Cafes, hotels, restaurants de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des cafés, hôtels et restaurants de Paris : comment ils ont évolué, par qui ils ont été fréquentés. Pour mieux connaître le passé des cafés, hôtels et restaurants dont un grand nombre existe encore.
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LES CAFÉS DU PALAIS-ROYAL
(D'après Les cafés artistiques et littéraires de Paris, paru en 1882))

Le Caveau. – Lemblin. – Montansier. – Mille Colonnes. – Des Aveugles. – Foy.
La Rotonde. – Corrazza. – Hollandais.

En 1830, la salle Montansier devint le Théâtre du Palais-Royal ; en 1848, on lui imposa le nom de Théâtre Montansier ; il reprit celui de Palais-Royal après 1851. On sait avec quelle habileté MM. Plunckett et Dormeuil ont dirigé ce théâtre, dont les artistes possèdent une réputation européenne.

Rue Saint-Honoré, près du Palais-Royal existait, sous le premier empire, le Café du Bosquet . La réputation de beauté de la patronne était telle que la police dut protéger l'établissement contre les curieux qui voulaient contempler la belle madame Romain.

Cette divinité, style de l'époque, rendit même poète quelques-uns de ses adorateurs qui firent en son honneur ces couplets dont voici un échantillon :

Vénus a donc quitté Cythère
Pour choisir un autre séjour,
De l'amour cette aimable sirène
A Paris réside en ce jour.
Vénus, suis-moi, dit-elle au mystère,
Car tu sais garder un secret :
Je veux être limonadière
Au joli café du Bosquet.
Mais l'amour qui toujours voyage,
Et qui toujours est échauffé
Pour se rafraichir, le volage.
Entre dans ce charmant café.
Et quoi ! cria-t-il, c'est ma mère ?
Oui c'est moi petit indiscret ;
Ici je suis limonadière du joli café du Bosquet.

L'heureux mari de cette merveille se trouvant trop à l'étroit au Bosquet alla s'établir au Palais-Royal où il ouvrit le Café des Mille Colonnes. Cet établissement était situé au premier étage, dans la galerie de Montpensier, près du café de Foy. Les admirateurs de madame Romain la suivirent aux Mille Colonnes. Vers 1826, son mari mourut des suites d'une chute de cheval, et, au grand étonnement de tout le monde, elle entra en religion. Pourtant son mari était fort laid. Le cœur des femmes est insondable.

Citons encore pour mémoire le Café-concert des Aveugles situé dans un caveau de la rue de Beaujolais. Les musiciens étaient des aveugles et un homme déguisé en sauvage faisait manœuvrer ses baguettes sur plusieurs tambours.

Arrivons au Café de Foy qui a été une des curiosités de Paris. Fondé sous le règne de Louis XVI, il avait alors sa façade principale sur la rue de Richelieu et une terrasse occupait un coin du jardin du Palais-Royal. Quand le duc d'Orléans, alors propriétaire de ce palais, eut fait construire les belles maisons à arcades qui entourent le jardin de trois côtés, les immeubles des rues de Richelieu et des Bons-Enfants, qui avaient une de leurs façades sur cette promenade, s'en trouvèrent séparés par les rues de Montpensier et de Valois. Les propriétaires réclamèrent, les locataires se plaignirent, les boutiquiers protestèrent, mais tout fut inutile et les industriels durent aller habiter les boutiques créées sous les arcades.

Le café de Foy se déplaça, quitta son installation primitive et se rétablit à l'endroit où toute la génération des dernières années du XVIe le siècle et celle de la première moitié du XIXe l'ont vu prospérer, décliner et disparaître

Le Café de La Rotonde au Palais-Royal de Paris
définitivement. Il avait primitivement pour enseigne : A la Foy ; ce nom parut sans doute trop long et il devint le café de Foy.

Pendant la première République, le jardin du Palais-Royal, nous l'avons dit, était fréquenté par les politiqueurs de toutes nuances, depuis le royaliste jusqu'au pourvoyeur de la guillotine ; les boursiers, les aigres fins, les filles publiques, les incroyables du Directoire s'y coudoyaient. Sous l'Empire, les uniformes des officiers et des généraux remplacèrent les costumes extravagants et grotesques des citoyens animés du souffle de 92.

En 1815, la célébrité du café y attira les chefs des troupes étrangères, et beaucoup de serviteurs dévoués de Napoléon Ier s'y rendaient également, dans le but de froisser par leurs airs ou leurs discours les chefs russes, allemands ou anglais, et de les forcer ainsi à se battre. Beaucoup de duels naquirent de ces disputes, naturellement la population parisienne prenait toujours le parti des français.

Le peintre Carle Vernet était un des habitués du café Foy, où son fils Horace allait le voir souvent. Ce dernier peignit même au plafond une hirondelle qui est devenue légendaire et que plusieurs générations sont allés voir, ne se doutant pas que l'hirondelle primitive avait été enlevée et remplacée désavantageusement par une autre, œuvre d'un barbouilleur quelconque. Mais on admirait de confiance.

Un jour, ou plutôt un soir après minuit, au moment où les habitués de l'établissement se retiraient, les peintres en bâtiments entrèrent munis de leurs échelles et se mirent en devoir de laver le plafond, de donner un éclat nouveau aux dorures, de rajeunir les peintures. Le jeune Horace grimpa sur une échelle, muni d'un pot de couleur et d'un pinceau, et en peu de temps une demi-douzaine d'hirondelles ornaient le plafond. L'un de ces oiseaux fut conservé, grâce à M. Lenoir, alors patron du café, son jeune client portant un nom déjà célèbre et qu'il devait illustrer encore. Quand M. Lenoir vendit son fonds, il fit détacher le morceau de plafond sur lequel était peint l'oiseau et le plaça dans sa collection artistique. Son successeur fit remplacer l'hirondelle et aujourd'hui on voit encore cette copie que beaucoup prennent pour l'original.

Carle Vernet, fort âgé, avait l'habitude de s'asseoir toujours à la même table. Quand, par hasard, sa place était prise par un client de passage, on lui mettait à côté de sa table un guéridon et il attendait tranquillement que l'intrus déguerpit. Paul Delaroche accompagnait son ami Vernet.

Dans les premières années du règne de Louis-Philippe, beaucoup d'Anglais fréquentaient le café Foy. L'amiral Sidney-Smith, celui qui, en 1799, avait aidé Djezzar-pacha à défendre Saint-Jean d'Acre contre Bonaparte, se faisait remarquer par la quantité de punchs qu'il absorbait. Il arrivait souvent qu'il roulait sous la table ; alors un de ses compatriotes, taillé en hercule, le colonel Thomas Swel, le chargeait sur ses épaules et le remportait avec une gravité toute britannique.

L'habitué le plus étrange de ce café fut longtemps Chodruc Duclos, qui dans un costume invraisemblable parlait aux clients les plus distingués, leur serrait la main, et, après avoir emprunté deux francs – jamais plus – à l'un ou à l'autre, s'asseyait à une table et les dépensait. Chodruc-Duclos était la terreur du patron, auquel il faisait souvent le même emprunt, il demandait ensuite une consommation de dix sous ou de quinze sous, payait avec la pièce qu'il venait de recevoir et laissait le reste au garçon.

Un digne pendant de Chodruc-Duclos comme malpropreté était un Grec, Nicolopoulo, qui passait pour un savant ; son pantalon passé à l'état de charpie ne se soutenait que grâce à une corde formant ceinture. Le reste du costume était à l'avenant. Nicolopoulo entrait au café toujours chargé de vieux bouquins qu'il compulsait gravement sans s'occuper, pas plus que Chodruc, des signes de dégoût manifestés par ses voisins.

Les excentriques que nous venons de citer faisaient un contraste violent avec les autres habitués, distingués de costumes et de manières et dont beaucoup ont acquis la célébrité ou au moins une notoriété très grande.

Nous citerons M. Lemaitre de Sacy, le savant traducteur de la Bible, François Arago, l'illustre astronome, et son frère Jacques, le voyageur, Emmanuel, fils de François, vaudevilliste spirituel et qui grâce à son nom devait devenir député et ministre de la justice après le 4 septembre. A cette époque c'était un gros garçon aux joues rebondies, aux yeux à fleur de tête, à la taille élevée. D'une belle prestance, il était l'idole des jeunes artistes, qui le contemplaient respectueusement. Avec l'âge, M. Emmanuel Arago a engraissé, mais il a renoncé au vaudeville, ce que nous nous permettons de regretter. Nous nous rappelons qu'aux dernières élections qui eurent lieu sous l'Empire, en 1869, il se porta candidat, concurremment avec M. A. Lavertujon, rédacteur en chef de la Gironde de Bordeaux.

 


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