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LA TOUR EIFFEL
(D'après Guide
officiel de la Tour Eiffel, paru en 1893)
L'Ascension à pied : Si les ascenseurs ont l'avantage de vous élever rapidement et de vous donner la surprise d'un changement subit, les escaliers vous permettent, par contre, de détailler le plaisir de la montée. C'est là une question de goût et de tempérament. En résumé, nous conseillons les deux modes d'ascension. Celui qui aura détaillé
Un tournant d'escalier vous met devant les yeux les dômes du Palais des Beaux-Arts, énormes bijoux de turquoise, derrière lesquels apparaît, non moins énorme, le dôme des Invalides. Tout est colossal dans le colosse qui vous abrite. La montée par l'escalier peut seule donner l'idée de l'immensité du travail de fer accompli sous le premier étage et son admirable ordonnancement. Elle procure le sentiment de la sécurité parfaite donnée par l'édifice tout entier. Lorsqu'on arrive aux trois quarts de la montée, à une quinzaine de mètres au-dessous du premier étage, on se trouve abrité comme dans une chambre, derrière les parois pleines qui forment à l'intérieur les encorbellements et les voussures qui supportent la galerie. Comme suspendues sous le premier étage, sont les cuisines et les caves des restaurants. Il est curieux de voir les chefs et les marmitons le nez à leurs fenêtres, si haut placées, et cependant en sous-sol. Le premier Étage : A quelques pas de là, des galeries donnent sur l'ouverture béante au fond de laquelle se trouvent les pelouses et les fleurs, entre les étonnants raccourcis des piliers de la Tour, avec des bonshommes. tout petits, tels que Gulliver devait les voir en Lilliput. Mais si l'on se retourne, c'est le merveilleux panorama de paris qui se développe et vous empoigne. On resterait des heures à le contempler. D'autant qu'on éprouve déjà, à cette hauteur, un véritable bien-être. On respire à pleins poumons un air pur, étant au-dessus de la couche plus ou moins altérée et chargée de microbes qui avoisine le sol de la capitale et en remplit les rues profondes. Nous voici sur la plate-forme du premier étage. Sachez que le pourtour extérieur de cette plate-forme est un immense carré de 70m,69 de côté, enfermant près de 5.000 mètres superficiels. Je suppose l'arrivée au premier étage par le pilier Ouest, par ascenseur ou par escalier. On remarque aussitôt que le premier étage a deux niveaux : celui des restaurants et des cafés, balcons et terrasses et celui des galeries de pourtour, plus bas d'un mètre environ. Cette différence est rationnelle et ingénieuse, en ce qu'elle permet aux visiteurs des galeries de circuler sans obstruer la vue de ceux des restaurants et des terrasses. Douze escaliers mettent ces deux plans en communication. Vous perdez le sentiment de la hauteur où vous êtes, et dès que vous mettez le pied sur le premier étage, vous ayez la sensation de l'entrée dans une ville. Si vous avancez sur la vaste terrasse qui s'étend devant vous, vers l'intérieur, vous arrivez devant une ouverture immense, béante, dans laquelle vous voyez, comme au fond d'un abîme, le pendule de Foucault, érigé sous la direction de M. Mascart (de l'institut) ; puis les jardins, les lacs, le départ des piliers de la Tour ; tout en raccourci, tout petit. Au milieu de ce paysage vu à vol d'oiseau, les hommes circulent comme des êtres lilliputiens. On s'identifie tellement avec le colosse de fer qui vous porte, que l'on voit tout, au-dessous de soi, avec des yeux de géant. Devant chaque grande salle règne un balcon arrondi, partant des pans coupés des terrasses intermédiaires et formant un gracieux dessin d'ensemble. Le gouffre béant mesure environ 25 mètres d'ouverture. Le Restaurant, la Terrasse, la Brasserie et la
Salle des fêtes : L'ancien Restaurant russe (côté Paris, entre les piliers Nord et Est) est aujourd'hui une annexe du restaurant ; complètement ouvert sur la façade, c'est une véritable terrasse particulièrement agréable pendant les grandes chaleurs, et il n'est guère nécessaire de dire que la carte et les prix y sont exactement pareils. Sur le côté Grenelle, nous trouvons l'ancienne salle de lecture de 1890, transformée aujourd'hui en café-brasserie. Enfin, la quatrième salle (côté Trocadéro) est convertie en salle de spectacle, où dans la saison d'été (du 1er juin au 15 septembre), sous l'habile direction de Bodinier, directeur-fondaleur du théâtre d'application, il y a représentation tous les soirs à 9 heures. La façade extérieure de chaque salle donne sur une terrasse de plain-pied, dominant la galerie du pourtour. De là, la vue est merveilleuse. L'admiration et l'extase, aussi bien que l'ascension et l'air vif, poussent naturellement à la consommation. Les caves et les cuisines en sous-sol sont vastes et commodes. En sous-sol à 55 mètres au-dessus du niveau du Champ de Mars ! Lorsque vous monterez et que vous verrez par vous-même, vous direz que les phrases que vous venez de lire ne sont ni baroques ni fantaisistes. M. Eiffel vous élève à des hauteurs où les termes terre-à-terre de cette terre, sur laquelle nous rampons, ont besoin d'être corrigés, modifiés, élargis. Le dernier mot n'est pas dit pour les installations à faire sous le sol du premier étage, dans les espaces vides si considérables que vous remarquez entre les fers de la charpente. Il y aura là, quelque jour, des installations de toutes sortes : étables, poulaillers, glacières et même des fours à pâtisserie, pour les restaurants et les bars : tout aussi bien que les caves et les cuisines qu'on y voit actuellement. Qui sait, lorsque la Tour Eiffel sera, avec le temps, devenue un lieu hygiénique, l'équivalent d'une station balnéaire, le sanatorium des anémiés d'en bas, si l'on n'y installera pas des chambres, des salles de bains, de douches, de gymnastique et d'escrime ? Tout est possible dans ce vaste sous-sol... en l'air ! COUP D'OEIL SUR LE PANORAMA L'ascensionniste fera bien de commenter la visite du premier étage par une promenade sur les galeries extérieures. Le tour de ces galeries mesure 282m,76 de longueur, chaque côté ayant 70m,69. C'est donc une grande et belle promenade. Si le visiteur est arrivé, par exemple, par la pile Ouest, il fera bien de commencer par la galerie qui fait face au pont d'Iéna et au Trocadéro, c'est le nouveau Paris, spacieux, élégant, borné par le Bois de Boulogne qui s'étend devant lui au second plan. Passant à la galerie qui fait face à l'esplanade des Invalides, le visiteur aura sous les yeux le panorama du vrai Paris, du cœur de la Cité, avec les silhouettes imposantes des vieux monuments, et Montmartre au fond. La Madeleine, l'Opéra, Saint-Augustin, le Palais de l'Industrie, la place de la Concorde, le Louvre, la Tour Saint-Jacques, Notre-Dame, etc., se trouvent dans cette partie du panorama que traverse le cours de la Seine animé par des centaines de bateaux. La galerie suivante – côté École militaire – embrasse le Champ de Mars tout entier, qui apparaît comme un magnifique plan en relief. Ce coup d'œil est merveilleux. Le dôme des invalides apparaît derrière celui des Beaux-Arts, avec Saint-Sulpice et le Panthéon plus à gauche. Peu de monuments au delà de l'École militaire : mais on a les Palais de l'Exposition à ses pieds, et cela suffit. La quatrième galerie fait face à Grenelle. Et ce n'est pas le plus vilain côté des panoramas. Non par le nombre des monuments (il n'y en a pas), mais par la beauté pittoresque de ce côté de Paris. C'est le côté des couchers du soleil – et l'un sait que Paris a le privilège des plus beaux couchers de soleil. Premier étage. Pourtour : En route pour le second étage : Si vous voulez vraiment jouir d'un coup d'œil merveilleux, de la transformation des choses ; si vous voulez savourer les impressions que vous donne cette admirable ascension, c'est à pied qu'il faut la faire, du moins, de temps à autre. Dans ce cas, il faut rejoindre l'escalier héliçoïdal de la pile Nord ou Sud consacré à la montée. Le bureau des tickets est derrière l'escalier. La montée est curieuse. Par exemple, arrêtez-vous vers la 160° marche, pour voir un des plus jolis mor-ceaux de Paris découpé par les entretoises. Le cadre est largement ouvert. L'on voit de Montmartre au Panthéon, Montmartre donne le sentiment de son altitude ; il se découpe encore sur le ciel au-dessus de l'horizon. Si vous regardez au-dessous de vous, vous ne voyez que zinc et verre. Ce sont les toitures rondes des restaurants et des loggias des galeries extérieures du premier étage. Du milieu de ces couvertures brillantes, vous voyez sortir la pile Ouest. On perd le sentiment de l'élévation oit l'on se trouve et jusqu'au souvenir des pieds de le Tour, qui vont du sol au premier étage. Toute cette colossale construction du bas n'est plus appréciable, ayant disparu. Il semble que le premier étage soit un point de départ nouveau. Pour l'ascensionniste placé entre le premier étage et le second, la Tour semble partir du premier comme d'un sol nouveau. Le second étage : Un bar-brasserie (où l'on peut luncher excellemment), un photographe (avec son atelier aérien de pose), divers kiosques de vente de souvenirs y sont installés. On y trouve aussi un abri vitré, avec bureau pour la correspondance, des water-closets, etc. Impressions d'un Piéton : L'escalier est héliçoidal ; il n'est pas livré au public. La distance qui sépare le second étage du plancher intermédiaire est de 80m,60. L'horizon s'étend démesu-rément. Ce ne sont, de toutes parts, que des tableaux merveilleux découpés par les treillis. Un album de vues variées à l'infini, dans d'innombrables cadres. Le fer n'est plus du tout gênant comme au-dessous. Les entretoises sont d'une légèreté extrême, et, dans les jours énormes dessinés entre ces croix de Saint-André, les fragments du panorama sont bizarrement découpés, comme des panneaux japonais. Je m'arrête à mi-chemin, entre le second étage et le plancher intermédiaire, à peu près à 460 mètres de hauteur. Le Mont-Valérien et Montmartre perdent de leur hauteur, leurs sommets affleurent l'horizon. Au delà apparaissent déjà des coteaux jusqu'ici invisibles, des terres nouvelles. Un phénomène curieux se produit, qui va en augmentant à mesure que l'on s'élève. Tandis que les choses éloignées semblent se rapprocher, celles qui sont au pied de la Tour semblent s'éloigner. Le Point-du-Jour, les panaches de fumée des chemins de fer de Versailles et de Ceinture paraissent plus près, et le Trocadéro plus éloigné. On distingue encore le bruit des voitures. Quelques martinets tournent autour de la Tour, un peu plus haut que le point où je me trouve, inquiets. Pensez donc ! un profane dans le monde des oiseaux ! Le Plancher intermédiaire : Tout autour, une assez spacieuse terrasse où les ascensionnistes pourront faire une petite station de curiosité, entre deux trains, c'est le cas de le dire. L'ascenseur Edoux, logé entre trois montants qui portent les pistons, les câbles, les glissières et les tuyaux, est orienté de façon à avoir une cabine nord dans la direction de l'Arc de Triomphe et une cabine sud vers Grenelle. La cabine nord fait l'ascension supérieure du plancher intermédiaire au troisième, et la cabine sud fait le service inférieur. Ces cabines sont très vastes. Du plancher, la vue est magnifique. On est plus près des fers de la Tour, et les découpures dans le panorama sont plus larges. Pauvre Montmartre ! pauvre Mont-Valérien ! L'horizon les dépasse maintenant, les submerge. Leurs silhouettes n'ont plus aucun commerce avec le ciel. Elles se détachent minablement sur les terres d'au delà. Des pays nouveaux sont visibles. Du Plancher intermédiaire au sommet. Quatrième étape. Encore 90 mètres ! Allons ! Je m'aperçois que la carcasse de fer se rapproche de l'axe, L'ascenseur Edoux finira par remplir l'ossature et par affleurer les entretoises. C'est que la Tour s'amincit notablement. On voudrait s'arrêter à chaque marche, tant il y a de belles choses et de surprises tout autour de la Tour. L'École Militaire surgit. peu à peu derrière le masque de fer et de verre derrière lequel on l'a cachée, et le puits de Grenelle se dégage tout entier. Je vois les cava-liers manœuvrer dans les cours des grandes casernes ; mais si petits, si petits qu'on dirait des cirons à cheval sur des puces. Je crois voir des cloportes dans ces cours. En y regardant, je démêle que ce sont des caissons d'artillerie. Le troisième étage : A hauteur de vue, de magnifiques glaces ferment les baies, et là, à l'abri des intempéries, on peut admirer le panorama incomparable qui vous entoure. De nombreux visiteurs y suivent avec grand intérêt, à certains jours, les courses de Longchamp, d'Auteuil et de Levallois-Perret. Par une gracieuse et utile inspiration la Société de la Tour a fait reproduire sur les panneaux du haut une vue et description panoramiques des localités et monuments entr'aperçus. Le public n'est pas admis à dépasser la plate-forme du troisième étage, bien que 23 mètres la séparent du drapeau, dont la hampe est exactement à 303 mètres au-dessus du sol. Renseignements généraux, administration : Boîtes aux lettres : Bureau de tabac : Distributeurs automatiques : Interprètes : Jumelles et longues-vues : Le télescographe indique de plus le nom du point de vue ou du monument et la distance à laquelle ils se trouvent de la Tour. 0 fr. 25 par personne et par poste. Au troisième étage, quatre télescopes sont installée et permettent de découvrir les points de vue jusqu'aux horizons les plus lointains. 0 fr. 50 par personne pour les quatre télescopes. Réclamations : Water-Closets : |
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