Monuments, édifices de Paris
Cette rubrique vous narre l'origine et l'histoire des monuments et édifices de Paris : comment ils ont évolué, comment ils ont acquis la notoriété qu'on leur connaît aujourd'hui. Pour mieux connaître le passé des monuments et édifices dont un grand nombre existe encore.
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LE PALAIS DES THERMES ET L'HÔTEL DE CLUNY
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après nature, paru en 1890)

Les murs sont construits de moellons et de briques disposés par bandes, genre de construction d'une légèreté égale à sa solidité ; ils furent originairement revêtus d'une couche de stuc, épaisse de 8 à 14 centimètres, qui paraît avoir été

La voûte aux arcades ogivales
arrachée par la main des hommes plutôt que détruite par la vétusté.

Cette salle, de l'avis unanime des archéologues, devait être le frigidarium, ou salle des bains froids. Du côté nord, elle s'accompagne d'une salle en contre-bas, qui formait les piscines. De l'autre côté, c'est-à-dire vers la rue du Sommerard, des arcades, aujourd'hui murées, communiquaient avec d'autres salles voisines, et de grandes niches présentent les vestiges des canaux qui laissaient couler l'eau dans les baignoires par un orifice.

En avançant du côté du boulevard Saint-Michel, on se trouve dans le vaste espace qui, vu du dehors, semble une cour d'honneur, et qui n'était autre que le tepidarium, ou salle des bains chauds ; elle a perdu sa voûte, mais on l'a protégée par une sorte d'auvent en bois, dont les deux pans forment un pignon en angle ouvert.

Un système de tuyaux, placé sous le frigidarium, amenait les eaux de cette salle et de la piscine dans un déversoir commun, où les dirigeait vers le tepidarium le fourneau ou hypocaustum dont on retrouve encore les briques calcinées. L'eau était celle des sources de Rungis, amenées encore aujourd'hui à Paris par l'antique aqueduc d'Arcueil ; ce fait fut mis en évidence, lorsque, en 1544, des pionniers qui travaillaient près de l'ancienne porte Saint-Jacques, aux boulevards qu'on élevait en hâte pour s'opposer à une attaque prévue des troupes de Charles-Quint, mirent à découvert des tuyaux qui venaient de l'aqueduc et se dirigeaient vers le palais des Thermes. Il existe sous l'édifice un double rang en hauteur de caves en berceaux, ou plutôt de larges conduits, ayant 3 mètres dans toutes leurs dimensions ; on ne sait jusqu'ou se prolongent ces voûtes souterraines, interceptées par les décombres et les éboulements à une trentaine de mètres de leur point de départ.

Aujourd'hui les salles du palais des Thermes sont remplies de sculptures, statues, bas-reliefs, ornements votifs, etc., tirés soit du sol parisien, soit d'anciens monuments provenant des anciennes provinces : antiquités romaines, débris du moyen âge et de la Renaissance, tristes épaves de nos révolutions religieuses, politiques ou seulement édilitaires. C'est dans la grande salle du frigidarium que les curieux d'antiquités parisiennes peuvent contempler les plus anciens monuments découverts sur le sol de Lutèce ; ce sont les quatre autels gallo-romains élevés à Jupiter par les Nautes ou corps des mariniers de Lutèce, sous l'empereur Tibère, qui datent par conséquent du 1er siècle de l'ère chrétienne et furent trouvés le 16 mai 1711, comme nous l'avons déjà dit, dans les fondations d'une muraille très ancienne qui traversait du nord au sud le chœur de Notre-Dame, par les ouvriers chargés de creuser l'emplacement d'un caveau pour la sépulture des archevêques de Paris.

Le premier de ces autels se compose de deux assises superposées et forme un cippe carré représentant Jupiter, Vulcain, le Mars gaulois ou Esus, cueillant le gui sacré, et un taureau portant trois grues, avec cette inscription : TARVOS (POUR

Le vieux puit de la cour d'entrée
TAURUS) TRIGARANUS. Le second autel est orné, sur trois faces, de figures et d'inscriptions frustes.

L'une de ces pierres renferme l'importante inscription qui se trouve reproduite ci-dessous :

TIB. CAESARE
AVG. I0VI. OPTVMO
MAXSVMO ....M (ARAM)
NAVTAE. PARISIACI.
PVBLICE. POSIERVNT.

C'est-à-dire : « Sous le règne de Tibère César Auguste, à Jupiter excellent et très grand, les NaUtes parisiens posèrent publiquement cet autel. » Il est donc avéré que, dès le commencement de l'ère chrétienne, quatre siècles avant la fondation de la monarchie, il existait à Paris une compagnie de navigateurs ou négociants fluviatiles, qu'il est plausible de considérer comme les ancêtres de la municipalité parisienne.

Le troisième autel représente d'un côté la figure de Pollux, armé de la lance et domptant un cheval ; du côté opposé, une figure semblable, mais sans nom, qui doit être Castor ; sur la troisième face, un vieillard barbu, dont le front chauve est armé de deux cornes de cerf dans lesquelles sont passés des anneaux. C'est le dieu CERNUNNOS, à qui Guilhermy, l'archéologue parisien par excellence, prêtait un caractère mystérieux purement imaginaire ; car c'est le nom très légitime du Bacchus cornu (en grec corne) qui se trouve dans plusieurs inscriptions gallo-latines recueillies par Forcellini ; la quatrième face représente le profil d'un homme, peut-être Hercule, brandissant une massue sur la tête d'un serpent. Le quatrième autel est aussi mutilé dans ses figures que dans ses inscriptions.

On voit dans le jardin de Cluny le portail de l'ancienne église Saint-Benoît, transformée en théâtre du Panthéon, puis démolie. Ceci vaut un mot d'explication, tant pour le portail du XVIe siècle, qui est d'une belle architecture, que pour la singulière destinée de l'église défunte. Située rue Saint-Jacques, à peu près sur l'emplacement de la nouvelle Sorbonne, à l'angle opposé du Collège de France, l'église et le cloître Saint-Benoît remontaient à une haute antiquité. Les chanoines de Saint-Benoît avaient juridiction temporelle sur leur cloître et une prison; c'est dans cette enceinte privilégiée que François de Montcorbier, maître ès arts, dit aussi François des Logés, et connu de la postérité sous le nom de François Villon, assassina le jeudi 5 juin, jour de la Fête-Dieu 1455, le prêtre Philippe Chermoye, pour une rivalité d'amour. Fermée à la Révolution et vendue comme propriété nationale, convertie, en 1813, en un dépôt de farines, elle était devenue en 1832, le théâtre du Panthéon, et c'est alors qu'on masqua le portail, devenu l'entrée du théâtre, avec des constructions légères.

Le théâtre du Panthéon, sur lequel Alexandre Dumas ne dédaigna pas de faire jouer son drame de Paul Jones, était fermé depuis longtemps lorsque l'église et le cloître disparurent en 1854 pour le percement de la rue des Écoles. Mais, par un hasard singulier, au lendemain du jour où l'on apportait au musée de Cluny le

La galerie à jour et les lucarnes
portail de l'ancienne église transformée en théâtre, un autre théâtre s'ouvrait, à côté de l'hôtel de Cluny, sur l'emplacement du couvent des Mathurins, en façade sur le boulevard Saint-Germain ; ce fut d'abord le théâtre des Folies Saint-Germain, bientôt transformé en théâtre Cluny par son directeur M. Larochelle; on a joué sur cette petite scène des pièces qui ont fait courir tout Paris, les Inutiles d'Édouard Cadol, les Sceptiques de Félicien Mallefille, et plus récemment des comédies bouffes qui ont tenu l'affiche pendant des centaines de représentations.

Par la rue de la Sorbonne, qui s'ouvre à droite de la grande porte de l'hôtel Cluny, nous allons regagner la rue Saint-Jacques et continuer à la gravir au delà de la rue Soufflot. L'aspect de cette rue, qui fut autrefois un faubourg, devient à la fois plus provincial, plus pauvre et plus austère. Voici d'abord sur la gauche, au n° 193, une vaste et silencieuse clôture ; c'est le couvent de Notre-Dame de Charité du Refuge, autrement dit des dames de Saint-Michel, mitoyen avec le couvent des dames de l'Adoration réparatrice. Les sœurs de Saint-Michel occupent, depuis le Consulat, l'une des anciennes maisons des dames de la Visitation ou Visitandines.

De l'autre côté de la rue Saint-Jacques, l'église de Saint-Jacques du Haut-Pas et l'institution nationale des Sourds-Muets sont séparées par la rue de l'Abbé-de-l'Épée, qui vient du boulevard Saint-Michel. L'église Saint-Jacques du Haut-Pas, qui élève au coin droit de la rue de l'Abbé-de-l'Épée sa tour carrée, dépourvue d'ornements, accostant à gauche son portail, fut bâtie de 1630 à 1683 comme succursale en faveur des paroissiens de Saint-Étienne du Mont, dont le nombre allait croissant dans le faubourg Saint-Jacques. La duchesse de Longueville contribua largement à la dépense ; cependant la majeure partie en fut faite par les paroissiens eux-mêmes, notamment par les carriers, qui habitaient en grand nombre ce quartier, à cause des catacombes d'où l'on extrayait la pierre à bâtir ; les maîtres carriers fournirent gratuitement toute la pierre et les ouvriers carriers leur travail.

Le portail, décoré de quatre colonnes doriques, et la tour carrée furent dessinés par l'architecte Daniel Gittard. L'église a 72 mètres de longueur sur 25 de largeur, y compris les bas côtés ; elle présente intérieurement un certain intérêt artistique, grâce à une statue de saint Jacques par Foyatier ; quatre tableaux, la Foi, l'Espérance, la Charité et la Religion, attribués à Le Sueur ; un saint Pierre, peint par Restaut, et le Christ aux enfers par Gérard.


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