Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Charlemagne – Un jugement de Dieu. – Charles le Chauve. – Les Normands. Le siège de Paris. – Hugues Capet. – Les reliques. – Les échevins. – Physionomie de Paris. – Les terreurs de l'an 1000. – Les épreuves judiciaires.

Avant de dire ce que devint Paris sous les Capétiens, faisons encore une halte et jetons un coup d’œil sur son état civil et administratif. Nous avons vu Charlemagne faire de sa capitale le chef-lieu d'un duché et porter le titre de comte, et nous avons vu à l'œuvre les comtes et vicomtes de Paris ; parlons des échevins :

Les échevins du palais étaient les assesseurs des comtes ; sous le nom de scabins (scabihi) ils existaient déjà sous les rois de la première race, le moine Marculphe qui vivait vers 660, fait mention dans ses formules des échevins qui assistaient le comte ou son viguier pour le jugement des causes. Aigulphe, comte du palais à la même époque, avait pour conseillers des gens d'épée comme lui, qu'on nommait échevins du palais.

« A partir du règne de Charlemagne, dit Augustin, Thierry, et tant que dure son empire, on trouve l'administration de la justice organisée d'une manière, uniforme dans les villes et hors des villes une nouvelle magistrature apparaît dans toutes les causes soit des Francs, soit des Romains, soit des barbares vivant, sous une loi originelle. Ces juges que les Capitulaires nomment scabini, scabinei, sont choisis par le comte, par envoyé de l'empereur et le peuple. »

Dès le Xe siècle, ces scaibins devinrent des échevins dans le sens moderne du mot. L'échevinage joua un grand rôle dans les annales parisiennes, il fut aboli par Charles VI et rétabli plus tard, ainsi qu'on le verra dans le cours de cette histoire. Louis le Débonnaire et Lothaire prirent l'engagement de siéger au moins une fois

Lothaire pénétra dans le palais d'Othon comme un obus,
menaçant de tout faire sauter autour de lui.
par semaine pour entendre les doléances des petits et des grands, mais le plus souvent, c'était le comte du palais qui présidait ces assises.

Charlemagne, dont les Capitulaires devinrent la loi écrite, substituée à celle dépendant du propre arbitre du juge, défendit de se servir d'avocats : « que chacun rende raison de sa propre cause et que personne ne pratique lusage de faire discuter pour lui ». Il est bien entendu que ceci ne s'appliquait qu'aux hommes libres ; le peuple, c'est-à-dire les serfs, eussent été bien en peine de plaider leur cause et de se faire rendre justice. Aucun comte ne devait chasser ni banqueter les jours de plaids, ils devaient siéger à jeun, quelques uns ayant contracté des habitudes d’ivrognerie qui ne s’accordaient en aucune façon avec la lucidité d'esprit que doit avoir le juge.

Jetons un coup d' œil rapide sur la vie parisienne qui s’était sensiblement modifiée depuis l'établissement des Francs et d'abord commençons par le costume : aux vêtements primitifs que nous avons indiqués, les Parisiens avaient fait succéder les vêtements luxueux.

Vers 700 le costume des grands se composait d'une robe décolletée, fermée par devant, ajustée au buste et aux bras, et large depuis les hanches jusqu'à la cheville elle était tenue au bas des reins par une ceinture dont les bouts pendaient jusqu'a l’extrémité de la roue ; un manteau le complétait. Le costume de Charlemagne était des plus simples : un garde corps en peau de loutre, une tunique lainé ; une saie bleue et des souliers à semelles de bois retenus au bas de la jambe par des courroies de peau. Mais les personnages de haut rang n'imitèrent guère cette simplicité, et vers 808 on commença à orner les vêtements de fourrures de prix, de martre zibeline, d’hermine, de loir, de vair etc. Les riches bourgeois imitèrent les nobles et se parèrent de vêtements de soie, de fines pelleteries et de plumes.

Charlemagne édicta une somptuaire et le prix des vêtements fut fixé de façon que si les marchands les enrichissaient d'accessoires coûteux, ils ne pouvaient en exiger un prix plus élevé que s'ils étaient tout simples. Cela n'empêcha pas le luxe de se répandre. Voici la description du costume des Parisiens en 870 :

« Ils portaient une chaussure dorée soutenue par des courroies ; ils enveloppaient leurs jambes de morceaux d'étoffe entourés de bandelettes croisées aux couleurs éclatantes. Ils portaient comme vêtements une espèce de camisole ou veste d'étoffe de laine fort richement tissée, d'où pendait de droite à gauche un riche baudrier auquel était suspendu un glaive. La camisole était fixée à la taille par une courroie blanche en cuir verni, par-dessus ce vêtement était placé un grand manteau de couleur blanche ou bleue. Ce manteau était carré et affectait une formé bizarre. Il était court et ouvert sur les côtés, fort long par devant et par derrière et descendait jusqu’aux pieds. L'usage général était de porter à la main une canne de bois de pommier, ornée d'une pomme d'or où d'argent richement ciselée.

Les femmes étaient vêtues de deux tuniques ; une courte et une longue ; les unes étaient serrées de façon à laisser voir toute l'élégance de la taille, d'autres étaient si haut montées qu'elles leur couvraient entièrement le cou, on les nommait des cottes hardies ; elles étaient chaussées de bottines et ne tressaient plus leurs cheveux cachés entièrement par une coiffe qu'une agrafe attachait aux l'oreille.

Les maisons particulières, en bois pour la plupart, possédaient des fenêtres rectangulaires qui s'ouvraient sur la rue et des porches sous lesquels les passants s'abritaient quand il pleuvait. Des fourneaux placés sous ces porches permettaient aux pauvres de se garantir de la gelée. Au rez-de-chaussée étaient aménagées des boutiques. Les quelques maisons de pierre présentaient un rez-de-chaussée voûté dont les arceaux entrecroisés retombaient sur de grosses colonnes ; du premier étage, régnait une large fenêtre dont les ventaux étaient séparés par des colonnes ; le toit était plat, couvert de tuiles vernissées.

Les marchands établis dans les boutiques, généralement fort obscures et qui n'étaient que de simples chambres dont la porte demeurait ouverte, vendaient toute espèce d'objets, armes, écritoires, boucles, ustensiles de ménage et de toilette, etc. Toutefois, le plus grand nombre de vendeurs s'en allaient par les rues criant leur marchandise, des bottiers ambulants promenait, enfilés sur une perche, des souliers et des estivaux, des colporteurs forains offraient à haute voix des gâteaux, des fruits, du vin, etc.

Et les rues étaient déjà pleines de ces trafiquants qui assourdissaient les oreilles des passants de leurs cris cacophoniques, et dont le nombre devait aller toujours en augmentant. Paris avait d'ailleurs acquis une vie plus active depuis que Hugues Capet, qui l'habitait alors qu'il n'était que comte, avait continué à en faire sa résidence ordinaire ; le mouvement, l'animation qui y régnaient, faisaient déjà rechercher le séjour de cette capitale ; cependant sur la fin du Xe siècle un voile de deuil semblait s'être étendu sur la ville et le sentiment religieux s'était considérablement accru ; c'est qu'une croyance populaire à peu près générale, assignait à l'an 1000 la fin du monde.

Les historiens du temps passé affirment que loin de combattre cette erreur, les prêtres l'accréditaient de tout leur pouvoir. On disait dans les conciles : « Elle approche l'arrivée de Dieu, dans sa majesté terrible ; du pasteur éternel devant lequel vont comparaître tous les pasteurs et leurs troupeaux ». Les chroniqueurs racontent que dans les églises de Paris, des sermons annonçaient l’approche de ce jour terrible dont l'idée éveillait dans les imaginations crédules et ardentes les plus sinistres images. Aussi, pour ni pas se trouver indignes de pardon, tous les faibles d'esprit, tous les peureux et tous ceux qui n'avivaient pas la conscience nette se hâtaient-ils de solliciter l'indulgence divine en portant à l'église des dons de toute nature, sans même se demander ce que les prêtres pourraient bien faire de ces richesses alors que le glas de l'an 1000 aurait sonné la derrière heure du monde.

Riches comme pauvres, grands et petits accouraient pour donner, craignant toujours de se montrer trop parcimonieux envers l'Éternel et revenant de nouveau apporter quelque offrande de nature à disposer favorablement le souverain juge. Et non seulement on donnait, mais partout on priait, en supputant les jours qu'on pouvait encore espérer vivre ; un indicible sentiment de stupeur paralysait le monde ; l'effroi était universel et les chartes de l'époque portaient en latin cette indication funèbre en tête « la fin du monde approche ! »

Les prêtres qui recevaient de l'or, les abbés et les évêques dont les possessions s'augmentaient de riches domaines, exhortaient tous les grands pécheurs qui voulaient expier leurs fautes et que le souci de l'avenir n'inquiétait plus, à se dessaisir de ces biens terrestres, de ces richesses si souvent mal acquises dont ils n'avaient pas besoin pour mourir. « Et les moines attendaient dans les abstinences du cloître, dans les tumultes solitaires du cœur, au milieu des tentations et des chutes, des remords et des visions étranges, » le fatal moment, car eux aussi croyaient à la fin du monde et il est permis de penser qu'ils espéraient à force de prières et de libéralités désarmer la colère céleste. Et s'il en fut qui ne craignirent pas de former un odieux calcul sur la crédulité publique, il est certain que beaucoup d'autres partageaient l'opinion commune.

Au reste, on eût, dit que la nature elle-même semblait se préparer à quelque grand cataclysme, les trois ou quatre années qui précédèrent l'an 1000 furent fécondes en maux de toute espèce, inondations, famine, maladies pestilentielles : tout semblait s'accorder pour former une réunion de fléaux destinés à ruiner l'humanité. Toutefois, l'an 1000 arriva et le monde demeura ; lorsque la date fatale eut passé sans tenir ses sombres promesses, l'humanité se sentit renaître et vivre, et l'on peut dire que ce fut de ce moment que date la véritable puissance du clergé, qui se trouva en possession de richesses considérables qui lui furent d'un grand secours pour asseoir sa domination à travers le monde. La superstition régnait en maîtresse absolue dans les esprits.

En faut-il d'autres preuves que cette autre croyance, universellement répandue alors, que toute accusation fondée devait amener l'intervention de la Providence. C'est ce qu'on appelait le jugement de Dieu ou les épreuves judiciaires. C'est-à-dire que l'accusé était soumis à des épreuves dont il devait sortir vainqueur pour être réputé innocent. Les plus usitées étaient :

l'épreuve par le feu ; l'accusé après avoir jeûné trois jours au pain et à l'eau, entendait la messe, communiait et jurait qu'il était innocent ; ensuite on l'aspergeait d'eau bénite. En cet état, il prenait alors entre ses mains une barre de fer d'environ trois livres qu'on avait fait chauffer ou rougir au feu selon la gravité du crime. Sa main était ensuite enfermée dans un sac scellé par les juges, si au bout de trois jours la main ne portait aucune trace de brûlure, l'accusé était innocenté. Parfois, au lieu de la barre de fer, on se servait d'un gantelet brûlant dans lequel l'accusé introduisait sa main, ou de socs de charrue rougis au feu sur lesquels il devait marcher, ou bien encore d'un simple bûcher allumé, au travers duquel il fallait qu'il passât, pour prouver son innocence.

L'épreuve par l'eau bouillante consistait à plonger la main dans une cuve d'eau bouillante pour y prendre un anneau bénit à une profondeur plus ou moins grande. Dans l'épreuve par l'eau froide on jetait l'accusé dans une grande cuve

Othon, irrité de ne pouvoir pénétrer dans Paris, s'avança sous
les murs de la ville pour planter sa lance dans la porte.
pleine d'eau, après lui avoir lié la main droite au pied gauche et la main gauche au pied droit ; s'il enfonçait, c'est qu'il était innocent, s'il surnageait, il était coupable, puisque l'eau le rejetait comme indigne de son sein. Naturellement, on avait soin d'imposer cette épreuve à ceux qu'on voulait innocenter.

Après les épreuves de l'eau bouillante ou froide, venaient celles des bras en croix dont nous avons parlé, de l'Eucharistie, du pain et du fromage. L'épreuve de l'Eucharistie se faisait en recevant la communion après avoir juré que l'on était innocent du crime dont on était accusé. Celle du pain et dû fromage consistait à donner à ceux qui étaient accusés de vol, un morceau de pain d'orge et un morceau de fromage de brebis sur lesquels on avait dit la messe, lorsque l'accusé ne pouvait avaler ce morceau, c'est qu'il était coupable. De là est venu le dicton : « Que ce morceau de pain m'étrangle, si je ne dis pas la vérité ! »
D'autres épreuves aussi ridicules avaient lieu encore.

A plusieurs reprises les conciles et les rois les défendirent, mais le préjugé et l'usage étaient plus forts que les ordonnances. Quatre conciles provinciaux assemblés en 829, par Louis le Débonnaire, les déclarèrent condamnables. Lothaire défendit spécialement l'épreuve par la croix, se fondant sur un capitulaire qui déclarait que personne n'oserait faire l'épreuve par la croix, de peur de faire mépriser la passion du Christ.

Nous l'avons dit, édits et ordonnances furent longtemps impuissants à faire disparaître ces indignes pratiques, car un arrêt du parlement de Paris du Ier décembre 1601 fut rendu pour interdire l'épreuve par l'eau froide, ce qui n'empêcha pas qu'elle était encore en usage en 1617, tant était enracinée dans l'esprit populaire cette idée que la Providence devait forcément confondre le crime et faire triompher la vertu.



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