Mode, costumes a Paris
Cette rubrique vous invite à découvrir la mode, le costume, le vêtement d'autrefois à Paris, consignant les modes des Parisiens d'antan, leurs costumes, leurs robes, leurs vêtements, chapeaux, gants, chaussures, gilets, corset, jupons, pantalon, jupes, les accessoires tels que l'ombrelle, le parapluie, le sac, les lunettes etc., ou encore les coiffures.
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L'AURORE DU XIXe SIÈCLE
(D'après Les Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)

Que penser de cette égalité de parures, de ces promenades journalières, de cette fréquentation assidue des spectacles ? Elles occupent presque toutes les

places, et on les retrouve encore la nuit à la clarté des illuminations. Le Pactole roule-t-il ses eaux au milieu de Paris ? Qui paye tous ces plaisirs ? La capitale renferme-t-elle plus de millionnaires qu'aucune autre ville du monde, et les femmes y sont-elles les seules de l'univers qui jouissent du privilège de se divertir sans cesse et de ne point travailler ?

Lire des romans, danser, ne rien faire, sont les trois règles de conduite qu'elles observent scrupuleusement... Il y a vingt ans, les jeunes filles n'auraient pas hasardé un seul pas hors de la maison paternelle sans leurs mères ; elles ne marchaient que sous leurs ailes, et les yeux religieusement baissés ; l'homme qu'elles osaient regarder était celui qu'on leur permettait d'espérer ou de choisir pour époux. La Révolution a changé cette subordination ; elles courent matin et soir en pleine liberté. Se promener, jouer, rire, tirer les cartes, se disputer les adorateurs, voilà leur unique occupation.

Plus de ciseaux, plus de dés ; elles ne connaissent d'autres piqûres que celles

que décoche l'arc du petit dieu ailé, et ces piqures sont encore légères ; à peine sorties de l'enfance, elles sont plutôt guéries que blessées. .... Il n'y a point de promenade, – écrit comme un trait final l'observateur parisien, – où on ne voie des enfants de près de deux ans, mollement assis sur des genoux de dix-huit... Combien un ruban, un chapeau de fleurs, une robe à paillettes, deviennent des objets de puissante séduction, dans une ville où les bals sont en permanence, où les vierges de douze ans vont très souvent seules, où le violon des maîtres de danse est leur unique directeur ! La débauche est prise pour de l'amour ; la débauche est érigée en système, et des unions précoces nous préparent une génération affaiblie. »


C'est certainement là un des meilleurs écrits de ce minutieux annotateur Sébastien Mercier, et il fixe mieux que beaucoup d'autres l'état des mœurs aux premiers jours du Consulat, alors que le libertinage créé par le Directoire était encore à son apogée. La société francaise trouva un réorganisateur dans Bonaparte, qui sut discipliner la liberté licencieuse dont la population était repue, en fondant le droit civil, cent fois plus précieux pour la nation que le droit politique.

La France revint à toutes ses traditions religieuses et intellectuelles ; elle se releva sous la certitude absolue d'un lendemain. Après le 18 Brumaire, l'empire spirituel des femmes reprit peu à peu sa souveraineté

douce et consolante dans les sphères mondaines ; les salons revinrent en honneur, la conversation eut son tour : on causa près de huit années. Depuis la conversation était exilée de son pays d'origine.

Ce retour aux usages, aux entretiens de la bonne compagnie eut lieu à la fois clans divers foyers, à la cour consulaire, dans le salon de Joséphine et surtout chez Mmes de Staël et Récamier. Tandis que Bonaparte reconstituait solidement l'édifice social, l'ex Mme de Beauharnais attirait à ses fêtes toutes les forces vives de l'intelligence, ainsi que les représentants autorisés de la France nouvelle ; elle accueillait autour d'elle les compagnons de gloire de son mari, ainsi que les artistes, les savants et les membres de l'Institut. Alors que le vainqueur de Lodi gouvernait, elle régnait par la grâce ou plutôt elle charmait par sa bonté conciliante, par ses manières un peu frivoles et ses coquetteries innées.

Le salon de Mlle Bonaparte aux Tuileries ne fut guère ouvert qu'en ventôse an VIII ; les femmes qui le composèrent, à cette époque de consulat préparatoire, étaient, selon Mme d'Abrantès : « Mme de La Rochefoucauld, petite bossue, bonne personne, quoique spirituelle, et parente de la maîtresse de céans ; Mme de La Valette, douce, bonne et toujours jolie ; Mme de Lameth, un peu sphérique et

barbue ; Mme Delaplace, qui faisait tout géométriquement, jusqu'à ses révérences pour plaire à son mari ; Mme de Luçay; Mme de Lauriston, toujours égale dans son accueil et généralement aimée ; Mme de Rémusat, femme supérieure (dont on connaît et apprécie les très curieux Mémoires ); Mme de Thalouet, qui se rappelait trop qu'elle avait été jolie et pas assez qu'elle ne l'était plus ; Mme d'Harville, impolie par système et polie par hasard. »

Telle était, d'après la malicieuse et bavarde épouse de Junot, la composition première de l'entourage de Joséphine ; mais bientôt d'autres femmes, jeunes, jolies, aimables, ne tardèrent pas à venir briller aux Tuileries. De ce nombre étaient : Mme Lannes, une beauté dans toute sa splendeur ; Mme Savary, plus jolie que belle, mais élégante jusqu'à l'extravagance ; Mme Mortier, future duchesse de Trévise, douce et touchante ; Mme Bessières, gaie, égale d'humeur, coquette et d'une réelle distinction; Mlle de Beauharnais, dont chacun aujourd'hui a appris à connaître les mérites et l'histoire ; Mme de Montesson, qui tenait salon avec manificence et dont les dîners du mercredi étaient alors excessivement recherchés pour leur service hors ligne ; enfin nombre de dames jeunes et presque toutes spirituelles dont la nomenclature risquerait d'être interminable.

La société des Tuileries était trop officielle ; c'est à la Malmaison que l'on

Les Galeries de Bois du Palais Royal, 1803
retrouvait l'intimité des petits cercles rieurs et les causeries délassantes. On y jouait la comédie, on y prenait ses plaisirs comme l'ancienne cour à Trianon ; après le dîner, le Premier Consul ne dédaignait pas de faire une partie de barres avec ses aides de camp ou de se faire banquier au jeu du vingt-et-un. La Malmaison, c'était le séjour favori de Joséphine ; elle aimait s'y promener avec ses compagnes au milieu des kiosques, des bergeries, des chaumières, autour des petits lacs où les cygnes noirs et blancs apportaient la vie. Dans cette simple maison, d'où le grand luxe était exclu, elle vivait selon son cœur, loin des tracas de cette cour naissante qui lui était imposée par l'ambition de son maître, ne se cloutant pas encore qu'un jour prochain viendrait où l'a raison d'État la conduirait dans cette paisible retraite, comme dans un caveau d'exil, après un divorce éclatant et cruel.

Le salon de Mme de Staël, avant qu'elle quittât Paris par ordre de Bonaparte, qui favorisa si peu sa plus sincère admiratrice, était plutôt une sorte de bureau d'esprit, un véritable salon de conversation ; on en retrouvera bien des aspects dans le roman de Delphine.

« Elle recevait beaucoup de monde, dit Mme de Rémusat ; on traitait chez elle avec liberté toutes les questions politiques. Louis Bonaparte : fort jeune, la visitait quelquefois et prenait plaisir à la conversation ; son frère s'en inquiéta, lui défendit cette société et le fit surveiller. On y voyait des gens de lettres, des publicistes, des hommes de la Révolution, des grands seigneurs. Cette femme, disait le Premier Consul, apprend à penser à ceux qui ne s'en aviseraient point ou qui l'avaient oublié. »

Mme de Staël avait le goût des conversations animées et poussait ce goût jusque sur les discussions auxquelles elle ne prenait point part : « On l'amusait, écrit le duc de Broglie, en soutenant avec vivacité toutes sortes d'opinions singulières, et chacun s'en donnait le plaisir. On se battait à outrance dans sa société, il se portait d'énormes coups d'épée, mais personne n'en gardait le souvenir... Son salon était cette salle d'Odin, dans le paradis des Scandinaves, où les guerriers tués se relèvent sur leurs pieds et recommencent à se battre. »

 


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