Cafes, hotels, restaurants de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des cafés, hôtels et restaurants de Paris : comment ils ont évolué, par qui ils ont été fréquentés. Pour mieux connaître le passé des cafés, hôtels et restaurants dont un grand nombre existe encore.
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LES CAFÉS DU PALAIS-ROYAL
(D'après Les cafés artistiques et littéraires de Paris, paru en 1882)

Le Caveau. – Lemblin. – Montansier. – Mille Colonnes. – Des Aveugles. – Foy.
La Rotonde. – Corrazza. – Hollandais.

A cette époque le parti avancé trimballait déjà ses candidats d'une extrémité à l'autre de la France. Dans leurs courses aux environs de Paris, ils débitaient les boniments de circonstance sous des hangars, dans des salles de bal, et juchés sur les tréteaux. M. Lavertujon variait un peu ses discours, M. Arago répéta le même partout. Dans ce fameux programme, il parlait de la Compagnie de Jésus et disait de ses membres : « Je combattrai les jésuites, ces conspirateurs de partout et ces citoyens de nulle part ! »

Pour prononcer cette phrase il prenait un air inspiré et sa voix faisait trembler les vitres. Quelques jeunes gens s'amusèrent de ces mots répétés trois ou quatre fois par jour, suivirent partout le candidat et l'accompagnaient quand, après avoir repris haleine et levé les yeux au plafond, il commençait : « Je combattrai, etc. » Cette plaisanterie tournait à la scie, les frères et amis eux-mêmes riaient comme des bienheureux. M. Arago ne jugea pas opportun de modifier son discours qui dura jusqu'à la fin de la période électorale. Il doit être précieusement conservé

Partie de dames au Café Lemblin
dans quelque carton pour être employé à l'occasion.

Venaient ensuite M. Plougoulm, un véritable jurisconsulte, auteur de brochures de grande valeur et de traductions d'auteurs latins et grecs, procureur général à Toulouse, avocat général à la Cour de cassation, puis conseiller à cette même cour, mort en 1863 ; M. Dupin, non moins célèbre, mort sénateur après avoir occupé les postes les plus élevés de la magistrature ; M. Payen, le savant chimiste, membre de l'Académie des sciences ; le docteur Bouillaud, une célébrité médicale de l'époque ; Évariste Bavoux, conseiller d'État sous l'Empire, écrivain politique qui n'a point abandonné la cause napoléonienne ; M. de Montalivet, ministre de Louis-Philippe, auteur d'un ouvrage écrit pour répondre à M. Rouher.

Le titre de ce volume est : Rien ou dix-huit ans de parlementarisme ; M. de Montalivet a acquis un regain de notoriété par le brusque abandon des idées politiques qu'il avait toujours soutenues. Crémieux, un des personnages les pluslaids de France ; Ledru-Rollin (1), l'homme au vasistas du Conservatoire des arts et métiers ; le comte d'Argout, qui a été gouverneur de la Banque de France ; M. Baroche, devenu ministre de la justice sous Napoléon III, mort pendant la guerre. On connaît la fin héroïque de son fils, tué au Bourget ; M. Haussmann, le créateur du nouveau Paris.

(1). Un individu nommé Daubéret, condamné le 16 mars 1874, à quatre mois de prison par le tribunal correctionnel d'Antun, était porteur d'une chanson doit nous extrayons ce couplet :

Ledru-Rollin, dont la tête est sévère,
Que tu es beau dans un jour de débats,
Lorsque tu dis à toute l'Assemblée :
La République ! Non, nous ne l'avons pas !
Le drapeau rouge, que tout Français vénère.
C'est le manteau que le Christ a porté.
Rendons hommage au brave Robespierre
Et à Marat, qui le fit respecter.

Après les savants et les jurisconsultes, nous citerons les militaires : Cavaignac, qui devait rendre au parti de l'ordre tant de services en 1848 ; Négrier, tué cette même année en combattant les insurgés républicains ; le vieux général comte Pajol, qui avait fait toutes les campagnes de l'Empire et s'était mêlé activement mouvement de 1830 ; le général Pajot, portant fièrement une longue queue qui frétillait sur ses épaules ; le colonel du Barail et son fils, devenu lui-même général de division, qui a rendu des services éclatants pendant les jours néfastes de la Commune et a occupé avec distinction le poste de ministre de la guerre après l'élévation du maréchal de Mac-Mahon à la présidence.

Le père du général était d'une taille colossale et doué d'une force herculéenne ; M. Mamignard, ancien fournisseur des armées sous Napoléon Ier. Un trio qui était fort remarqué, composé du général comte de la Riboisière, du général Gourgaud et de madame de la Riboisière, se mêlait rarement aux autres militaires.

Le voisinage du Théâtre-Français attirait au café de Foy les littérateurs et les artistes. Alexandre Dumas père, Léon Laya, l'auteur du Duc Job ; Louis Lurine, écrivain de grande valeur ; Eugène Gauthier, qui a écrit au Constitutionnel et dans plusieurs autres journaux des études fort remarquables sur la musique et les musiciens. M. Gauthier a été professeur d'histoire de la musique au Conservatoire, maître de chapelle à Sainte-Eugénie. Il a orchestré Mozart au Théâtre-Lyrique et a commis plusieurs pièces fort gaies, nous citerons entre autres le Docteur Mirobolant.

Le gouvernement français l'a chargé d'une mission en Belgique ; il s'agissait de rechercher la musique d'un Orphée de Montroude. Madame Dorval, la célèbre actrice ; Ligier, des Français ; mademoiselle Denain, appartenant au même théâtre. Cette dernière était toujours accompagnée de son père et de sa mère ; Bouffé, acteur et directeur des Variétés ; Levasseur, de l'Opéra ; enfin un fantaisiste, le marquis d'Aligre, toujours accompagné de danseuses et de cabotines qu'il promenait dans son équipage. Parmi les clients on remarquait deux chansonniers : Joseph Vimeux et Frédéric Bérat. Ce dernier est l'auteur de la chanson populaire intitulée Ma Normandie.

M. Lenoir céda son établissement à son premier garçon, M. Lemaitre. Ce fut l'ex-fournisseur, M. Mamignard, qui lui avança les deux cent mille francs nécessaires pour payer son patron. L'ancien garçon, devenu martre à son tour, fit une fortune de deux millions et se retira des affaires. Le fils de M. Mamignard épousa mademoiselle Darcier. Le Café de Foy déclina rapidement ; le deuxième successeur de M. Lemaître, ayant fait de mauvaises affaires, abandonna son fonds à ses créanciers qui firent vendre le mobilier aux enchères.

La suppression des maisons de jeu installées au Palais-Royal, la sévérité de la police à l'égard des femmes qui hantaient le jardin et les galeries de bois (Remplacées par la galerie d'Orléans) avaient fait le désert dans ce coin si animé de Paris. Les habitués disparurent, et le café dut fermer, faute de clients. Jusqu'au dernier jour la pipe en fut impitoyablement proscrite, peut-être cette exigence accéléra-t-elle sa décadence, mais enfin il tomba dignement.

M. Lenoir, un des propriétaires du café, mérite une mention spéciale. Il avait remplacé sa mère, dont la beauté était célèbre au moment de l'invasion, mais, le métier de limonadier ne lui plaisant pas, il se retira des affaires, acheta des œuvres d'art et forma une très belle collection qu'il laissa à l'État après sa mort. C'était un véritable don princier.

 


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