|
|
|
||||||||||||
NOTRE DAME DE PARIS
(D'après Paris,
450 dessins inédits d'après nature,
paru en 1890)
La façade et les portails latéraux de Notre Dame de Paris contiennent la généalogie divine et la biographie de la sainte Vierge, accompagnées et expliquées par l'histoire sainte, depuis Adam et le Paradis terrestre. Le livre, que le bon marché met à la portée de tous, a supplanté l'écriture sculpturale. « Ceci tuera cela », écrivait Victor Hugo. La grande façade occidentale, qui s'élève sur la place du Parvis, présente trois parties en largeur, quatre étages en élévation. Quatre contreforts dessinent les grandes divisions verticales et marquent en même temps, à partir du sol, la largeur de chaque tour, ainsi que la largeur des collatéraux de la nef. A ces trois parties en largeur correspondent trois larges portes ogivales, dont chacune est partagée en deux baies carrées par un pilier trumeau, et surmontée de tympans sculptés sous des voussures profondes, animées par une myriade de figures en
Une sorte de corniche, tressée d'un double rang de feuillages, traverse toute la façade au-dessus des portes, séparant l'étage inférieur d'une galerie formant premier étage, appelée galerie des Rois. Cette galerie se compose de vingt-huit arcs bilobés, garnis de billettes à l'archivolte et surmontés de bastilles ; ils ont pour appuis des colonnes coiffées de chapiteaux à crochet. En arrière de l'arcature, dans un passage qui traverse l'épaisseur des contreforts, se dressent vingt-huit statues de pierre, représentant des rois. La galerie de la Vierge, qui s'élève au second étage au-dessus de la galerie des Rois, consiste en une terrasse à ciel ouvert, que borde une balustrade à jour, formée d'une nombreuse série de petits arcs, la plupart en ogive et les autres cintrés, accompagnés de colonnettes, décorés à l'archivolte de billettes et de dents de scie. Elle est ornée de cinq grandes statues de pierre : Adam devant la tour du Nord, Ève à celle du Midi ; dans le milieu, en avant de la grande rose en vitraux, la Vierge portant le Christ entre deux anges qui tiennent des chandeliers. C'est le symbolisme par personnages de la Chute et de la Rédemption. Le troisième étage comporte, à chaque tour, deux larges baies comprises sous une même ogive, éclairant de vastes salles intérieures. Le centre est occupé par la grande rose, qui, lorsqu'elle reçoit les rayons du soleil couchant, illumine de feux prismatiques toute la partie supérieure de la nef. Elle est encadrée dans un arc cintré soutenu par des colonnettes, et divisée par des arcs trilobés en trente-six baies. Cette partie de l'édifice est couronnée par un entablement feuillagé. Au-dessus de cet entablement règne le quatrième et dernier étage, à partir duquel les tours commencent à se détacher de la masse ; elles sont reliées l'une à l'autre par une arcature à jour, formée d'ogives géminées, supportées par des colonnes en faisceaux, avec trèfles percés dans les tympans. Cette arcature, qui paraît comme suspendue entre les tours, se prolonge sur leurs quatre faces, et se couronne d'une balustrade découpée en quatre feuilles, et dont tous les angles servent de supports ou de perchoirs à des démons, à des monstres et à de fantastiques oiseaux. Au-dessus de la toiture de la nef, d'où se détache la flèche rétablie par Viollet-le-Duc et Lassus, les tours s'élancent dans l'espace. Les énormes contreforts qui couvrent leurs angles sont brodés dans toute leur hauteur d'une longue guirlande de feuilles en crochets, et surmontés de clochetons et de gargouilles. Chaque face des tours est percée de deux baies ogivales, dont les ébrasements se tapissent de colonnettes, et dont les archivoltes se divisent en nombreuses
Enfin, le sommet des tours, au-dessus d'une double ligne de grandes et larges feuilles, est protégé par une balustrade semblable à celle de la dernière galerie, circulant autour de la toiture revêtue de plomb. A l'un des angles de cette balustrade, une tourelle, terminée par un fleuron, renferme la cage de l'escalier. Observons ici que les deux tours sont égales en hauteur, mais que la tour méridionale est un peu moins volumineuse que celle du nord. Aucune hypothèse plausible n'a jusqu'à présent expliqué cette singularité. L'escalier qui conduit aux tours compte trois cent quatre-vingts marches en pas de vis. Le palier de l'étage inférieur forme un porche en avant des collatéraux de la nef. L'ascension n'en est pas très pénible, à la condition qu'elle soit lente et méthodiquement régulière. Malgré les défenses affichées du haut en bas de l'édifice, la pierre des murs formant la cage de l'escalier est endommagée par un grand nombre d'inscriptions tracées au charbon ou gravées avec la pointe d'un couteau ; elles conservent à la postérité peu curieuse les noms d'un grand nombre de badauds et d'une tribu de vagabonds, qui, pour les buriner à quatre mètres au-dessus des marches, ont risqué leur vie ou celle de quelqu'un de leurs semblables ; car cette hauteur ne peut être atteinte qu'au moyen de la courte échelle, l'un des deux compagnons montant sur les épaules de l'autre. Pour empêcher ces ridicules gamineries, il faudrait établir une surveillance permanente tout le long de l'escalier des tours, ce qui n'est guère praticable. Du reste, l'ascension, bien que longue, n'est pas dénuée d'intérêt. A travers les meurtrières superposées, de superbes points de vue s'offrent aux regards et s'élargissent progressivement. L'étage inférieur forme un porche en avant des collatéraux de la nef. On aperçoit, d'étage en étage, de vastes salles voûtées ; chaque tour renferme, à la hauteur de la galerie de la Vierge, une salle immense et magnifique où la lumière, habilement ménagée, produit de mystérieux contrastes et des effets singuliers de clair-obscur ; à l'angle de chacune de ces salles, une tourelle de pierre, découpée à jour, renferme un escalier insondable, se perdant dans la hauteur, à la manière des escaliers du Piranèse. C'est ainsi que le colossal édifice, dont les toitures de plomb reposent sur une immense charpente, est la fois basilique, palais, maison et forêt, habités par. une population d'images sculptées, archangéliques, humaines ou bestiales. Enfin, nous voici parvenus à fa dernière marché de l'escalier, sur la galerie qui joint les deux tours. La première impression est un éblouissement. A nos pieds, dans un profond abîme, la ville et le fleuve ; au-dessus de nos têtes, les deux tours et le ciel. En bas, entre les maisons et les monuments, de longues lignes de verdure ; en haut, des nappes de lumière. Beaucoup plus de bruit qu'on ne le supposerait et qu'on n'en souhaiterait à cette hauteur. L'aigre sifflet à vapeur des remorqueurs employés au touage des bateaux sur la Seine grince avec une stridence étourdissante à travers les hauts pinacles de la cathédrale. Un petit appentis de bois, adossé à la tour méridionale, sert d'abri et peut-être de logement au gardien, qui est en même temps cicerone, et qui perçoit un droit d'entrée de vingt centimes pour conduire le visiteur jusqu'au fameux bourdon de
Le grand bourdon dont parle François Villon dans son Grant Testament, daté de 1461, avait été donné en 1400 à la cathédrale par Jean de Montaigu, frère de l'évêque de Paris, qui l'avait baptisé Jacqueline, du nom de sa femme Jacqueline de La Grange. Jacqueline fut refondue en 1686 par les maîtres fondeurs Chapelle, Gillot, Moreau et Florentin Le Guay, et reçut un nouveau baptême au nom de Louise-Marie-Thérèse, reine de France, femme de Louis XIV. Jacqueline ne pesait que quinze milliers (7,500 kilogrammes). Marie-Thérèse pèse un peu plus du double (16,000 kilogrammes ou 16 tonnes métriques). Le battant pèse à lui seul 485 kilogrammes. L'épaisseur de la cloche est de om,28 ; le périmètre en est de 4 mètres. Une inscription latine, placée en relief, relate ses aventures et ses transformations. Le maniement de cette énorme masse est d'une extrême simplicité : deux hommes se balancent, l'un à droite, l'autre à gauche, sur une pédale mobile, au milieu d'un beffroi de charpente qui assure l'isolement de la cloche et garantit l'édifice contre un ébranlement dangereux. On accède à ce beffroi par une sorte d'échelle en charpente, qui part de la galerie supérieure, près de la cabane du gardien. Le son grave, solennel et lugubre rendu par le bourdon est le fa diète dit de ravalement. La cage voisine, construite à la gauche du bourdon, renferme un autre chanteur de bronze, de stature moins imposante ; c'est la cloche enlevée de la cathédrale de Sébastopol et donnée au chapitre de Notre-Dame par l'empereur Napoléon III. Quatre autres cloches de volume secondaire ont été transportées dans la tour du nord, pour faire place au trophée glorieusement conquis par l'armée de Crimée. Entre les deux tours, il existe une sorte d'esplanade qu'on appelle l'aire de plomb ou la cour des réservoirs. Des plaques de métal en couvrent le sol, et des bassins y contiennent de l'eau pour les premiers secours en cas d'incendie. En arrière de l'aire de plomb s'élève le grand pignon triangulaire qui clôt le comble de la nef ; sur sa pointe, un ange sonne la trompette pour annoncer le jugement dernier. Enfin, au troisième plan, se dresse la flèche couverte en plomb, qui avait été abattue après 1792 parce qu'elle menaçait ruine, et qui, rétablie par Viollet-le-Duc et Lassus, s'élève à 45 mètres au-dessus du comble de la nef ; elle superpose deux étages à jour, garnis de plates-formes et couronnés par une pyramide. Les formes en sont dessinées par des ornements délicatement ouvrés : crochets, aiguilles et frises, et accompagnées par les statues des apôtres et les symboles des évangélistes. Le comble de la nef recouvre une des plus admirables parties de la cathédrale, dont l'accès est sagement interdit à la curiosité parfois dangereuse des visiteurs. C'est l'énorme charpente, appelée la forêt, qui soutient la couverture en plomb de toute la partie haute de l'église. On croit communément qu'elle est en bois de châtaignier ; c'est une erreur. La forêt de Notre-Dame, qui mesure 178 mètres de long, est tout entière en bois de chêne. Elle date du XIIIe siècle, époque de la construction de l'ancienne flèche centrale. Quant à l'édifice entier, qui n'est pas construit sur pilotis, comme le veut une autre tradition, mais solidement assis dans le sol, il est bâti en bonnes pierres de taille, provenant des carrières des environs de Paris. La couverture que supporte la forêt se compose de 1,236 tables de plomb, dont chacune a dix pieds de longueur sur trois de large et dont le poids total est évalué à 60,120 kilogrammes (120,240 livres).
|
|
|||||||||||||
PAGES 1/6 | 2/6 | 3/6 | 4/6 | 5/6 | 6/6
:: HAUT DE PAGE :: ACCUEIL |
|