Monuments, édifices de Paris
Cette rubrique vous narre l'origine et l'histoire des monuments et édifices de Paris : comment ils ont évolué, comment ils ont acquis la notoriété qu'on leur connaît aujourd'hui. Pour mieux connaître le passé des monuments et édifices dont un grand nombre existe encore.
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MANUFACTURE NATIONALE DES GOBELINS
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après nature, paru en 1890)

Un édit de 1667 donna à cette création nouvelle le titre de Manufacture royale des meubles de la couronne. La direction en fut confiée à Charles Le Brun,

Les anciens bâtiments des Gobelins
premier peintre du roi, qui mourut dans la maison des Gobelins, le 12 février 1690. Pierre Mignard lui succéda ; mais à sa mort, survenue en 1695, les ateliers furent fermés à cause de la pénurie des finances. Ils ne rouvrirent qu'en 1699, sous la direction de Robert de Cotte. Après ce dernier, mort en 1735, il se produisit un nouveau changement dans la constitution même de la manufacture. Jean Glucq avait épousé Marie-Charlotte Julien ou Julienne, sœur de François Julienne, qui possédait un secret pour la teinture en écarlate et bleu de roi. Jean Julienne, neveu de M. et Mme Glucq, opéra la réunion, dans l'hôtel de la rue des Gobelins, n° 3, des établissements de ses deux oncles, situés rue de la Reine-Blanche et rue Mouffetard, avec la permission du roi, sous le titre de Manufactures royales des draps fins et teintures en toute couleur, façon d'Angleterre et de Hollande.

La renommée de Jean Julienne était devenue telle, et l'estime dont il jouissait si considérable, que le roi l'anoblit par lettres patentes de septembre 1736, le créa chevalier de Saint-Michel le 16 décembre suivant, et en même temps lui confia la direction des Gobelins, sous le titre nouveau d'entrepreneur de la Manufacture royale. Les anciennes manufactures de draps fins et de teintures de toute couleur se trouvèrent ainsi réunies de fait à la maison royale des Gobelins. Amateur éclairé des arts et l'ami personnel d'Antoine Watteau, Jean Julienne fut nommé par l'Académie de peinture et de sculpture comme conseiller honoraire, en 1740.

Cependant l'impulsion donnée par son premier directeur, Charles Le Brun, à la tapisserie de haute lice devint prépondérante, et la Manufacture royale a fini par se consacrer exclusivement à l'art de la tapisserie, pour lequel elle n'emploie que des fils teints par elle-même. Le vénérable M. Chevreul, mort à cent trois ans, en 1889, a dirigé les ateliers de teinture pendant plus de soixante ans.

L'ensemble assez irrégulier des bâtiments actuels des Gobelins, dont l'entrée commune est située au n° 40 de l'avenue de ce nom, se rapporte à quatre

Les jardins des artistes
époques différentes. Les constructions neuves entourant la cour d'entrée ne présentent aucun intérêt. Par un passage voûté, à main gauche, on pénètre dans l'ancienne cour d'honneur, dont les deux ailes, à fenêtres hautes et étroites, furent construites sous Henri IV, ainsi que le corps de logis central, qui se trouve coupé en deux par les colonnes et la porte d'une chapelle construite sous Louis XV. Deux bâtiments isolés, parallèles aux deux ailes, datent du règne de Louis XIV, Une sorte de jardin sauvage, comme il en pousse sur les ruines, indique seule la place du pavillon de gauche, qui a disparu dans les flammes pendant la Commune de 1871, avec les richesses artistiques qu'il renfermait, entre autres, deux des célèbres tapisseries dites de Raphaël.

Le bâtiment de droite, restauré et orné de guirlandes rapportées, offre quelques souvenirs. Le rez-de-chaussée renfermait des ateliers où ont été fondues la plupart des statues de bronze qui ornent le parc de Versailles. Le premier étage de l'encoignure, en face de la chapelle, était habité par Le Brun, et c'est là qu'il est mort. La chapelle, depuis longtemps désaffectée, est devenue une galerie d'exposition ou le public est admis à visiter les magnifiques tapisseries de fabrication française ou étrangère qui forment le musée des Gobelins, et qui sont encore assez nombreuses, malgré l'irréparable perte causée par l'incendie, pour qu'on soit obligé de les changer de quinzaine en quinzaine, afin de les offrir l'une après l'autre à l'admiration des connaisseurs.

Outre ces morceaux inappréciables, la partie réservée des Gobelins possède de bien précieux souvenirs : le bureau en noyer, qui sert au travail de l'administrateur actuel, le savant M. Gerspach, est le bureau même de Charles Le Brun ; le portrait de ce grand peintre par Largillière ; trois tableaux de Boucher, les plus beaux peut-être de ce maître charmant, composés pour être reproduits en tapisserie ; des maquettes de tapisserie, Amphitrite et la Pastorale, composées par Coypel le père pour la chambre du roi Louis XIV ; enfin les maquettes du canapé connu sous le nom de l'Amour, dont les figures sont de Charles Coypel et les ornements de Le Maire le cadet ; voilà des curiosités adorables que ne payerait pas tout l'or des plus opulents collectionneurs.

Une visite aux ateliers, où les artistes des Gobelins sont placés derrière un métier vertical, dont les chaînes, également verticales, ont la même fonction en tapisserie que la toile en peinture, celle de recevoir les couleurs, pro-uit

L'ancien pavillon de chasse
invariablement une double impression. La première, c'est l'admiration pour les modestes artistes qui, regardant le modèle, tableau ou dessin, placé à leur droite, le reproduisent avec l'aiguille ou broche qui leur sert de pinceau, en la promenant à l'envers de leur tapisserie. La seconde, c'est la confusion qui s'empare du visiteur, en reconnaissant, de bonne foi, qu'il ne comprend rien au miracle qui s'accomplit cependant sous ses yeux. Le personnel des artistes tapissiers et de leurs chefs d'ateliers est formé, dans l'enceinte même des Gobelins, par une école pratique d'art décoratif et de tapisserie, où l'on enseigne la gédmétrie, l'architecture, la perspective et le dessin, la peinture d'après la bosse, la nature morte et le modèle vivant ; l'art de tisser tapis et tapisseries.

Les artistes sont logés dans de petites maisons, où ils vivent en famille ; chaque ménage a la jouissance d'un jardinet taillé dans le grand jardin planté sur l'île de la Bièvre. Ils reçoivent, en plus, un traitement maximum de 2,000 francs et ont droit à une pension de retraite qui peut aller aux deux tiers de leur traitement d'activité. Ils préparent eux-mêmes les divers éléments d'exécution de leurs ouvrages ; ils ourdissent la chaîne, ils l'appliquent sur le métier, ils décalquent eux-mêmes le modèle sur la chaîne ; enfin ils s'approvisionnent eux-mêmes, au magasin spécial, des laines colorées dont ils prévoient l'emploi pour leur travail du jour, comme les peintres vont faire leur approvisionnement de vessies chez le marchand de couleurs.

 


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