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HISTOIRE
DE PARIS
(D'après Paris
à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens
depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours,
paru en 1879)
Le traité de Bicêtre. — Les arbalétriers. — Armagnacs et Bourguignons. — Les collèges de Reims et Coquerel. — Les cabochiens. — Le pont Notre-Dame. — Exécution de Pierre des Essarts, prévôt de Paris — La coqueluche. — La paix du Quesnoy. — Guerre avec les Anglais. — Défaite d'Azincourt. — Visite de l'empereur Sigismond. — Les boucheries. — Perrinet Leclerc. — La guerre civile. — Exécution de Caboche et du bourreau Capeluche. — Nicolas Flamel. — Notre-Dame-de-la-Carolle. — Le soldat Suisse. — Mort du duc de Bourgogne. — Misère, froid, famine de l'année 1419. — Bannissement du Dauphin. — Mort de Charles VI. — Les modes. — L'église Saint-Gervais. — Les prévôts des marchands et les échevins.
Tous les hommes d'armes entrés, Perrinet
referma la porte dont il jeta les clefs en dehors par-dessus la muraille.
L'Ile-Adam et les siens marchèrent droit au Châtelet où
se trouvaient environ 400 bourgeois en armes qui les attendaient.
Ceux qui pénétrèrent à l'hôtel Saint-Paul trouvèrent le roi endormi ; ils le réveillèrent et l'obligèrent à monter à cheval et à parcourir la ville, pour montrer qu'il autorisait tout ce qui se faisait au nom du duc. Tanneguy Duchâtel avait bien vite couru à l'hôtel du dauphin qui était au lit ; il l'enveloppa dans sa robe de chambre et l'emporta à la Bastille et de là à Melun. La populace, déjà en mouvement, se répandit partout, portant sur ses vêtements la croix rouge de Saint-André, symbole de la maison de Bourgogne, et cria : « Vive le roi et le duc de Bourgogne ! » Malheureusement, les bandits et les pillards se mirent de la partie. On se battait de tous côtés, on arrêtait les gens sans savoir pourquoi, et quiconque était désigné comme Armagnac était aussitôt massacré. Toutes les prisons furent remplies des ennemis du duc de Bourgogne. Et, pour réfréner la fureur populaire, il fut défendu, sous peine de la hart, d'emporter violemment ce qui était dans les maisons et d'arrêter personne sans autorité de justice. Mais, une fois l'élan donné, il était bien difficile de le modérer ; les Bourguignons faisaient les cent coups, pillant tout ce qui tombait sous leurs mains et se livrant à tous les excès. Le lendemain, le roi nomma Gui de Bar prévôt et fit publier à son de trompe un ordre qui obligeait tous les bourgeois à révéler les noms de tous les Armagnacs qu'ils connaissaient, ce qui fit que tous ceux qui s'étaient cachés chez des amis se virent dans la nécessité de se livrer ; le connétable s'était blotti chez un maçon ; il fut dénoncé par lui ; le nouveau prévôt vint l'arrêter et le mena lui-même au petit Châtelet. La Bastille tenait encore pour le parti du roi. Tanneguy Duchâtel, après avoir mis le dauphin en sûreté, revint le 1er juin avec le maréchal de Rieux et des hommes d'armes pour chasser les Bourguignons ; il avait avec lui seize cents gendarmes qu'il fit entrer par la porte Saint-Antoine et bientôt un groupe considérable se forma aux cris de : « Vive le roi, le dauphin et le comte d'Armagnac ! » Mais aussitôt le prévôt Gui de Bar et Villiers-de-L'Ile-Adam ramassèrent tout ce qu'il y avait d'hommes d'armes dans Paris et marchèrent contre ceux de Tanneguy. On se battit ferme, mais les Bourguignons devenaient sans cesse plus nombreux ; trois à quatre cents Armagnacs demeurèrent sur le carreau ; les Bourguignons n'eurent qu'une quarantaine d'hommes tués. Ceux-ci furent enterrés honorablement ; les autres furent conduits dans des tombereaux par le bourreau hors de la ville et jetés au milieu des champs. La Bastille se rendit. Cani-Varennes, que le comte d'Armagnac y avait tenu comme prisonnier, en devint le gouverneur. Les Bourguignons étaient enfin maîtres de Paris. Tout n'était pas fini. Les bouchers et les écorcheurs bannis étaient rentrés dans la ville la rage et le désir de la vengeance au coeur ; ils animèrent le peuple et mirent tout en oeuvre pour le soulever, en répandant le bruit qu'il était venu des troupes pour délivrer le comte d'Armagnac et mettre à mort les partisans du duc de Bourgogne ; il n'en fallut pas plus pour exciter la colère populaire. Tandis que les Bourguignons couraient aux armes, les cabochiens, commandés par un potier d'étain de la cité nommé Lambert, coururent à la Conciergerie, en tirèrent le connétable d'Armagnac, le chancelier de Marte, l'évêque de Coutances et les massacrèrent, puis ils les dépouillèrent de leurs vêtements, et laissèrent leurs corps nus sur la voie publique ; l'un d'eux, après avoir coupé la tête au chancelier de Marle, alla la présenter au bourreau Capeluche comme témoignage de sa vaillance. Ils coururent ensuite à la prison Saint-Éloi et fendirent à coups de hache la tête à tous les prisonniers. Seul, l'abbé Saint-Denis qui y était enfermé se sauva dans l'église Saint-Paul, dont la prison était voisine, et se jeta à genoux devant l'autel, tenant en ses mains une hostie ; les assassins s'arrêtèrent et n'osèrent le frapper ; il fut sauvé. De Saint-Éloi, ces furieux se transportèrent au petit Châtelet, où l'entrée leur fut refusée, mais on fit sortir les prisonniers un à un. Et au fur et à mesure qu'ils paraissaient et baissaient la tête pour sortir, ils étaient percés de coups d'épée, assommés à coups de hache et leurs corps traînés dans la boue. Ces excès durèrent une partie de la journée ; le sang ruisselait de tous côtés et avec une telle abondance qu'aux environs du Châtelet il montait jusqu'à la cheville du pied. Le grand Châtelet, les prisons de Saint-Martindes-Champs, de Saint-Magloire et du Temple furent vidés de leurs prisonniers ; ceux même qui étaient enfermés pour dettes ne furent pas mieux traités ; on les jeta par les fenêtres. La nuit se passa en tueries. Les cabochiens descendirent jusqu'au fond des plus sombres cachots pour y
Les historiens ne tarissent pas sur les excès épouvantables qui furent commis dans ces journées de guerre civile ; naturellement, des temps aussi troublés avaient suscité nombre de vengeances personnelles qui s'accomplirent sous le manteau de la politique. Soit affectation, soit prudence, la reine et le duc de Bourgogne ne rentrèrent à Paris que le 14 juillet ; ils y furent reçus au bruit des acclamations populaires. On jeta des fleurs par les fenêtres sur le char de la reine. Ce n'était que danses, concerts et marques publiques d'allégresse. Ils descendirent à l'hôtel Saint-Paul où le roi leur témoigna toute sorte d'affection (il ne se souvenait probablement pas que c'était lui qui avait chassé sa femme). Le duc de Bourgogne fut nommé gouverneur de Paris. Chacun de ses partisans eut l'emploi qu'il désirait. Encore une fois tout le monde était satisfait. Le peuple n'eût pas mieux demandé que de l'être aussi ; malheureusement il manquait de pain, et la faim dispose mal à l'allégresse. La cherté des vivres était telle que les pauvres gens ne pouvaient plus manger. Ils s'insurgèrent et s'en prirent de nouveau aux Armagnacs. Le 20 août, les cabochiens, qui menaient tous les mouvements populaires, prirent les armes et tuèrent sans miséricorde tous ceux qui avaient échappé au précédent massacre. Il restait une vingtaine de prisonniers à la Bastille et au château de Vincennes ; ils les voulurent ; on les leur donna, ils les tuèrent tous. Le duc de Bourgogne, révolté par cette cruauté, sévit enfin contre Caboche et son ami Capeluche, bourreau de Paris, et ces deux meurtriers eurent le poing coupé aux halles de Paris, le 26 août, Ils furent ensuite décapités et pendus par les aisselles au gibet, en compagnie d'un troisième tueur, et, afin qu'il ne se produisit aucune manifestation en leur faveur on eut soin de garnir les carrefours et autres endroits fréquentés, d'un nombre suffisant de gens de guerre et de bourgeois armés. Capeluche était un bourreau expérimenté, mais son valet était loin de savoir comme lui trancher une tête d'un seul coup ; peut-être aussi était-il impressionné par l'obligation dans laquelle il se trouvait de décapiter son patron. Toujours est-il qu'il fallut lui enseigner la manière dont il devait s'y prendre pour couper le cou à Capeluche. Quant à la manifestation redoutée, elle n'eut pas lieu ; depuis longtemps, on ne supportait que par la crainte qu'ils inspiraient les meurtres de Caboche, et son supplice fut un soulagement pour tous ceux qui craignaient un jour ou l'autre de s'attirer la haine du farouche tueur, dont le nom seul faisait trembler les honnêtes bourgeois de Paris. Le duc de Bourgogne, parvenu à ses fins, jura de servir fidèlement le roi, et de concourir avec les bourgeois de Paris au maintien du bon ordre. Afin de purger la ville des séditieux qui formaient l'appoint des cabochiens dans les troubles, on les envoya au siège de Montlhéry, occupé par les gens du parti du comte d'Armagnac, mais ils firent de mauvais soldats et les Armagnacs poussèrent une pointe dans Paris le 13 septembre jusqu'au faubourg Saint-Germain, où ils brûlèrent plusieurs maisons. A peu près vers le même temps, une maladie contagieuse sévit dans Paris avec une telle violence que le journal du règne de Charles VI porte qu'il mourut en moins de cinq semaines 50,000 personnes. Monstrelet estime la perte totale des gens atteints par la contagion à 80,000, mais un autre écrivain du même temps, Lefèvre de Saint-Rémy, la réduit à 40,000. En s'arrêtant à ce dernier chiffre, il est facile de se rendre compte de la tristesse qui régnait dans la capitale, où nombre de gens souffraient en outre d'une disette affreuse, amenée par les ravages des troupes qui campaient autour de Paris et interceptaient à leur profit les approvisionnements de vivres. Le prévôt de Paris fut invité à prendre 200 hommes d'armes et à les employer à escorter les marchands qui venaient apporter des provisions. Chaque jour, le prévôt des marchands et les échevins devaient s'assembler à l'Hôtel de Ville et s'entendre avec les conseillers au parlement et les bourgeois notables pour aviser au moyen d'approvisionner Paris. La gravité des événements politiques nous a fait passer sous silence la consécration de l'église Saint-Jacques-la-Boucherie, qui eut lieu le 24 mars 1414, par l'évêque de Turin, Gérard de Montaigu, qui, à cette occasion, fut invité par ses paroissiens à un dîner qui ne coûta que 70 sous parisis. Parmi eux se trouvait un des bienfaiteurs de l'église dont le nom a conservé une grande célébrité. Nous voulons parler de Nicolas Flamel, qui fit bâtir à ses frais, en 1399, le petit portail de Saint-Jacques-la-Boucherie qui se trouvait du côté de la rue des Ecrivains appelée originairement rue Pierre-au-Lait, et qui prit le nom de rue des Ecrivains en raison des écrivains qui s'établirent, vers la fin du XIVe siècle, dans de petites échoppes près de l'église. Elle commençait à la rue des Arcis et finissait à celle de la Vieille-Monnaie, et fut supprimée en 1854). Nicolas Flamel était un de ces écrivains, et son échoppe était des plus fréquentées, car il était, en même temps que calligraphe, dessinateur, enlumineur et peintre. Il était né à Pontoise vers 1340, et épousa une digne femme, « non seulement douée de raison, dit d'elle son mari, mais aussi capable de faire ce qui était raisonnable et plus discrète et secrète que le commun des autres femmes ; » on la nommait Pernelle, et ce nom est aussi connu que celui de Nicolas Flamel. C'est qu'à eux deux, dans cette échoppe, au bas de l'église, ils devinrent riches et qu'ils en profitèrent pour faire tout le bien imaginable. Ils dotèrent quatorze hôpitaux, ils fondèrent des hospices, ils rebâtirent trois chapelles, ils rentèrent sept églises et réparèrent trois cimetières. « Nicolas Flamel, dit un auteur du temps, avait des maisons en lesquelles des gens de métier étaient logés en payant dans les boutiques et autres retraits du rez-de-chaussée, et du produit de ces loyers de pauvres laboureurs et ouvriers avaient un asile gratuit dans les étages supérieurs. » Flamel acheta des terrains avoisinant l'église, et s'y fit bâtir une maison tout enjolivée à l'extérieur « d'histoires et devises peintes et dorées » ; ce fut l'hôtel Flamel. Il fit construire deux arcades au charnier des Innocents, et un grand édifice appelée la maison du Grand-Pignon. Le grand pignon n'existe plus, mais le vieux logis existe encore rue Montmorency. A la hauteur du premier étage courait une longue frise représentant Jésus-Christ ayant à côté de lui Nicolas Flamel, et tous deux entourés par des laboureurs à genoux ; au-dessous était cette inscription dont les caractères gothiques peuvent encore se lire : « Nous, hommes et femmes laboureurs, demourant au porche, sur le devant de ceste maison, qui fut faicte en l'an 1407, sommes tenus chacun en droit de soy dire tous les jours un patenostre et un Jésus-Ave-Maria, en priant Dieu que de sa grâce face pardon aux povres pescheurs trépassez. Amen. » La grande fortune dont jouissait Flamel étonnait ses contemporains qui l'expliquèrent cependant par la possession du secret de la pierre philosophale, que l'écrivain aurait découvert ; il passa pour le premier alchimiste de son temps ; la vérité est qu'à son art de calligraphe il joignait le métier de libraire, qu'il s'occupait de science hermétique et de médecine, et qu'il faisait des opérations de vente et d'achat d'immeubles qui lui procurèrent d'assez gros bénéfices. Quoi qu'il en soit, son capital eût produit au XVIIe siècle 5,000 livres de rentes, ainsi qu'à cette époque l'a prouvé l'abbé Vilain, en s'appuyant sur des titres exacts et sur son testament daté du 22 novembre 1416, qui existe aux Archives. Avant de mourir (22 mars 1417), il avait acheté dans l'église Saint-Jacques-la-Boucherie un emplacement pour son tombeau ; et comme il n'avait pas eu d'enfant de sa femme Pernelle, il légua tous ses biens à l'église, à la charge par le chapitre de dire pour lui un certain nombre de messes. Tous deux furent enterrés à Saint-Jacques. Il avait lui-même composé son épitaphe qu'il grava sur une pierre qui, après la démolition de l'église (an V), arriva, on ne sait comment, chez une fruitière qui s'en servait pour hacher dessus des herbes cuites. Elle fut transférée plus tard au musée de Cluny. Revenons à l'église. Cet édifice avait droit d'asile ; en 1405, on y fit même construire une chambre qu'on réserva à ceux qui venaient s'y mettre en franchise. Au commencement du XVIe siècle, Saint-Jacques-la-Boucherie n'avait encore qu'un très médiocre clocher ; en 1507, Jacques de Thoyne, chanoine de Montmorency, offrit deux maisons adossées à l'église, et qui lui appartenaient, pour élever une tour sur leur emplacement. Dans l'année 1508, les fondements furent
jetés et la tour commença à monter à l'angle
sud-ouest de la façade occidentale. En 1510, la construction arrivait
au premier étage ; en 1522, elle avait 50 mètres de haut,
et entre ses parois, douze cloches appelaient les fidèles aux cérémonies
du culte. Sauval en déclarait la sonnerie harmonieuse et son carillon
« fort musical ». Lorsqu'elle fut
terminée, le sculpteur Rault, « tailleur
d'images, » fut chargé, moyennant la somme de vingt
livres tournois, de sculpter les statues ailées des quatre animaux
mystiques, l'aigle, le lion, le boeuf et l'homme-ange, qui, selon l'expression
de Victor Hugo, semblent quatre sphinx qui donnent à deviner Paris
ancien au Paris nouveau. Un des caveaux de l'église Saint-Jacques-la-Boucherie renfermait les restes de Jean Fernel, médecin de Henri II et accoucheur de la reine Catherine de Médicis qui lui donnait à chaque couche douze mille écus d'or. L'église Saint-Jacques-la-Boucherie, qui n'avait été achevée que sous le règne de François Ier, fut supprimée en 1790 et devint propriété nationale ; en 1793, le comité révolutionnaire du quartier des Lombards y installa ses séances. Elle fut vendue le 4l floréal an V, et démolie peu de temps après, à l'exception de la tour, devenue le centre d'un marché de friperie appelé la cour du Commerce. Cette tour devint la propriété de M. Dubois qui y établit une fonderie de plomb de chasse ; elle se dégradait peu à peu, lorsqu'en 1835 le conseil municipal de Paris arrêta que la ville achèterait la tour Saint-Sacques. La vente fut consentie par les héritiers Dubois le 29 août 1836, au prix de 250,100 francs. La restauration en fut ordonnée en 1853 et confiée aux soins de MM. Balu et Roguet. Toutes les masures qui l'environnaient disparurent et sa structure élégante et fine émergea d'une place entièrement dégagée. Les animaux sculptés par Rault, et dont le temps avait profondément altéré les formes, furent déposés au musée de Cluny et des copies fidèles occupent leur place. Il en fut de même pour la statue de saint Jacques le Majeur, qui avait été renversée en 1793 et que le sculpteur Chenillon a parfaitement remplacée. Les cloches ayant disparu du clocher, des vitraux peints ont rempli les hautes travées, et la cage grandiose a été fermée aux engouffrements du vent. Dans les niches creusées à même des épais contreforts qui forment les angles de la tour, dix-neuf statues nouvelles ont repris la place des anciennes, ce sont : saint Christophe par M. Pascal, saint Augustin par M. Loison, saint Pierre par M. Courtel, saint Jacques le Mineur par M. Arnaud, saint Léonard par M. Duseigneur, saint Roch par M. Desprez, saint Georges par M. Protat, saint Laurent par M. Perraud, saint Clément par M. Calmels, saint Michel archange par M. Froger, saint Quentin par M. Talluet, saint Jean-Baptiste par M. Cordier, sainte Marguerite par M. Villain, saint Jean par M. Diébolt, saint Paul par M. Chambard, sainte Catherine par M. Bonassieux, sainte Geneviève par M. Gruyère, et saint Louis par M. Dantan aîné. Au centre inférieur, sous une voûte ogivale, se trouve la statue de Blaise Pascal par M. Cavelier. Cette statue fut élevée au grand philosophe chrétien, en raison de ce qu'on prétendit que ce fut à la tour Saint-Jacques qu'il fit, en 1653, des
La tour se trouve aujourd'hui consolidée à sa base par l'établissement d'un terre-plein en pierres de taille que surmonte une balustrade, et un square l'entoure de ses frais gazons et de ses massifs de fleurs et de verdure. Plusieurs historiens du temps, entre autres Corrozet et Lemaire, placent au 3 juillet 1418 un fait plus que douteux, mais dont la tradition s'enracina si bien, qu'il passa à l'état de légende sacrée ; le voici : On prétend que ce jour-là un soldat, du nom de Suisse, ou Suisse d'origine, sortant d'un cabaret où il avait laissé son argent au jeu et aussi un peu sa raison au fond du verre, s'en prit de sa déveine à une statue de la Vierge qui était au coin de la rue aux oies (aux Ours), et s'oublia jusqu'à la frapper de plusieurs coups de couteau, ce qui fit jaillir le sang. Le coupable fut immédiatement arrêté et on le brûla, à l'endroit même où le sacrilège avait été commis, après l'avoir lardé de coups de couteau et lui avoir percé la langue avec un fer rougi au feu. Puis la statue fut transportée dans l'église Saint-Martin-des-Champs, où on la vénéra sous le nom de Notre-Dame-de-la-Carole. Toutes ces circonstances furent en outre représentées dans un tableau qui existait dans la chapelle de la Vierge, derrière le choeur de cette église. Le Journal de Charles VI, la Vie de ce prince, par Jean Juvénal des Ursins, sont muets à cet égard, et on est fondé à croire que tout ceci n'est qu'une de ces fables comme les amateurs de merveilleux en ont tant semé dans l'histoire du moyen âge. Toutefois, ce qui est certain, c'est qu'autrefois on tirait tous les ans, le 3 juillet, dans la rue aux Orles ou aux Ours, un feu d'artifice en commémoration de cet événement, et le même soir, au milieu d'un grand concours de population, on brûlait un géant d'osier, habillé en soldat suisse. C'était le roi de la confrérie de la Vierge de la rue aux Ours qui allumait le bûcher. Le gouvernement suisse réclama contre cet usage, d'autant plus injurieux pour cette nation qu'en 1418 les Suisses ne servaient pas encore dans l'armée française, et que rien ne prouvait même que le prétendu sacrilège eût jamais été commis. Louis XV fit droit à ces justes plaintes, mais il ne parvint pas à supprimer la cérémonie, du mannequin, à laquelle les Parisiens tenaient singulièrement. « On ôta, dit l'auteur du Tableau de Paris, l'habit suisse, qu'on remplaça par une mauvaise souquenille. Ne dirait-on pas qu'on ajoute foi à ce miracle d'après ce bûcher qui se renouvelle chaque année ? Tout le monde rit en voyant passer ce colosse d'osier qu'un homme porte sur ses épaules et auquel il fait faire des révérences et des courbettes devant toutes les Vierges de plâtre qu'il rencontre. Le tambour l'annonce, et dès qu'on met le nez à la fenêtre ce colosse se trouve de niveau avec l'oeil des curieux. Il a de grandes manchettes, une longue perruque à bourse, un long poignard de bois teint en rouge dans sa dextre, et les soubresauts qu'on imprime au mannequin sont tout à fait plaisants, si l'on considère que c'est un sacrilège qu'on fait danser ainsi. »
Ces mots furent le signal d'une véritable émeute contre du Marsais, qui eût été mis en pièces, s'il ne se frit réfugié dans une allée ouverte. Mais alors le peuple furieux voulut faire le siège de la maison, en demandant qu'on lui livrât le blasphémateur. Il fallut que la garde vînt le délivrer, et encore n'osa-t-on le laisser sortir que de nuit. M. Edouard Fournier raconte que Jean-Jacques Rousseau, dans le temps de ses manies les plus soupçonneuses, se trouvant à Paris le jour de l'autodafé du Suisse, s'imagina que c'était lui qu'on avait brûlé en effigie, et que, pour comble de mystification, on était exprès venu mettre en station le mannequin devant sa fenêtre. L'un des premiers actes de la Révolution fut de supprimer cette cérémonie ridicule elle n'eut pas lieu en 1789 ; un arrêté du 27 juin est ainsi conçu : « Département de la police. Le département de la police vient de faire afficher qu'instruit que le 3 juillet une confrérie promène et brûle aux pieds de la Vierge, appelée Notre-Dame-de-la-Carole, la représentation d'un prétendu Suisse, qui frappa, dit-on, dans son ivresse, cette Vierge faisant le coin de la rue aux Ours et Salle-au-Comte ; ouï et ce consentant, le procureur-syndic de la commune, supprime et défend cette cérémonie qui, quoique se renouvelant chaque année depuis plusieurs siècles, n'en est pas moins indécente. » Rouen se rendit au roi d'Angleterre dans les premiers jours de 1419, et Paris fut très alarmé par cette reddition, surtout en l'absence du roi, qui était à Lagny. On députa vers lui plusieurs membres du parlement, le président en tête, pour le supplier de rentrer dans sa capitale. Le duc de Bourgogne, le 19 janvier (jour de l'entrée solennelle d'Henri V à Rouen), leur promit de venir défendre Paris et d'y ramener le roi, dès que la ville serait fournie de vivres et mise en état de défense. La moitié des revenus municipaux fut employée à organiser cette défense, et le comte de Saint-Paul fut nommé capitaine-gouverneur. Dans une assemblée du parlement tenue le 3 février, il fut proposé de procéder à l'élection d'un prévôt de Paris ; ce fut Gilles de Clamecy qui fut élu et installé au Châtelet par le premier président. Le 21 février, dans l'assemblée tenue au parlement, il fut résolu que pour défendre et ravitailler la ville on lèverait 200 hommes d'armes et 200 hommes de trait, à la solde desquels on emploierait une aide de 6,000 livres par mois, imposée par le prévôt des marchands, les échevins et les bourgeois. Tout l'hiver se passa en petites escarmouches, tant de la part des Anglais que de celle des Français des deux partis ; enfin la reine et le duc de Bourgogne se résolurent à traiter avec le roi d'Angleterre ou avec le dauphin, et, le 30 mai, le dauphin reçut le baiser de paix du duc de Bourgogne, et Paris témoigna de la joie que lui causait cette réconciliation, mais le 10 septembre de la même année le duc de Bourgogne fut assassiné en présence du dauphin, et de nouveau Paris fut en proie à la guerre civile. Le dauphin écrivit de suite à
la ville pour se disculper de l'assassinat, mais les Parisiens n'eurent
aucun égard à ses lettres, et, le 11 septembre, le La fureur du peuple fut telle qu'il était prêt à massacrer tous les partisans du dauphin et il fallut qu'on publiât, par ordre du roi, la défense de faire violence à personne, sous peine de mort. Un second édit prescrivit à tous les Parisiens de porter la croix de Saint-André sur leurs vêtements. Toute la ville en deuil témoigna de son extrême douleur de la perte du duc de Bourgogne, et un service solennel fut célébré à Notre-Dame. Il y avait un luminaire de 3,000 livres de cire. Toutes les autres paroisses de Paris célébrèrent aussi un service les unes après les autres. Ces malheureuses dissensions arrêtaient les travaux, nuisaient considérablement au commerce de la ville, et la misère fut excessive pendant l'année 1419. Dès le mois de mars, le blé était monté à un prix si excessif (il et 42 francs d'or le setier) que le menu peuple se vit dans l'obligation de manger du pain de noix. A la cherté du blé s'était jointe celle du bois ; l'hiver était rigoureux et, pour se chauffer, on brûla les arbres fruitiers et jusqu'aux solives des maisons: Voici au reste le tableau que fit de la misère publique un historien du temps : « On entendait continuellement à Paris piteux plains, piteux crys, piteuses lamentations et petits enfans crier : Je me meurs de faim ! Sur les fumiers, parmi Paris, pussiez trouver, cy 10, cy 20 ou 30 enfants fils et filles, qui là mouroient de faim et de froit ; et n'estoit si dur coeur, qui par nuyt les ouist crier : Hélas ! je meurs de faim ! etc. A Pasques, ung bon boeuf coustoit 200 francs ou plus, ung bon veel (veau) 12 francs ; ung pourcel 16 ou 20 francs, ung cent d'eufs coustoit 1.6 sous parisis... Il fit le plus long hiver que homme eust vu passé avoit quarante ans ; car les foiries de Pasques il négeoit, il geloit et faisoit toute la douleur de froit que on pouvoit penser. Et en vérité, quand ce vint sur les doux temps comme en avril, ceux qui avoient fait leurs buvaiges comme dépences de pommes ou de prunelles, quand plus n'y en avoit, ils vuidoient leurs pommes ou leurs prunelles en my la rue en intention que les porcs de Saint-Antoine les mangeassent ; mais les porcs n'y venoient pas à temps, car aussitôt qu'elles estoient gettées, ils estoient prinses des povres gens de femme et d'enfans, qui les mangeoient par grand saveur. Ils mangeoient ce que les pourceaux ne daignoient manger, trongnons de choux sans pain ni sans cuire, les herbettes des champs sans pain et sans sel. » Les exactions, les barbaries des gens de guerre s'ajoutaient à ces malheurs ; les Anglais maîtres de Pontoise tenaient Paris dans de continuelles alarmes et n'y laissaient entrer aucun approvisionnement. Des troupes anglaises étaient logées à Argenteuil, à Saint-Ouen, et, conduites par le duc de Clarence, elles venaient jusqu'aux portes de la capitale faire des courses et enlever tout ce qu'elles rencontraient. Pendant ce temps, le roi était à Troyes, où il attendait le résultat des négociations.
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