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HISTOIRE
DE PARIS
(D'après Paris
à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens
depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours,
paru en 1879)
Philippe III. — Pierre de Brosse au gibet de Montfaucon. — Lycée Saint Louis ancien Collège d'Harcourt. — Juif Jonathas, Eglise des Billettes — Philippe IV le Bel. — La basoche. — L'écolier pendu. — Les états généraux. — Le Temple. — Le procès des Templiers. — Leur exécution. — Les fêtes de la chevalerie. — La tour de Nesle. — Nourriture et costumes. — Les lieux d'exécution. — Les fêtes de la chevalerie. — La Tour de Nesle. — Nourriture et costumes. — Les lieux d’exécutions. La rentrée de Philippe III, fils et successeur de Louis IX à Paris en 1271, fut peu brillante. Ce prince ramenait avec lui cinq cercueils : ceux de son père, de son frère, de son beau-frère, de sa femme et de son fils ! Le nouveau roi voulut porter lui-même sur ses épaules, le cercueil de son père depuis Paris jusqu'à Saint-Denis. Il fut obligé de se reposer plusieurs fois, et en souvenir de cette marque de piété filiale, on fit élever sur le chemin de Saint-Denis, aux endroits où il s'était arrêté, des croix de pierre qui subsistèrent pendant plusieurs siècles. Le retour de Philippe en France marqua le terme des croisades, expéditions désastreuses qu'un zèle peu éclairé put seul conseiller et qui coûtèrent à la France des sommes considérables et un grand nombre d'hommes. Le résultat peu satisfaisant de la dernière causa à Paris, une grande tristesse ; on comprit qu'il fallait travailler à réparer les pertes éprouvées et l'essor imprimé par saint Louis aux constructions d'établissements de tous genres s'arrêta. Peu de changements dans la ville pendant ces quinze années de règne. En 1274, Gérard, abbé de Saint-Germain-des-Prés, fit faire pour le faubourg Saint-Germain, une boucherie de seize étaux (dans la rue qui prit le nom de rue des Boucheries), à condition que les bouchers paieraient dix livres tournois à l'abbé et dix autres à l'abbaye.Quelques écrivains ont cru que ce fut en cette même année, ou en 1273, que fut élevée la fontaine des Innocents ; elle existait déjà à cette époque dans la rue au Feurre ou au Fouarre (paille) et qui fut appelée par corruption rue aux Fers. Mais cette fontaine dont il est fait mention dans des lettres patentes de Philippe III, était à peu près tombée en ruines lorsqu'elle fut rebâtie en 1550 par Pierre Lescot, ainsi qu'on le verra plus loin. Les cabaretiers étaient obligés d'avoir chacun un crieur et de payer une rente au roi. Chaque fois qu'ils mettaient une pièce nouvelle en perce ; ils devaient la faire annoncer par cri et payer l'impôt ; le fermier des impôts se renseignait auprès des crieurs qui devinrent bientôt ses auxiliaires ; les cabaretiers se fâchèrent et en 1274, ils refusèrent de payer le droit et menacèrent les Parisiens de les priver de vin. Les échevins intervinrent ; on plaida, les cabaretiers gagnèrent leur procès et furent déchargés du droit ; mais en 1275, le parlement révoqua l'arrêt de 1274 et les cabaretiers durent se soumettre à payer l'impôt. Ils se vengèrent en mettant plus d'eau dans le vin qu'ils vendaient. Mais ils gagnèrent gros en 1275 ; le roi se maria avec la princesse Marie de Brabant, et les réjouissances publiques qui se firent à cette occasion, se traduisirent par une grande consommation de pots de vin. La gaieté fut cependant de courte durée ; le roi perdit son fils aîné, Louis, qu'il avait eu de son premier mariage et le chirurgien Pierre de Labrosse, son chambellan, accusa la jeune reine de l'avoir fait empoisonner. Dès que le bruit s'en répandit, ce crime odieux partagea immédiatement les Parisiens en deux camps ; ceux qui croyaient à la culpabilité de la reine et ceux qui la niaient. Quant au roi, il aimait sa femme et la croyait incapable d'un tel forfait. Des seigneurs de son entourage affirmèrent que Pierre de Labrosse avait accusé la reine par jalousie, attendu qu'accoutumé à jouir seul de la confiance du roi, il trouvait mauvais que la reine obtînt des grâces dont il était habituellement le dispensateur et que c'était lui, Labrosse, le véritable empoisonneur. Ce fut alors que la curiosité publique fut surexcitée ! Vérifier d'abord s'il y avait empoisonnement eût été le premier soin à prendre, mais à cette époque, on jugea plus utile de s'en rapporter pour connaître la vérité, au duel judiciaire. La reine soutint que Labrosse était un empoisonneur, que tous ceux qui avaient assisté le jeune prince pendant sa maladie étaient des créatures du chambellan, et peut-être des complices ; et elle demanda qu'on les appliquât à la torture. Le duc Jean, frère de la reine arriva pour soutenir en champ clos l'innocence de sa soeur et lui servir de champion s'il se presentait un accusateur ; s'il succombait, la reine devait être brûlée vive. Philippe était très perplexe ; il aimait sa femme et se refusait à la croire coupable d'un crime si abominable ; d'un autre côté, il connaissait Labrosse pour un honnête homme. Avant d'ordonner le combat judiciaire il voulut se renseigner. On lui indiqua une béguine du Brabant, célèbre dans le pays par ses révélations. Vite le roi lui dépêcha l'évêque d'Evreux pour connaître d'elle la vérité. Il revint, le roi l'interrogea avec anxiété, mais l'évêque répondit qu'il avait
Sur ces entrefaites, un homme tomba malade dans un couvent de Melun après avoir confié à un religieux une lettre qui devait être remise aux mains du roi ; le religieux s'acquitta de la commission. Le roi lut la lettre, la communiqua à son conseil qui, à l'écriture et au sceau qui la fermait, n'hésita pas à l'attribuer à Pierre de Labrosse. Immédiatement il fut accusé de haute trahison, convaincu d'intelligence avec les ennemis de la France, de vol, de péculat, de tous les crimes imaginables — excepté celui qui servait de prétexte à tous les autres, et finalement condamné à être pendu. Ce fut la première exécution que l'histoire mentionne comme ayant eu lieu au gibet de Montfaucon. Cependant il est certain que ce gibet existait auparavant. Montfaucon était une éminence située au-delà du faubourg Saint-Martin et du faubourg du Temple (butte Saint-Chaumont). Piganiol de La Force prétend que le mot de gibet vient de gibel (montagne), et qu'on a donné ce nom aux lieux patibulaires qui étaient ordinairement élevés, de façon que les exécutions se vissent de plus loin et que la vue du supplice fut d'un salutaire exemple. Quoiqu'il en soit, ce monticule appartenait à un seigneur du nom de Faucon, et de là prit le nom de Montfaucon ; et en 1233 et en 1249, des actes signalent l'existence du gibet. En 1270 on lit dans le roman de Berte aux grands pieds (ce roman fut composé par Adenez dit Adam le Roi, trouvère qui vivait à la cour de Philippe le Hardi) qu'un certain Tybert fut pendu aux fourches de Montfaucon. Toutefois, il est bon de noter que Pierre de Labrosse avait été l'un de ceux qui ordonnèrent qu'il fût réparé. Or, voici ce qu'était le gibet de Montfaucon une masse de pierre surmontée de seize piliers à laquelle on arrivait par une rampe faite de blocs de pierre et que fermait une porte solide. Cette masse haute de dix mètres environ, longue de vingt, large de quinze à dix-huit, avait la forme d'un parallélogramme, et était composée de dix ou douze assises de grosses pierres, bien cimentées entre elles. Sur ce carré long, compact, s'élevaient des piliers gros, carrés et ayant chacun dix à onze mètres de hauteur. Pour joindre ensemble ces piliers et y attacher, les corps des suppliciés, on avait enclavé dans leurs chaperons, à moitié de leur hauteur et de leur sommet, de grosses poutres de bois qui traversaient de l'un à l'autre et supportaient des chaînes de fer longues de 1m 50. Contre les piliers étaient toujours dressées de longues échelles, destinées à monter le patient au gibet. Au milieu de la masse sur laquelle se trouvaient les piliers, une cave était ménagée pour recevoir le corps des suppliciés qui devaient y rester jusqu'à destruction entière des squelettes. Mais c'était là que venaient s'approvisionner de cadavres les devins elles magiciens, et en 1407 le parlement donna mission au prévôt de Paris de poursuivre activement les individus qui dépouillaient les gibets des charognes de ceux qui y avaient été pendus. « Les cadavres exposés à Montfaucon, dit M. Firmin Maillard dans la monographie qu'il a consacrée à ce lieu patibulaire, étaient toujours recouverts de vêtements, et, sous aucun prétexte, ne devaient en être dépouillés. » Non seulement on n'enlevait pas leurs vêtements aux gens condamnés à être pendus, mais même on en donnait à ceux qui en manquaient. On lit dans le compte d'un tourmenteur juré : « Pour une braye neuve baillée à Robinet Lermite de la garnison de Compiègne, ce dit jour exécuté les dites halles, qui n'en avait point, deux sols parisis. » Reprenons la suite des renseignements que nous puisons dans l'ouvrage de M. Firmin Maillard. « Les corps des individus qu'on avait décapités ou fait bouillir sur une des places de Paris et qu'on exposait ensuite aux fourches patibulaires étaient, ou pendus par les aisselles ou renfermés dans des sacs de treillis ou de cuir, sacs que l'on suspendait aux chaînes de fer du gibet. Quant au mode de transfert des condamnés, il n'était pas uniforme : c'était tantôt à pied, tantôt à cheval ; celui-ci dans une charrette, celui-là sur une claie seulement. Misérable ou grand seigneur, tous subissaient le cérémonial de cette lugubre promenade ; la tête nue quelquefois, mais ce n'était pas l'habitude, les mains liées, le patient partait du Châtelet accompagné de son confesseur, d'un lieutenant criminel, etc. etc, ainsi que d'un certain nombre de sergents du Châtelet et d'archers. Arrivé devant le couvent des Filles-Dieu, le cortège s'arrêtait et le condamné était conduit dans la cour, auprès d'un grand crucifix de bois adossé à l'église du couvent et recouvert d'un dais. Là, l'aumônier des Filles-Dieu récitait quelques prières, lui jetait de l'eau bénite et lui faisait baiser le crucifix ; les religieuses lui donnaient alors trois morceaux de pain et un verre de vin. C'était « le dernier morceau du patient ». S'il mangeait avec appétit, on en augurait bien pour son âme. Cela terminé, le cortège se remettait en marche et ne s'arrêtait plus que devant la croix de Pierre de Craon où le condamné faisait sa dernière prière et était immédiatement après livré au bourreau. Après s'être assuré qu'il avait rendu le dernier soupir, les divers officiers, le prêtre qui l'avaient accompagné se hâtaient de revenir au Châtelet où les attendait un repas payé par la ville ; le prêtre recevait en outre un salaire pour frais de déplacement. » Les pendus répandaient dans l'air une odeur si insupportable, que lorsqu'on enterra Louise de Savoie en 1532, on fut obligé de dégarnir toutes les potences placées sur le trajet du convoi. Pierre de Labrosse condamné à être pendu fut donc exécuté à Montfaucon le 30 juin 1278 de grand matin, avant le lever du soleil et devant un grand nombre de personnes de tout rang ; le duc de Bourgogne, le duc de Brabant, le comte d'Artois et plusieurs autres barons voulurent assister à cette triste cérémonie ; et le peuple de Paris qui, généralement, ne croyait pas à la culpabilité du condamné, manifestait son étonnement de voir « un homme de si haut état dévalé et abaissé tant bas ». L'affluence était considérable, et chacun était aise de savoir comment il mourrait. Après que le bourreau lui eût mis la corde au cou, il lui demanda s'il voulait parler : — Je n'ai rien à dire, répondit Pierre de Labrosse. Alors le bourreau ôta l'échelle et le laissa aller, et chacun put voir la vilaine grimace de ce malheureux qui se balança dans le vide. Une complainte fut chantée dans Paris quelques jours après l'exécution ; l'histoire l'a conservée jusqu'à notre époque. En cette même année 1278, fut fondée la confrérie des chirurgiens, création utile qui était le germe de l'école de chirurgie. Les statuts et règlements furent rédigés par son fondateur Jean Pitard, chirurgien du roi, un homme recommandable par sa probité et par son habileté dans la chirurgie. Cette confrérie eut deux objets : la perfection de l'art chirurgical et l'exercice des oeuvres de charité et de piété. Les chirurgiens qui en faisaient partie visitaient le premier lundi de chaque mois, après la messe, tous les malades qui se présentaient à la maison de Saint-Côme, située rue des Cordeliers (École de Médecine) dont nous avons parlé. Tous les confrères étaient solidaires des principes de théorie et d'application qui étaient ceux de la confrérie qui, en 1437, fut agrégée à l'Université. En 1555, Nicolas Langlois, ancien prévôt, laissa un fonds dont le produit fournit une rétribution aux officiers en charge et aux douze premiers maîtres. Enfin en 1560, Claude Versoris, curé de Saint-Côme, autorisa la confrérie à construire, contigu à son église, un bâtiment servant de clinique. Les membres de cette confrérie prenaient le titre de chirurgiens de longue robe, par opposition aux chirurgiens de robe courte, nom sous le quel on désignait les chirurgiens barbiers établis en communauté. De longs procès eurent lieu au XVIe siècle entre ces deux associations ; mais en 1699, Charles-François Félix premier chirurgien du roi et son premier barbier, fit de nouveaux règlements pour le corps entier des chirurgiens. Un arrêt du conseil du roi du 2 août 1699 les approuva, de sorte que jusqu'à la révolution de 1789, il n'y eut plus à Paris qu'une seule communauté de chirurgiens sous la direction du premier chirurgien du roi, de son lieutenant, prévôt perpétuel et de quatre prévôts électifs. La maison de Saint-Côme fut rebâtie en 1691. Quant à l'église, supprimée en 1790, elle fut vendue ainsi que son cimetière, le 12 nivôse an V. Un nouveau collège fut aussi établi à Paris rue de la Harpe, en 1280, par un chanoine de l'Église de Paris, Raoul d'Harcourt, appartenant à une ancienne famille de Normandie, en faveur de pauvres écoliers des diocèses de Coutances, Bayeux, Évreux et Rouen, mais il mourut avant l'achèvement des constructions et ce fut son frère Robert, évêque de Coutances, qui acheva l'oeuvre et voulut que le collège fut destiné à vingt-huit boursiers étudiant les arts et la philosophie et à douze étudiant la théologie ; les premiers recevaient trois sous par semaine pour leur entretien et les seconds cinq sous. Les bâtiments primitifs furent démolis et reconstruits en 1675 ; on remarquait dans les nouveaux la porte d'entrée, riche en sculptures et sur laquelle on lisait le nom du proviseur Thomas Fortin et celui du docteur d'Harcourt avec la date 1675. En même temps qu'on refit les bâtiments, on éleva une chapelle au fond de la cour du collège et ce fut Nicolas Colbert, alors coadjuteur de l'archevêque de Rouen, qui en posa la première pierre. Supprimé en 1790, le collège d'Harcourt servit quelque temps de prison et fut démoli. Sur son emplacement, Napoléon Ier ordonna de construire un lycée pour 400 internes ; les travaux ne furent commencés qu'en 1814 et le lycée fut ouvert en 1820, sous le nom de collège Saint-Louis. Quelques années plus tard, les bâtiments furent notablement étendus et le lycée fut doté d'une nouvelle façade. En 1849, il fut appelé lycée Monge, il reprit son nom de Saint-Louis sous le second empire et l'a conservé depuis. Tandis que Jean Pitard d'un côté et Raoul d'Harcourt de l'autre, s'occupaient du sort des écoliers en chirurgie, en philosophie et en théologie, ceux-ci continuaient à se livrer à leurs habitudes tapageuses ; pendant le printemps de 1278, Gérard de Moret, abbé de Saint-Germain-des-Prés, ayant fait élever des murs sur le chemin qui conduisait au Préaux-Clercs, les écoliers prétendirent que les religieux avaient rétréci leur chemin et le vendredi 12 mai, ils arrivèrent par bandes serrées, des bâtons à la main et, se ruant sur les murs à peine achevés, ils les démolirent facilement. Gérard de Moret voulant réprimer
ce désordre eut la fâcheuse idée de faire sonner le
tocsin. Aussitôt, les vassaux de l'abbaye accoururent, se rangèrent
en bataille et, conduits par les moines, se précipitèrent
sur les écoliers en criant : Tue ! tue ! Ceux-ci ainsi attaqués
à coups d'épées, de couteaux et de massues furent
blessés en grand nombre ; Gérard de Dôle, bachelier
ès arts, fut blessé mortellement, Jourdain le scelleur fut
tué à coups de flèches et de bâton et Adam
de Pontoise fut frappé à la tête d'un coup de masse
de fer qui lui enleva un oeil. Pendant la mêlée, l'abbé
avait fait fermer et garder les trois portes de la ville qui donnaient
dans le bourg Saint-Germain, de façon que les écoliers restés
dans la ville ne pussent avec de nouvelles forces, venir au secours de
leurs camarades. On juge de l'émotion qui se produisit dans Paris à l'issue de cette lutte meurtrière. Les écoliers se mirent à parcourir le quartier des écoles depuis la rue du Fouare jusqu'au sommet de la montagne Sainte-Geneviève, montrant la trace des horions qu'ils avaient reçus et demandant vengeance. L'Université toute entière s'ébranla comme un seul homme : clercs, docteurs, disciples, maîtres se levèrent
Tous ces griefs étaient soigneusement détaillés dans une plainte que le recteur remit au légat, en lui signifiant que si dans la quinzaine justice n'était pas rendue à l'Université, elle serait obligée de suspendre ses cours, « seul remède que de pauvres étrangers et sans armes, tels qu'ils étaient, puissent opposer à ceux du pays ». Le légat savait à quoi s'en tenir sur le compte de ces innocentes victimes qui avaient failli étrangler un de ses prédécesseurs, mais cette fois, il n'y avait pas à discuter de quel côté étaient les torts ; si les écoliers s'étaient permis d'abattre un mur, cela n'autorisait pas le meurtre de Gérard de Dôle et de Jourdain le scelleur ; le légat condamna donc Étienne de Pontoise, prévôt de l'abbaye, comme coupable ou complice de ces homicides, à être chassé de l'abbaye de Saint-Germain et enfermé pendant cinq ans dans un petit monastère de l'ordre de Cluny. De son côté, Philippe le Hardi fit examiner l'affaire en son conseil étroit qui, le roi présent, condamna l'abbé et les religieux à fonder deux chapellenies de vingt livres parisis de rente chacune, dont l'Université aurait le patronage ; l'une dans l'église de Sainte Catherine du Val des Ecoliers pour Gérard de Dôle qui y serait enterré, l'autre dans la chapelle de Saint Martin des Orges, près des murs de l'abbaye, où fut enterré Jourdain le scelleur, ce qui faisait passer cette chapelle dans le domaine de l'Université. Depuis lors, tous les écoliers adoptèrent la coutume d'aller y entendre la messe les jours de congé avant de prendre leur divertissement dans le pré. L'abbé et les religieux furent en outre condamnés à payer deux cents livres pour les réparations à faire à la chapelle Saint-Martin, deux cents livres au père de Jourdain, quatre cents livres aux parents de Gérard de Dôle et deux cents livres au recteur de l'Université, pour être distribuées aux régents et aux pauvres écoliers. Dix des plus coupables parmi les vassaux de l'abbaye furent bannis du royaume jusqu'à ce qu'il plût au roi de les rappeler et six autres furent exilés de Paris jusqu'à la Toussaint. Les tourelles bâties sur la porte de l'abbaye, du côté du pré, furent rasées jusqu'à la hauteur des murailles et le chemin qui conduisait au pré, devint la propriété de l'Université. On le voit, la réparation avait été complète, et l'Université avait obtenu pleine et entière justice. Nous dirons avec l'un des auteurs des rues de Paris : « C'était en vérité une singulière institution que l'Université de Paris au moyen âge ! n'est-il pas bizarre de voir ce vaste corps, d'où sortirent tant de personnages recommandables, tout ensemble par leur savoir, leurs vertus, leur piété, ce corps qui donna à la France ses ministres les plus capables, à l'église ses prélats les plus illustres, composé d'une cohue inouïe de joyeux pauvres diables sans chausses le plus souvent et le ventre creux, mais portant fièrement la dague malgré les ordonnances, bons compagnons mais toujours prêts à dégainer, disputant à l'école sur les propriétés du vin de Brie, mais en revanche ergotant au cabaret sur les catégories d'Aristote. Quant au reste, il n'en faut pas parler. Les fredaines des étudiants de nos jours ne sont qu'un bien pâle reflet des bruyantes orgies du Pré-aux-Clercs, orgies de toutes les heures, orgies de jour et de nuit, accessibles seulement aux initiés, aux clercs, et où n'aurait osé se risquer quiconque n'eût pu se faire reconnaître par quelque mystérieux Shiboleth. » En 1280-1281, les habitants de Paris souffrirent cruellement d'une inondation terrible, qui isola, pour ainsi dire, la ville au milieu de l'eau. Tous les ponts furent renversés où tout au moins considérablement endommagés ; la grande arche et plusieurs autres parties du Petit-Pont furent emportées. Le Grand-Pont eut six arches détruites et, pour le conserver, il fallut séparer les moulins flottants qui s'y trouvaient attachés et qui étaient la propriété des églises de Saint-Merri et de Sainte-Opportune. Le chapitre de Notre-Dame irrité de ce dommage forcé, suspendit l'office divin pour punir les auteurs de cette séparation nécessaire. Les ponts ruinés étaient en bois ; ils furent reconstruits de la même manière et ce ne fut qu'en 1378, qu'on se décida à bâtir un pont de pierre. Il paraît qu'à la suite de l'inondation survint une maladie contagieuse. « En 1280, la peste ayant fait périr une partie des Filles Dieu, et le prix du pain étant excessif, l'évêque de Paris en réduisit le nombre à soixante. Les trésoriers du roi ne voulurent plus alors leur payer leur rente de quatre cents livres et la réduisirent à deux cents. » (Ce fut le roi Jean qui, plus tard, leur rendit leurs quatre cents livres, en fixant le nombre des religieuses à cent). Philippe le Hardi, se montra comme son père très hostile aux juifs ; on a vu que Louis IX avait ordonné qu'ils portassent une rouelle jaune sur leur robe ; Philippe fit plus, il rendit contre eux un arrêt qui les obligeait de porter une corne sur leur bonnet, ce qui les mortifia extrêmement, et de s'abstenir de tous vêtements de couleur. Il leur défendit en même temps, de se baigner dans la Seine, de toucher aux vivres dans les marchés, à moins qu'ils ne les achetassent. Défense leur fut encore faite d'avoir d'autre synagogue à Paris que celle de la rue de la Tâcherie et d'autre cimetière que celui de la rue de la Harpe. Il les obligea en outre à observer le carême et les autres jours d'abstinences. Ce fut sous Philippe le Hardi que fut anobli en 1270, le premier Parisien : Baoui « dit l'Orfèvre » argentier du roi, reçut des lettres de noblesse et devint de cette façon, bien que sortant du peuple, l'égal des seigneurs de la cour. Bientôt, Philippe étendit ce privilège à plusieurs de ceux qui se distinguèrent dans les arts. Ces anoblissements par lettres furent, ainsi que l'a dit Châteaubriand, la première attaque portée à la constitution féodale ; d'ailleurs Philippe le montra bien, en rendant une ordonnance qui enjoignait aux gens de justice « de ne pas molester les non nobles qui acquerront des choses féodales ». Avant de raconter ce que fut Paris sous Philippe IV, récapitulons un peu le changement qui s'opéra depuis le règne de Philippe-Auguste. L'aspect de la ville était bien changé. L'enceinte que lui assigna Philippe-Auguste renfermait beaucoup de champs en culture et de vastes espaces sans habitations. Les nombreux édifices religieux et les établissements universitaires crées depuis, remplirent ces terrains vagues. De nouveaux faubourgs se formèrent autour des abbayes laissées en dehors de la ville et une population active et compacte se groupa, soit dans l'intérieur de Paris, soit dans le voisinage du mur d'enceinte. En 1292, Paris avait trente-six églises sans compter la cathédrale. La cité comptait 43 rues et communiquait avec les deux rives au nord par le Grand- Pont appelé Pont-au-Change lorsque les changeurs vinrent s'y établir au IIIe siècle. Il était défendu par la forteresse du Châtelet où résidait le prévôt ; au midi par le Petit-Pont où se trouvait un bureau de péage pour toutes les marchandises entrant dans Paris. Un poste fortifié en défendait l'entrée. Le quartier désigné sous le nom d'Outre-Grand-Pont se divisait en 292 rues et le quartier Outre-Petit-Pont en 76 rues plus 8 qui étaient en dehors de l'enceinte et de celle de Saint-Germain-des-Prés. Les principaux marchés étaient établis sur la rive droite, aux Champeaux et à la place de Grève ; une rangée de pieux ou palées marquait le port de Grève, centre de navigation de la capitale. Le chiffre total de la population s'élevait à 215 86 habitants. On comptait 11 727 contribuables dans le quartier d'Outre-Pont, 1 241 dans la Cité et 2 232 dans le quartier du Petit-Pont. Parmi les hommes remarquables qui professèrent ou écrivirent à Paris, de Philippe-Auguste à Philippe le Bel, on compte Alexandre de Paris (qui le premier fit des vers alexandrins) ; Pierre le Chantre, professeur de théologie ; le chanoine Adam Guarin, abbé de Saint-Victor, auteur de lettre estimées ; Pierre de Poitiers, chancelier de l'église de Paris ; le chanoine Gilles ; le poète Saint-Marcel ; l'historien Guillaume le Breton ; l'archevêque de Cantorbéry, célèbre professeur ; Guillaume de Saint-Amour, l'un des professeurs de Sorbonne ; le théologien saint Bonaventure ; Robert de Sorbon ; l'archevêque de Paris Tempier ; le prévôt Étienne Boileau ; Albert le Grand ; saint Thomas d'Aquin ; Roger Bacon ; J. de Saint-Gilles ; Dudon, Eudes, médecins ; Pitard, chirurgien. Nous avons parlé de ce dernier à
l'occasion de la fondation de l'École de chirurgie ; en 1278, il
demeurait dans la rue près le chevet de la Madeleine( rue de la
Licorne) ; ce fut dans sa maison qu'il fit creuser à ses frais
un puits qu'il livra au public afin de prévenir les maladies engendrées
par l'eau de la Seine qui, en certaines saisons de l'année, était
boueuse et malsaine. Cette maison, rebâtie en 1611, portait encore
à cette époque une vieille inscription ainsi conçue
:
Le buste de Jean Pitard décore le grand amphithéâtre de l'École de médecine. Lorsque, le 6 octobre 1285, Philippe IV, dit le Bel, succéda à son père, les faubourgs de Paris n'étaient point pavés, à l'exception de quatre principaux chemins, celui qui conduisait à Saint-Denis et ceux allant à la porte Baudet, à la porte Saint-Honoré et à la porte Notre-Dame. Les bourgeois prétendaient n'être point obligés d'en paver d'autres, et réunis dans leur Parloir, ils délibérèrent et furent d'avis qu'il y avait, lieu de résister aux exigences du prévôt de Paris qui les voulait forcer à paver. Ils allèrent en justice et obtinrent gain de cause. Sur ces entrefaites, le roi s'était fait sacrer à Reims, le 6 janvier 1286, et avait fait aussitôt après son entrée dans la ville de Paris, en ayant soin, selon la coutume, de se reposer au logis du Roi situé à la léproserie de Saint-Lazare, où il reçut le serment de fidélité et d'obéissance de tous les ordres de la ville. Après quoi le cortège se mit en marche et se rendit au palais en suivant la rue Saint-Denis. Quelques jours plus tard, il y avait grand déploiement de bannières et de drapeaux, les trompettes sonnaient, les hérauts allaient et venaient : c'était le roi Édouard d'Angleterre qui venait rendre hommage au roi de France pour les terres, qu'il possédait dans son royaume. Il y eut à cette occasion un tel luxe de sergents du Châtelet, pour contenir le populaire, toujours friand de la vue des cavalcades de gens de guerre, que le parlement de la Toussaint ordonna au prévôt de se contenter désormais de soixante-dix sergents à pied et de trente-cinq à cheval. Le prévôt obéit, mais quelques années plus tard, le roi augmenta le nombre des sergents qui fut de quatre-vingts à pied et quatre-vingts à cheval, en dehors des douze sergents à pied attachés à la personne du prévôt et qui lui servaient de gardes. On les appelait sergents à la douzaine. En 1288, le 12 novembre, Paris perdit son évêque, Renoul d'Homblières, qui fut remplacé par Anadulphe d'Anagni, prélat italien qui mourut avant d'être sacré ; ce fut alors Simon Matiphas dit de Bussi, ancien juge de l'échiquier de Rouen, qui prit possession du siège de Paris. Cette même année, le parlement de la Pente-côte défendit à qui que ce fût dans Paris de porter des boucliers, épées, couteaux à pointes ou autres armes sous peine d'emprisonnement.
Il venait d'exclure les ecclésiastiques du parlement et des tribunaux et de défendre qu'aucun juif fut arrêté sur la simple réquisition d'un moine. Et ces diverses ordonnances approuvées par les uns, vivement combattues par les autres excitaient une certaine agitation, habilement entretenue par les nombreux moines qui pullulaient à Paris ; cependant, un nouvel établissement de religieuses fut fondé à cette même époque. En 1284, des cordelières étaient venues de Troyes à Paris, solliciter Marguerite de Provence, veuve de saint Louis, afin d'obtenir d'elle le moyen de se fixer à Paris, mais elles ne s'y installèrent qu'en 1287, dans trois maisons du faubourg Saint-Marcel, qui leur furent données par Gallien de Poix, chanoine de Saint-Orner. Marguerite de Provence, leur versa de son côté les fonds nécessaires pour bâtir une quatrième maison attenante aux autres et une chapelle. Le tout prit le titre d'abbaye des Cordelières ; quelque temps après Marguerite de Provence s'y retira et y mourut le 7 juin 1322. En 1497, l'église fut réparée et le grand autel bâti. L'église et le couvent furent supprimés lors de la révolution de 1789 et démolis ensuite. La haine que les prêtres portaient aux juifs se manifesta en 1290, par un événement qui fit un bruit considérable à Paris. Une femme ayant besoin d'argent, emprunta un demi-marc à un juif nommé Jonathas, et lui laissa en gage quelques vêtements qu'elle le pria de lui prêter pour la fête de Pâques, afin de pouvoir s'habiller convenablement, promettant de les lui rendre le lendemain. Le juif n'y consentit pas, mais il lui proposa un marché : sa débitrice lui procurerait une hostie consacrée et en échange, il lui ferait remise de sa dette et lui rendrait son gage. La femme accepta ce marché. Elle se rendit le jour de Pâques à l'église à la première heure, reçut l'hostie et la porta au juif qui ne l'eût pas plutôt en sa possession, qu'il la perça de plusieurs coups de canif. Soudain, Jonathas vit que le sang sortait en abondance de l'hostie. Cela ne l'arrêta pas, il prit un clou et la transperça, le sang coula de plus en plus. La femme et les enfants du juif, témoins du sacrilège, jetèrent des cris et voulurent arrêter la fureur de Jonathas, mais celui-ci prit l'hostie toute sanglante et la jeta au feu ; elle en sortit et se mit à voltiger de côté et d'autre dans la chambre ; il la plongea alors dans une chaudière d'eau bouillante qui se rougit de sang bien que l'hostie n'en reçût aucun dommage. Pour le coup, on ne pouvait douter de la vertu surnaturelle de l'hostie. Devant ce dernier prodige, la femme du juif se retira en larmes dans sa chambre, mais son fils, surpris par tout ce qu'il avait vu, n'eut rien de plus pressé que de sortir de la maison et s'adressant à des bourgeois qui se rendaient à la messe, il leur cria — « C'est en vain que vous allez adorer votre Dieu, mon père l'a tué. » La plupart ne firent pas attention aux paroles de l'enfant et continuèrent leur chemin, mais une voisine qui avait entendu le propos entra chez Jonathas sous prétexte de lui demander du feu et, témoin elle-même de l'inutilité des efforts que faisait celui-ci pour anéantir l'hostie, elle la recueillit de son consentement dans sa robe et la plaçant ensuite dans un vase de bois, elle se hâta de sortir et de la porter au curé de Saint-Jean-en-Grève, à qui elle raconta ce qui venait de se passer. Le premier soin du curé fut à son tour d'avertir l'évêque de Paris qui, immédiatement, donna l'ordre d'arrêter le juif. Celui-ci avoua son crime ; l'évêque essaya alors de le convertir, mais le juif s'y refusa obstinément et fut condamné sur l'heure à être brûlé vif devant sa maison, ce qui eut lieu à la grande satisfaction du peuple qui n'aimait pas les juifs et qui, rendu furieux par le crime, pénétra de vive force dans la maison de Jonathas et brisa tout. Tel est ce récit que rapportent les historiens du temps et il est permis à bon droit d'en suspecter la véracité des détails ; car pour rester dans la discussion des faits discutables, on se demande comment la débitrice du juif avait pu conserver l'hostie consacrée et comment il se fit qu'elle ne fut pas inquiétée pour l'avoir livrée à son débiteur, ce qui était un sacrilège non moins punissable que l'action criminelle du juif. En somme, tout reposa sur le récit qu'alla faire la voisine au curé et on lit dans certaines relations que ce fut le peuple exaspéré qui, instruit de la profanation dont on accusait Jonathas, se porta en foule chez lui, le tira de sa maison et le brûla vif. Rien ne serait donc moins prouvé que l'aveu du crime, et la version de la voisine put bien avoir été un conte fait à dessein pour perdre le malheureux Jonathas qui était riche et dont les biens excitaient la convoitise. Quoi qu'il en soit, la propriété de la rue des Jardins et tout ce que possédait Jonathas furent confisqués au profit du roi. La maison où le crime avait été commis fut donnée par Philippe le Bel à Reinier Flameng, bourgeois de Paris, qui fit construire sur son emplacement une chapelle qu'on nomma la maison des Miracles ; cette fondation fut autorisée par bulle du pape du 17 juillet 1195. Le musée de Cluny est en possession d'un insigne processionnel provenant de cette chapelle ; c'est une sorte de monument en bronze ciselé et doré qui surmonte un long bâton de procession incrusté de nacre et rehaussé d'ornements en cuivre repoussé, représentant le miracle et la scène du juif mettant l'hostie dans une chaudière. Cet insigne était porté en grande pompe dans les cérémonies de l'Eglise, afin de perpétuer la mémoire du miracle ; la hauteur du monument, non compris le bâton, est de 63 centimètres sur une largeur de 27 centimètres. Or, Guy de Joinville avait fondé à Boucheraumont, dans le diocèse de Châlons-sur-Marne, un hôpital pour y recevoir les malades et les pauvres voyageurs ; il était desservi par une communauté d'hommes appelés les Hospitaliers de la charité Notre-Dame. A cette époque, Paris était, tout comme il est aujourd'hui, l'objectif de la province et dès qu'une communauté était fondée quelque part, son premier désir était de se faire représenter à Paris. Guy de Joinville n'y manqua pas ; il jeta les yeux sur la maison des Miracles et avec l'autorisation du roi, il y installa ses hospitaliers en 1302. Le roi lui fit don de quelques maisons avoisinantes. L'aventure du juif avait considérablement réchauffé le zèle religieux des Parisiens, ils prirent en affection les nouveaux moines appelés religieux des billettes, en raison des billettes, ou plutôt des petits scapulaires en forme de billettes qu'ils portaient sur leurs vêtements. La reine Clémence de Hongrie, femme de Louis X, fit de grandes libéralités à cette communauté qu'on désignait alors sous le nom de couvent où Dieu fut bouilli ; (la rue des Jardins avait pris aussi le nom de rue du Dieu bouilli). Le 26 juillet 1631, les religieux quittèrent le couvent et les carmes les remplacèrent, mais on s'était habitué en parlant de la rue de dire : « la rue des Billettes, » et ce dernier nom lui resta. Au dessus de la chapelle bâtie par Flameng, on lut jusqu'en 1685 cette inscription : Ci-dessous le juif fit bouillir la sainte hostie. Puis l'inscription fut modifiée en ce sens « Cette chapelle est le lieu où un juif outragea la sainte hostie ». L'église tombait en ruines, lorsqu'elle fut rebâtie en 1754 sur les plans du frère Claude. On y conservait le canif qui avait servi à Jonathas et le vase de bois dans lequel l'hostie avait été portée au curé (l'hostie faisait partie des reliques conservées à Saint-Jean-en-Grève). Le coeur d'Eudes Mézeray, l'historien, fut déposé dans cette église qui fut supprimée en 1790 et vendue en 1793. Elle fut rachetée par la ville le 26 novembre 1808, moyennant soixante-treize mille francs et affectée au culte luthérien. On la nomme temple de la confession d'Augsbourg (cloître, église des Billettes).
C'était un procédé commode mais que le peuple trouvait souverainement abusif, et il s'en plaignit si fort et si haut, que Philippe le Bel fit en 1292 un règlement qui défendait à toutes personnes de quelque qualité qu'elles fussent, de jamais démonter un cavalier ni prendre des chevaux employés au labourage. A l'égard des vivres, il déclara que « le roi, la reine et leurs enfants étant en leur compagnie, le chambrier de France (grand chambellan) le bouteiller et le connétable avaient seuls le droit de les prendre à leur prix. » En cette année 1292, Paris s'accrut d'un nouveau collège, celui des Cholets fondé dans le clos de Saint-Symphorien. (Un chemin avait été tracé dans ce clos, il prit en 1295 le nom de rue des Cholets ; elle allait de la rue de Reims à la rue Saint-Étienne-des-Grès et fut supprimée vers 1750) par les exécuteurs testamentaires de Jean Cholet, légat en France, mort en 1291, et qui avait laissé six mille livres pour faire la guerre contre Pierre d'Aragon cette guerre étant finie, ses exécuteurs disposèrent de la somme en fondant un collège pour les pauvres étudiants en théologie des diocèses de Beauvais et d'Amiens. En 1303 le cardinal Lemoine augmenta le nombre des boursiers. En 1504 on permit aux étudiants d'avoir une chapelle dans leur enclos. Le 21 novembre 1763 le collège des Cholets fut réuni à l'Université. Les bâtiments devinrent propriété nationale en 1792, un décret du 26 juin 1821 en ordonna la démolition et le terrain fut réuni au collège Louis-le-Grand, sauf le retranchement pour l'élargissement des rues des Cholets et de Saint-Étienne. En 1296, la ville de Paris racheta pour la somme de cent mille livres le denier pour livre que le roi levait tant de l'acheteur que du vendeur sur toutes les denrées ; et il fallut pour cela taxer tous les habitants de la ville et des faubourgs, ce qui excita de nombreuses plaintes. Les veuves mêmes furent soumises à l'impôt, bien que jusqu'alors elles eussent été exemptes de toutes tailles. Le peuple murmura, on se plaignit de la misère qui ne fit qu'augmenter par suite d'une grande inondation qui se produisit à la fin de l'année ; le 20 décembre, la Seine grossit tellement qu'elle déborda et couvrit toutes les rues de Paris. Pendant huit jours les eaux furent si hautes que les différents quartiers de la ville n'eurent de communication entre eux que par des bateaux à l'aide desquels on portait des vivres aux habitants réfugiés aux étages supérieurs des maisons. Les ponts s'écroulèrent avec fracas et pour y suppléer on établit trois bacs, l'un du terrain de Notre-Dame à la rivière de Bièvre, l'autre de la rue des Bernardins à l'île Notre-Dame et le troisième de cette île au port Saint-Paul. On commit des gens pour recevoir un prix de passage qui fut appliqué aux frais de reconstruction des ponts écroulés. Disons en passant que l'île Notre-Dame était divisée en deux parties : l'une à l'orient s'appelait l'île aux Vaches, l'autre l'île tranchée ; elles appartenaient à l'église cathédrale ; ce fut en 1640 que le roi en fit l'acquisition et que réunies, elles formèrent alors l'île Saint-Louis, nom sous lequel on la désigne encore.
Ce terrible fléau continua ses ravages jusqu'aux premiers jours de janvier 1297, la chronique de saint Magloire rapporte l'événement, avec force lamentations. Lors que les eaux se retirèrent et qu'il fut possible de constater l'étendue du dommage ; on chercha s'il ne serait pas possible d'opposer une digue au fleuve et le roi ordonna au prévôt des marchands de faire construire un mur de terrasse depuis le couvent des Augustins jusqu'à l'hôtel de Nesle. Cette berge était plantée de saules qu'il eût fallu abattre, les Parisiens tenaient à leurs arbres, le prévôt promit d'obéir mais ne fit rien et ce fut seulement en 1313, que sur l'ordre formel du roi, il se décida à faire construire un embryon de quai, mais ce ne fut qu'avec répugnance qu'il fit exécuter ces travaux, qui se bornèrent à consolider le terrain au moyen de quelques épaulements en maçonnerie et des palis.
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