Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Charlemagne – Un jugement de Dieu. – Charles le Chauve. – Les Normands. Le siège de Paris. – Hugues Capet. – Les reliques. – Les échevins. – Physionomie de Paris. – Les terreurs de l'an 1000. – Les épreuves judiciaires.

Les rois de la seconde race négligèrent beaucoup Paris : Pépin et Charlemagne, n'y résidèrent point, ils n'y firent que de courts séjours passages. Paris, capitale sous la première race était tombé au rang de comté sous la seconde ; et la France elle-même n'était plus qu'un duché, l'empereur d'Occident avait établi sa cour à Aix-la-Chapelle.

Ce fut de là que Charlemagne data les divers actes confirmatifs des donations que son père avait faites aux abbayes. En 775 il assista à la dédicace de la nouvelle église de Saint-Denis et Paris fut en fête à cette occasion : Erchenpade était alors évêque de Paris.

Ce fut au retour d'un voyage à Rome, qu'il fit en 779, que Charlemagne, avec l'aide de son ministre Alcuin, fonda dans son empire des écoles à l'usage des jeunes gens qui voulaient s'instruire dans les sciences humaines, et par son ordre plusieurs de ces écoles furent établies à Paris, notamment dans la maison épiscopale, dans l'abbaye de Sainte-Geneviève et dans celle de Saint

Charlemagne dictant ses Capitulaires à Alcuin

Germain-des-Prés. Hilduin, Hincmard, Usnard, Abbon, Aimion, sortirent de ces écoles qui furent modelées sur celle du palais.

En 801, Charlemagne députa dans les diverses provinces de France des commissaires chargés de
veiller à la conduite des évêques, de s'informer de la façon dont la justice était rendue, etc. Ce fut Etienne, comte de Paris, qui fut chargé de cette commission, concurremment avec Fardulphe, évêque de Saint-Denis. L'empereur adressa en 803 au comte Étienne quelques ordonnances avec ordre de les faire publier à Paris.

En 813, une ordonnance spéciale, insérée dans les Capitulaires, porte que si quelqu'un de ceux qui sont chargés de faire le guet dans Paris manque à son devoir ; il sera puni par le comte, premier magistrat de la cité, d'une amende de quatre sous. Charlemagne mourut le 28 janvier 814.
Nous trouvons trace sous son règne d'un différend, jugé par ce qu'on appelait le Jugement de Dieu par la croix.

L'évêque de Paris prétendait que le monastère de Pinceraye, situé aux environs de Saint-Germain-en-Laye, avait été donné à la cathédrale ; l'abbé de Saint-Denis soutenait au contraire que la donation en avait été faite à son abbaye par un certain Hagadée. On ne pouvait savoir qui avait raison de l'évêque ou de l'abbé. On eut recours au jugement de Dieu par la croix. Deux hommes, l'un appelé Corel, se déclara le champion de l'église de Paris, l'autre nommé Aderamme se chargea de défendre le droit de l'abbé de Saint-Denis. Tous deux se rendirent dans la chapelle du roi et tandis que le chapelain Harnaud récitait les psaumes et d'autres prières, ils mirent au même instant les bras en croix.
Il était convenu que celui qui demeurerait le plus longtemps en cette posture aurait gain de cause. Corel baissa le premier les bras par lassitude.

Il fut jugé que l'église de Saint-Denis dont Aderamme était le champion avait meilleur droit que celle de Paris, et ce jugement fut rendu par le roi, assisté de ses conseillers au nombre desquels figure Gérard, comte de Paris (28 juillet 775). Cette façon de plaider une cause était au moins originale, il eût encore été plus simple que l'évêque et l'abbé levassent les bras eux-mêmes ; mais cela leur eût occasionné une fatigue qu'ils préféraient faire supporter à d'autres.

Louis de Débonnaire en succédant à Charlemagne, ne fit pas plus que son prédécesseur pour Paris, il ne sut que donner aux églises et augmenter le pouvoir ecclésiastique. L'évêque de Paris avait alors une juridiction, non seulement dans la Cité, qu'on appelait dans le langage de l'Église « la Terre Sainte Marie » mais encore sur les rues avoisinant Saint-Germain-l'Auxerrois et sur un grand chemin qui conduisait de Saint-Merri à un lieu appelé Tudella, avec défense à tous autres officiers qu'à ceux de l'évêque de lever ni cens ni droit dans l'étendue de cette juridiction. La justice était rendue par un juge nommé par l'évêque et les vassaux et les serfs de l'évêché y étaient soumis.

On avait souffert de la famine sous le règne de Charlemagne en 779 et en 793 ; elle fut pire encore en 820, en raison des maladies qu'une humidité extraordinaire ajouta à la privation du pain. La Seine déborda et une inondation survint. Dans tout Paris submergé on n'allait qu'en bateau. Les eaux ne respectèrent, dit-on, que « le lit auquel la sainte vierge Geneviève avait rendu son glorieux esprit à Dieu le créateur. » Ce lit était placé dans un monastère situé auprès de l'église Saint-Jean. Les Parisiens accoururent et se mirent en prières. Par miracle, ne manqua-t-on pas de prétendre alors, la rivière rentra dans ses limites ordinaires, mais la pestilence et le manque de nourriture firent périr un grand nombre de Parisiens.

Un concile fut tenu le 6 juin 829 dans l'église de Saint-Etienne-le-Vieux (contiguë à Notre-Dame, vis-à-vis Saint-Jean-le-Rond, qui était de l'autre côté du parvis), à ce concile assistèrent vingt-cinq évêques des quatre provinces de Reims, Sens, Tours et Rouen avec leurs métropolitains. Les actes qui y furent discutés formèrent trois parties : la première traitait des affaires ecclésiastiques, la seconde des devoirs des rois, et la troisième demandait l'établissement d'écoles publiques à Paris et dans deux autres villes, ce qui fut fait.

Comme il est question dans ces actes du règlement de vie des évêques et de leurs subordonnés ; on y trouve de curieux détails relatifs à l'institution d'un chapitre de chanoines dans l'église de Paris ; ces chanoines devaient loger dans des cloîtres exactement fermés et dont l'entrée était formellement interdite aux femmes ; ils devaient « être assidus aux divins offices et chanter avec modestie, sans bâton pour s'appuyer ». A Paris, les chanoines étaient gouvernés par des doyens. Un titre de 991 fait mention d'un certain Hilaire, doyen de l'église de Paris.

Les premières années du règne de Louis le Débonnaire avaient été assez paisibles, mais en 830 des divisions s'élevèrent dans la famille impériale (depuis Charlemagne les rois de France étaient l'empereurs d'Occident), les trois fils que l'empereur avait eus d'Ermangarde sa femme, avaient chacun sa part des Etats formant l'empire, mais Louis s'étant remarié avec Judith, fille du comte de Bavière, celle-ci voulut assurer aussi un royaume à son fils Charles, et les enfants du premier lit n'étaient pas le moins, du monde disposés à seconder cette prétention. Ils mirent les armes à la main et Pépin, l'un d'eux, s'avança à la tête d'une armée jusqu'à Paris, où son frère Lothaire le joignit bientôt et Louis, le troisième, ne tarda pas à s'y rendre.

Louis le Débonnaire se retira à Compiègne et l'impératrice Judith entra au couvent ; mais les choses s'arrangèrent à peu près : Louis reprit les rênes du gouvernement, sa femme sortit du couvent et les Parisiens espérèrent que la tranquillité allait renaître.

Mais en 833 les enfants du monarque français se révoltèrent une seconde fois, sous prétexte que leur père était complètement sous la dépendance de sa femme, et de nouveau ils arrivèrent à Paris, s'emparèrent de la personne du roi Louis et obtinrent contre lui une sentence de déposition, et plusieurs évêques qui favorisaient la conduite de ces fils peu soumis à l'autorité paternelle infligèrent à Louis une pénitence publique ; celui-ci demeura pendant huit mois entre
les mains de son fils Lothaire qui le faisait conduire à sa suite, étroitement gardé, mais une réaction se fit : les deux autres fils, craignant que Lothaire confisquât à son profit le trône de son père, s'armèrent pour le combattre. Lothaire rendit la liberté au roi et se sauva en Bourgogne. Le lendemain Ier mars 834, Louis le Débonnaire se fit réconcilier à l'église par les évêques et rentra en possession de son épée et de sa ceinture militaire, aux acclamations de la noblesse et du peuple.

Encore une fois la paix était faite. Elle ne devait pas durer longtemps, Louis le Débonnaire mourut le 20 juin 840 et Paris devint, comme toujours, le but de l'ambition des trois fils de ce prince. Lothaire, l'un d'eux, prétendit exercer sur ses frères une sorte de suzeraineté et marcha sur Paris, dont le gouverneur lui était entièrement dévoué. Les Parisiens durent lui ouvrir les portes de la Cité.

L'année suivante (841), ce fut le tour de Charles le Chauve, soutenu par son autre frère Louis, roi de Bavière, qui passant la Seine près de Rouen, à l'aide d'une flottille de vingt-huit bateaux, dont il s'était emparé, prit la route de Paris et y entra. Lothaire furieux, leva des troupes et en 842, s'avança jusqu'à Saint-Denis, il se saisit à l'exemple de son frère d'une vingtaine de bateaux et se présenta devant Paris. Charles le Chauve n'osant pas affronter la lutte, s'en alla camper dans les environs de Saint-Cloud, laissant les Parisiens se défendre comme ils pourraient.

Un fléau chassa l'autre. Une inondation considérable survint. Lothaire changea son plan de campagne et courut après Charles le Chauve qui s'enfuyait vers le Mans. Les Parisiens respirèrent, mais ce ne fut pas pour longtemps. Ils allaient avoir affaire aux Normands. Les Normands ! ces terribles envahisseurs de la France qui devaient tout dévaster dans la capitale, où leur nom seul causait le même effroi que celui produit jadis par le nom abhorré des Huns.

Dès les premières années du IXe siècle, les peuples de l'Europe septentrionale connus sous le nom générique de Normands (hommes du nord), commencèrent à se répandre sur les côtes françaises pour y enlever tout le butin qu'ils convoitaient. Leurs premières incursions remontent au règne de Charlemagne, mais ce fut en 840, que, profitant des discordes des trois fils de Louis le Débonnaire, on les vit fondre sur Nantes, sur Bordeaux, sur Angoulême et rançonner ces villes.

En 841, le Danois Oscher, trouvant la Seine libre, s'avança jusqu'à Rouen qu'il prit le 12 mai et qu'il ruina et brûla deux jours après. Puis, chargé d'un butin considérable, emmena une foule de captifs et redescendit le fleuve, pilla Jumièges et rançonna Saint-Vandrille. Rouen fut encore dévasté par Régnier en 845. A partir de ce moment on ne compte plus les invasions qui furent incessantes. Les monastères et les églises, riches en objets précieux, excitaient surtout la convoitise de ces pillards. Bientôt, ils firent des excursions jusqu'à Saint-Germain et Rueil.

Ce fut alors que l'épouvante gagna les Parisiens. A la nouvelle de l'approche des pirates, dit M. Borel d'Hauterive, « les Parisiens se hâtèrent d'emporter au loin dans les terres leurs biens les plus précieux. Les monastères furent évacués, les religieux s'enfuirent avec les reliques de saint-Germain et de sainte-Geneviève, les prêtres avec leurs ornements d'église et leurs vases sacrés. Les mariniers gagnèrent en amont la Marne ou l'Yonne et cherchèrent une petite rivière, une crique pour abriter en sûreté leurs bateaux.

Nul ne songe à attendre l'ennemi, et à combattre pour ses foyers dans une ville ouverte, n'ayant d'autres défenses que son fleuve, faible rempart contre une invasion de marins habiles montés sur une flotte nombreuse. On ne peut espérer un secours efficace du roi Charles le Chauve. Ce prince pusillanime ne sait lutter qu'avec de l'argent et pour apaiser l'ennemi, il a poussé la faiblesse jusqu'à régler officiellement à l'assemblée de Chiersy, par un capitulaire, le tarif des contributions que chaque ville du royaume

Invasion des Normands en 845
devra payer pour satisfaire l'avidité des Normands. »

Cependant, pour faire un simulacre de défense, Charles se mit à la tête d'une armée, mais ce fut uniquement pour protéger la riche abbaye de Saint-Denis.

Les Normands ne s'arrêtèrent point devant cette manifestation armée, ils se dirigèrent sur Saint-Cloud, et le 28 mars 845, ils se présentèrent aux Portes de Paris, pillèrent les faubourgs de la rive gauche, les abbayes de Saint-Germain-des-Prés et de Sainte-Geneviève, tandis qu'une partie des leurs, campés dans la forêt du Rouvre, (bois de Boulogne), saccageaient les environs. Régnier, leur chef, voulut bien borner là son expédition, moyennant 7000 livres pesant d'argent, qui lui furent comptées. On y ajouta en outre une poutre de l'église abbatiale de Saint-Germain et un clou d'une des portes de Paris qu'il emporta comme trophées.

Onze années se passèrent. En 856, une nouvelle flotte normande apparut sur la Seine, se dirigeant à pleines voiles sur Paris. « Quelle affliction ! écrit Aimoin, le moine de Saint-Germain-des-Prés, témoin de cette triste scène ; les Français furent mis en fuite sans combattre ; ils lâchèrent pied avant que le premier trait de flèche fût lancé, avant que les boucliers eussent été choqués. Les Normands savaient que les seigneurs francs n'avaient plus de de courage. »

Les Anhales de Saint-Bertin disent que c'est à l'instigation de Pépin que vinrent les Normands, ses alliés, qui ruinèrent les environs de Paris, incendièrent Saint Denis Sainte-Géneviève et Saint-Germain-des-Prés, « sans doute, ajoute l'auteur des Sièges de Paris, l'amertume des plaintes d'Aimoin contre ta lâcheté des seigneurs était injuste et se ressentait de l'irritation de voir l'abandon où ils laissaient les établissements religieux pour ne songer qu'à leurs propres querelles. La victoire de Fontenay, si chèrement achetée par les vainqueurs, si courageusement disputée par les vaincus, prouve assez que le bravoure n'avait pas fui du cœur des Francs. » Quoiqu'il en soit, une nouvelle indemnité acheta encore la paix pour cinq ans.

En 861, les Normands parurent derechef et ravagèrent les environs de Paris, mais ils n'y entrèrent pas ; ils furent plus adroits : c'était les Normands de la basse Seine établis à Oissel qui inquiétaient les Parisiens ; le roi fit alliance avec Weeland, autre chef de Normands-saxons, et lui versa une certaine somme pour qu’il le défendît. Weeland prit l'argent et promit, mais au lieu de combattre les Normands de l'île d'Oissel, il se joignit à ce qu'il avait reçu et ce que les autres avaient pillé furent partagés ; le tout était évalué à 5,000 livres d'or et 5,000 livres d'argent.

Cette trahison révolta Charles le Chauve qui, sortant enfin de son inertie, tomba tout à coup sur les envahisseurs, et les contraignit à s'enfuir au plus vite. Cet exploit valut aux Parisiens trois ou quatre années de paix. « En 864 ou 866, les pirates reparurent dans les parages de l'embouchure de la Seine, un détachement de deux cents hommes remonta audacieusement de Pistres jusqu'aux environs de Paris dans l'intention de faire une réquisition de vin et de vivres. » Ils revinrent sans butin, dit l'histoire qui n'explique pas s'ils trouvèrent la ville dénuée de tout, ou s'ils éprouvèrent un échec. « Au printemps suivant, une flotte plus considérable s'avança jusqu'à Saint-Denis où, ne trouvant pas de résistance, ils s'installèrent pendant plusieurs semaines pour piller le pays à loisir. On croit qu'ils n'osèrent pas attaquer Paris, parce que les travaux du Grand Pont commençaient à barrer le fleuve. Ils ne furent pas, en tout cas, dérangés dans leurs déprédations, une maladie, fruit de l'intempérance, délivra seule le pays de ces hôtes dangereux. »

Trois ans plus tard, les Normands revinrent ; Charles le Chauve leur paya encore une forte somme et se montra si faible qu'ils eurent l'insolence de réclamer des prisonniers qui s'étaient échappés. Un ancien historiens s’indigne du succès remporté par ces hordes... « La hardiesse de ces barbares dit-il, est aussi étonnante que le peu de courage des Français de ce temps-là : les premiers qui n'étaient qu'une troupe de pirates plus accoutumés à prendre les villes et à piller qu'à se battre en pleine campagne, osaient entrer dans un royaume étendu, fortifié, rempli de gens armés, et pénétrer jusque dans la capitale de cette monarchie.

Il semblait que la Providence avait ôté le cœur aux Français pour augmenter le courage des Normands. Ceux-ci, campés et fortifiés dans une île de la Seine, en sortaient pour faire des courses, et venaient enlever des familles entière, et piller les villes qu'ils trouvaient sans défense. Un de leurs partis prit un jour le chancelier Louis, abbé de Saint-Denis, et Gossin son frère, abbé de Saint-Germain ; ils exigèrent des sommes immenses pour leur rançon et quoique les deux abbayes extrêmement riches s'épuisassent pour la délivrance de leurs supérieurs, il fallut encore livrer aux barbares des familles entières de vassaux et que le roi, le clergé et la noblesse se cotisassent pour augmenter la somme que les moines avaient donnée. »

Ainsi, ce n'était pas seulement de l'argent que Charles le Chauve donnait aux Normands. C'était encore des familles entières de vassaux ! Toutefois, Charles le Chauve se mit enfin en devoir de protéger Paris par des fortifications pour le cas où les Normands essayeraient de nouveau de s'en emparer ; il fit en 870 reconstruire le Grand Pont que l'ennemi avait détruit ; ce fut alors que ce pont fut reporté à la place où se trouve le Pont-au-Change ; mais auparavant, il rendit un édit par lequel il déclarait à tous les évêques, abbés, ducs, comtes, etc., qu'il était résolu de bâtir sur le terrain de Saint-Germain-l'Auxerrois soumis à Notre-Dame, mais qu'il donnait le revenu de ce pont à l'évêque de Paris et à ses successeurs.

Il ordonna en outre que la cité de Paris, les châteaux situés sur la Seine et spécialement le château de Saint-Denis, seraient réparés ou reconstruits. Quant aux fortifications projetées, elles se bornèrent à des tours placées aux extrémités du Petit Pont et du Grand Pont où s'établirent plus tard les changeurs. Celle défendant le Grand Pont fut désignée sous le nom du Châtelet. Les appréhensions qu'on avait touchant le retour des Normands, furent justifiées vingt-quatre ans plus tard.

A Charles le Chauve avait succédé Charles III, dit le Gros. Cette fois, ce n'était plus une troupe de pirates qui arrivaient sur Paris, c'était quarante mille hommes commandés par Rollon et Sigefroi. Ils s'avancèrent par les provinces rhénanes, le Brabant et la Picardie, et entrèrent par les villes de la Somme et de l'Oise dans l'Ile-de-France. Neuf cents bateaux chargés de machines de guerre, brûlots, tours, balistes, etc. ; et pouvant tenir la mer, remontèrent la Seine et Sigefroi demanda le passage libre aux Parisiens. L'évêque Gozlin, abbé de Saint-Germain-des-Prés, s'était hâté de faire transporter dans l'intérieur de la Cité, toutes les reliques qui étaient dans son église et casque en tête, la cuirasse sur la poitrine, il se prépara à combattre en soldat et à seconder Eudes, fils de Robert le fort, qui était alors comte de Pari et qui gouvernait la ville en cette qualité.

Il répondit qu'il ne pouvait livrer une capitale dont dépendait le sort du royaume :
– Paris doit défendre les autres places et non servir à leur ruine, avait-il dit.
– Vous m'en refusez l'entrée, répondit fièrement Sigefroi, mon épée me frayera le chemin. Nous verrons si vos tours sont à l'épreuve de mes machines et de la vaillance de mes soldats.

Le grand Châtelet qui était en construction avait été achevé à la hâte, aux premières nouvelles qu'on avait eues de l'approche des Normands. Une bonne garnison y avait été placée. Des soldats aguerris gardaient aussi les tours des ponts. On se préparait cette fois à recevoir de pied ferme les assiégeants. Les Normands ne s'attendaient pas à cette défense, la mollesse de Charles le Chauve les avait bercés de l'espoir qu'ils entreraient dans la ville avec la même facilité que sous le règne de ce prince ; ils furent aussi surpris qu'irrités de la résolution prise par les Parisiens de ne pas se laisser vaincre sans combattre. Dès le lendemain ils donnèrent l'assaut. Eudes et son frère Robert, aïeul de Hugues Capet, parcouraient la ville animant par leur présence les habitants et les soldats et stimulant le zèle de chacun. L'abbé Ebles, neveu de l'évêque, homme d'une force prodigieuse les suivait ; ces trois hommes assignant les postes de chacun, distribuant des armes à ceux qui n'en avaient pas, enflammaient tous les courages.

Ce premier assaut fut des plus meurtriers. Une grêle de flèches et de javelots tombait sur les assiégés, tandis que des matières incendiaires étaient lancées sur

Du haut de leurs tours, les Parisiens jetaient sur les
assiégeants de l'huile bouillante et de la poix fondue.
les églises et les maisons particulières. Tout à coup on vit une tour roulante de la hauteur de trois étages, s'avancer sur un bateau jusqu'à celle du Grand Pont, et abaisser sur elle un pont-levis. Alors ce fut une mêlée terrible. On combattait corps àn corps. Eudes, l'évêque Gozlin et ses compagnons se défendirent avec tant d'opiniâtreté, que les assaillants durent se retirer avec des pertes sérieuses. On passa la nuit à réparer les dégâts causés par l'ennemi. Les parapets de la tour du Grand Pont étaient en partie détruits, la plate-forme éboulée ; tant bien que mal on assembla une charpente de poutres et de soliveaux qui releva la tour et on attendit le retour du jour.

L'évêque avait été blessé d'une flèche, mais cela ne l'empêcha pas de reprendre son poste de combat et au lever de l'aurore, les Normands furent très désagréablement surpris, en voyant les ouvrages qu'ils avaient cru détruits, debout comme la veille. Sigefroi fit alors avancer les mantelets ; c'était des galeries couvertes qui protégeaient les assiégeants et leur permettaient d'avancer jusqu'au pied des murs et des tours qu'on voulait incendier. Ces galeries étaient revêtues par des peaux de bêtes.

Les Normands s'avancèrent. Mais du haut de leurs tours, les Parisiens jetèrent sur ces galeries des pierres énormes et des solives pointues, ferrées qui les défoncèrent ; ils avaient auprès d'eux de l'huile bouillante et de la poix fondue et aussitôt qu'une ouverture était faite aux galeries ils y jetaient ces ingrédients qui brûlaient vifs tous ceux qui s'y trouvaient rassemblés. Atteints par le feu, on voyait alors ces malheureux se précipiter dans la Seine pour éteindre l'incendie qui les dévorait.


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