Cafes, hotels, restaurants de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des cafés, hôtels et restaurants de Paris : comment ils ont évolué, par qui ils ont été fréquentés. Pour mieux connaître le passé des cafés, hôtels et restaurants dont un grand nombre existe encore.
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LES CAFÉS DU PALAIS-ROYAL
(D'après Les cafés artistiques et littéraires de Paris, paru en 1882)

Le Caveau. – Lemblin. – Montansier. – Mille Colonnes. – Des Aveugles. – Foy.
La Rotonde. – Corrazza. – Hollandais.

Jusqu'en 1789, les cafés de Paris où se réunissaient les écrivains ne furent que des centres littéraires où la politique était inconnue. Mais, à partir de l'époque que nous citons, les hommes politiques remplacèrent les poètes et les prosateurs. Les établissements du Palais-Royal devinrent des parlements au petit pied, où les individualités connues ou inconnues discutaient leurs programmes.

Le Jardin lui-même fut envahi par la foule, qui acclamait ses idoles du jour, idoles que le lendemain elle laissait monter sur l'échafaud révolutionnaire. Sous le Directoire, viveurs, joueurs, courtisanes prirent la place des énergumènes de la politique. Un excès succédait à un autre.

Le Café du Caveau avait été, à partir de 1789, le rendez-vous des fédérés ; nous reviendrons sur cet établissement à propos de la Rotonde. Les adversaires des fédérés, les feuillantins, fréquentaient le Café de Valois ; les démagogues enragés se réunissaient au Café Mécanique. Le propriétaire, ne voulant plus entendre chanter le Ça ira, reçut pour toute réponse un coup de sabre qui lui traversa le bras ; quant à sa femme qui était enceinte, on se contenta de l'éventrer, Au Café Mécanique le service se faisait d'une façon ingénieuse par les colonnes creuses des tables.

Les cafés de Foi, Corazza eurent aussi leur public d'énergumènes. Lorsque Napoléon Ier fut proclamé empereur, les établissements où l'on s'occupait de politique disparurent complètement. En 1805, Lemblin ouvrit le café qui porte son nom. Comme ce limonadier faisait acheter son thé à Canton, qu'il donnait à ses consommateurs du chocolat fabriqué par Judicelli et du café préparé par le Piémontais Viante, les clients affluèrent. Le matin c'étaient des savants, des académiciens, des magistrats ; le soir, les illustrations des armées impériales

Les Nouvellistes du café Foy
venaient entre deux campagnes se reposer et prendre langue au café Lemblin. Nous citerons les généraux Cambronne et Fournier, les colonels Sauzet, Dulac, Dufay et beaucoup d'autres.

Citons parmi les lettrés : Brillat-Savarin, qui songeait à publier la Physiologie du goût ; Jouy, l'auteur de l'Ermite de la Chaussée-d'Antin ; Ballanche, un philospohe mystique dont Chateaubriand a dit : « Ce génie théosophe ne nous laisse rien à envier à l'Allemagne et à l'Italie. » Martainville, l'auteur du Pied de mouton et de beaucoup d'autres pièces de théâtre, royaliste exalté ; Boieldieu, le compositeur de la Dame blanche, fréquentaient le café Lemblin. – Un descendant de l'illustre musicien, M. Ernest Boieldieu, a été longtemps secrétaire général du Vaudeville, place de la Bourse. Il a aussi été attaché aux Bouffes-Parisiens, puis à l'Hippodrome.

Le 5 juillet 1815, le soir, le café était rempli d'officiers français blessés à Waterloo, lorsque quatre officiers, russes et prussiens, y firent leur entrée. Ces chefs alliés étaient en avance de trois jours ; ils furent accueillis par les cris de Vive l'Empereur ! et jugèrent prudent de se sauver.

Sous Louis XVIII et Charles X, les impérialistes continuèrent de fréquenter le Café Lemblin. Les mousquetaires et les gardes du corps s'y rendirent dans le but de faire du bruit. En effet, beaucoup de duels furent le résultat de ces bravades.

Les passions étaient tellement montées, que les gardes du corps manifestèrent un jour la prétention de placer au-dessus du comptoir le buste de Louis XVIII. Comme ils avaient fixé la date de cet exploit, trois cents officiers de l'empire occupèrent le café ; mais l'autorité militaire ayant été prévenue à temps, les gardes du corps furent consignés et ne purent mettre à exécution leur menace.

Un des garçons du Café Lemblin, nommé Dupont, était cousin germain de Dupont de l'Eure. Grâce à cette parenté avec ce membre du gouvernement provisoire de 1848, ce garçon fut nommé, après la chute de Louis-Philippe, portier de l'Hôtel de Ville.

Le 23 octobre 184, on inaugurait le Théâtre Beaujolais, galerie de Montpensier. D'abord, spectacle de marionnettes, on adjoignit aux poupées des enfants, puis des adultes. Les marionnettes ne furent plus qu'un souvenir. L'autorité vit d'un mauvais œil ces changements successifs et protesta. Le théâtre, en butte aux taquineries administratives, vécut péniblement sans faire parler de lui.

En 1790, lorsque la cour fut ramenée aux Tuileries, mademoiselle Montansier, directrice du théâtre de Versailles, vint s'établir dans la salle Beaujolais qui prit alors le titre de Théâtre Montansier. Fermé en 1793, il rouvrit sous le nom de Théâtre de la Montagne, qu'il échangea plus tard pour reprendre le titre de Théâtre Montausier. En 1813, cette salle devint le Café Montansier. C'était un café chantant où l'on jouait de petites pièces. Son directeur, Chevalier, faisait peu d'affaires, lorsque, au retour de l'empereur de file d'Elbe, les bonapartistes en firent un café politique.

Durant les Cent-Jours, on y chansonna les Bourbons. On avait remercié les chanteurs, et les consommateurs remplacèrent ces artistes. A tour de rôle, les clients quittaient leur table, montaient sur la scène et débitaient des romances politiques de leur composition. Voici un de ces impromptus. Un capitaine occupe la scène et chante :

LE CAPITAINE.
Croyez-vous qu'un Bourbon puisse être
Roi d'une grande nation ?

CHŒUR DES CONSOMMATEURS.
Non. non, non, non, non, non, non.

LE CAPITAINE.
Mais il pourrait fort bien, peut-être,
Gouverner un petit canton
.

CHŒUR DES CONSOMMATEURS.
Non, non, non, non, non, non, non.

LE CAPITAINE.
Alors, que le diable l'entraine
Au fond du palais de Pluton
.

CHŒUR DES CONSOMMATEURS.
Bon, bon, bon ; bon, bon, bon, bon.

LE CAPITAINE.
Et chantons tous à perdre haleine,
Vive le grand Napoléon !

CHŒUR DES CONSOMMATEURS.
Bon, bon, bon, bon, bon, bon, bon.

Vingt-quatre heures après la rentrée de Louis XVIII, des gardes du corps envahirent le café Montansier et le mirent au pillage. Les glaces furent brisées à coups de sabre ; les lustres, les meubles, l'argenterie, le linge furent jetés par les fenêtres. On ne laissa que les murs.

 


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