basilique nouvelle que le roi Chilpéric avait fait construire, si plus tard le corps y était transporté. Toutefois cette église était simplement appelée église Saint-Germain; ce ne fut qu'à partir du IXe siècle qu'elle est désignée sous le nom de Saint-Germain-le-Rond, et sous le règne de Robert, elle fut reconstruite et nommée Saint-Germain-l'Auxerrois. Elle ne fut achevée qu'en 606.

Ce fut aussi sous le règne de Chilpéric que fut édifiée dans la Cité la petite église de Saint-Germain-le-Vieux, chapelle baptismale, sous la dépendance de Notre-Dame qui porta primitivement le titre de Saint-Jean-Baptiste. Elle servit d'asile aux religieux de Saint-Germain-des-Prés, lors des incursions des Normands. En reconnaissance de l'hospitalité qu'ils avaient reçue dans cet oratoire, ils y laissèrent à titre de don un bras de saint Germain, ce fut alors qu'on l'appela Saint-Germain-le-Vieil. En 1368, l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés
céda à l'université les droits qu'elle possédait sur cette petite église qui fut agrandie en 1458. Le portail et le clocher ne dataient que de 1560.

 


PAGES 1/4 | 2/43/44/4

:: HAUT DE PAGE    :: ACCUEIL

magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Histoire
CLIQUEZ ICI