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HISTOIRE
DE PARIS
(D'après Paris
à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens
depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours,
paru en 1879)
Louis IX. – Blanche de Castille – Les écoliers. – Sainte-Catherine du Val des Écoliers. – Les cordeliers. – Les Filles-Dieu. – Un clou perdu. – Saint-Leu-Saint-Gilles. – La Sainte-Chapelle – Le collège des bernardins. – Le départ. – Les Pastoureaux. – L'affranchissement des serfs. – Le collège des prémontrés. – Les jacobins et les bedeaux. – Les blasphémateurs. – Supplices. – Les filles de joie. – Les juifs. – Les chartreux. – Les métiers. – Le bourreau. Malgré la vénération des Parisiens pour la Sainte-Chapelle et ses reliques, il paraît que cela n'empêchait pas les « irrévérences et désordres » qui se
L'église est double, on la divise en
haute et basse Sainte-Chapelle. La basse servait de paroisse aux gens
du roi, des chanoines, du chapelain, etc. La châsse est grande, haute et d'un travail considérable, ornée de plusieurs images de vermeil ; elle s'ouvre par derrière, avec six clefs toutes différentes. Il y a encore une grille en fer, fermée par quatre serrures aux quatre coins, derrière laquelle est un rideau de soie rouge. Cette châsse fut réparée en 1524 ; ce fut en 1553 que Léonard le Limousin, exécuta sur les deux autels appuyés contre la porte du choeur, deux émaux représentant François Ier et la reine Éléonore d'un côté, et de l'autre Henri et la reine Catherine. Un grand incendie survenu en 1776 nécessita de grandes réparations qui furent faites en 1783. En 1792, la Sainte-Chapelle fut convertie en magasin à farine, elle devint en 1802 le dépôt des archives judiciaires. Ce fut alors qu'on répara les vitraux, avec les débris provenant des parties inférieures des croisées qui furent murées jusqu'à la hauteur des armoires contenant les titres et les papiers des archives. Sous le Directoire, le club de la Sainte-Chapelle tint ses séances dans l'église. Le 21 janvier 1803, les ouvriers découvrirent une caisse de plomb renfermant le coeur de saint Louis. En 1837, MM. Duban et Viollet-le-Duc furent chargés de la restauration du monument. M. Bella, charpentier, reconstruisit sous leur direction la charpente du comble et la surmonta d'une élégante et svelte flèche en bois et plomb, reproduction fidèle de celle de Charles VII, détruite par l'incendie de 1630. La hauteur de cette nouvelle flèche est de 40 mètres depuis le chéneau jusqu'à la pointe ; elle est de 27 mètres depuis le faîtage jusqu'à la boule surmontée d'une croix latine haute de 27 mètres. Les travaux ne furent achevés qu'en 1870. Voici, d'après M. de Cuilhermy, l'état de ce précieux monument : Deux porches en avant-corps ouverts par plusieurs arcs en ogive, décorés de colonnettes et de voûtes à nervures forment l'entrée de la chapelle haute et de la chapelle basse, et, suivant l'usage, regardent l'occident. Des balustrades trilobées environnent et surmontent le porche supérieur. Sur les flancs du monument, des contreforts habilement disposés et appareillés avec le plus grand soin s'élèvent jusqu'au sommet des mure, des clochetons fleuronnés et des gargouilles en forme d'animaux les surmontent. Les fenêtres de la chapelle supérieure, d'une hauteur et d'une largeur peu ordinaires, sont garnies de meneaux, de colonnettes, de roses en pierre et d'une armature en fer d'un caractère monumental ; elles sont abritées sur des frontons rehaussés de feuillage. La chapelle basse est éclairée par des baies de moindres dimensions, mais décorées dans le même goût. La flèche est en style fleuri de la première moitié du XVe siècle. A la croupe de l'abside, sur la pointe du comble,
un ange en plomb, d'une taille surhumaine, tient une croix processionnelle
et tourne sur son axe, montrant successivement le signe du salut à
tous les points de l'horizon. Quatre ogives s'ouvrent de chaque côté de la nef, sept travées plus étroites règnent autour du chevet. Des faisceaux à trois colonnes dans la nef, des colonnes monostyles en rond-point s'appliquent au mur et montent d'un seul jet jusqu'aux voûtes. D'autres colonnes reçoivent les retombées des arcs formerets. Les nervures se croisent dans la nef à chaque travée ; elles sont rondes comme les cordons qui composent les arcs doubleaux. Les verrières se développent dans tout le pourtour de l'édifice, à peine séparées les unes des autres par les colonnes en faisceau qui soutiennent la voûte. Ce fut le 3 novembre 1849, lors de l'installation de la magistrature par le président de la République, que le culte catholique reprit possession de la Sainte-Chapelle. Depuis cette époque, la messe du Saint-Esprit n'a cessé d'y être célébrée, chaque année, avant l'audience solennelle de la rentrée des tribunaux. La cour de cassation, la cour d'appel, le tribunal de première instance, le tribunal de commerce et les juges de paix de Paris y assistent, ainsi que le garde des sceaux, le directeur des affaires criminelles et des grâces et le chef du cabinet du ministre de la Justice. Le 3 novembre 1870, cette messe fut supprimée en raison du siège ; elle a été rétablie depuis. Nous avons parlé du trésor de la Sainte-Chapelle. Il se composait, avant la Révolution, d'un nombre considérable d'objets religieux, reliquaires, croix, coffrets, châsses et ornements d'or et d'argent, pierreries, et d'un camée sans pareil représentant l'apothéose d'Auguste, et provenant d'un don de Charles V et de manuscrits très précieux. Le dépôt de toutes les pierreries fut effectué à la Bibliothèque royale, en 1791, par ordre de Louis XVI. Quant au camée, il mérite une mention particulière : ce fut M. Peiresc, conseiller au parlement d'Aix qui, à la fin du XVIIe siècle, attira l'attention du monde savant et artiste sur ce précieux monument de l'art païen. Il est de forme ovale et mesure 30 centimètres de longueur sur 25 de largeur. Il fut brisé en deux morceaux dans l'incendie de 1630, mais il fut raccommodé, et il est aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale. Nombre d'autres objets furent portés à Saint-Denis. La formation du trésor des Chartes (manuscrits) est du à saint Louis. Les Chartes et les registres de nos rois ayant été enlevés à Philippe-Auguste par les troupes de Richard Coeur de Lion, à la journée de Fréteval, on décida que les titres, au lieu de voyager avec le souverain, seraient déposés en lieu sûr. Saint Louis fit placer ces précieuses archives dans la Sainte-Chapelle ; lors de l'établissement du tribunal criminel, créé en 1792, on eut besoin de la pièce dans laquelle elles se trouvaient, on les jeta dans une salle basse où elles restèrent pêle-mêle pendant des années. Deux membres du bureau des titres réussirent à faire transporter ce dépôt au Louvre et à le classer. Plus tard on le plaça aux Archives nationales, et il est aujourd'hui distribué dans mille trente et un cartons formant la série J. Les registres, reliés en maroquin rouge, sont placés dans un corps de bibliothèque formé des boiseries de l'hôtel Soubise. Ces détails nous ont mené un peu loin ; retournons de quelques siècles en arrière. Louis IX, en fondant la Sainte-Chapelle, l'avait naturellement pourvue de chapelains qui disaient matines à minuit ; mais, s'apercevant que ces matines auxquelles il assistait, en interrompant son sommeil lui causaient de violents maux de tête, il en changea l'heure et les fit dire à l'aube. Ce fut à partir de ce moment que, jusqu'au mi-lieu du XIVe siècle, le chapitre de la Sainte-Chapelle et celui de la cathédrale dirent les matines le matin. Tandis que le roi s'occupait de cette fondation, Etienne de Lexinton, Anglais de naissance et abbé de Clairvaux, obtenait du pape Innocent IV la permission de faire bâtir un collège à Paris pour y faire étudier de jeunes religieux de sa maison. Ce fut le premier collège des Bernardins. Il fut établi en 1214 sur des terrains situés dans le clos du Chardonnet (rue de Pontoise). L'abbé pria Alphonse de France, frère du roi, d'accepter le titre de protecteur. Alphonse accueillit favorablement cette demande et abandonna une rente de 104 livres parisis qui devait être employée à l'entretien de vingt religieux profès. Le collège des Bernardins fut gouverné par un supérieur qui reçut le titre de prieur, ensuite celui de proviseur. Le pape Benoît XII fit commencer l'église dont la première pierre fut posée le 24 mai 1338. On y remarquait un escalier à double vis, de façon que deux personnes pouvaient monter et descendre sans se voir. En 1709, les
En 1790, le collège des Bernardins devint propriété nationale ; l'église fut vendue le 4 messidor an V. Les autres bâtiments restèrent propriété de l'État jusqu'en l'an XII ; à cette époque ils furent concédés à la ville de Paris, moyennant une rente annuelle de 6,000 francs. En 1836, la ville remboursa cette rente au prix de 120,000 fr. Après avoir servi de magasin d'huile et de dépôt d'archives, on construisit sur les bâtiments la la caserne des sapeurs-pompiers. En 1245, Eudes, étant devenu légat, défendit de vendre aucune marchandise dans les églises, pas même des cierges, (à cette époque les cierges se plaçaient devant et derrière l'autel, jamais dessus). Il défendit aussi aux chanoines d'avoir des servantes et de garder et nourrir dans les cloîtres des animaux nuisibles ou inutiles. Louis IX qui, l'année précédente, avait été gravement malade à Pontoise, avait fait voeu de se croiser s'il revenait à la santé ; il songea à tenir sa promesse et se prépara à faire le voyage en Terre-Sainte. En 1248, le vendredi après la Pentecôte,
il reçut des mains du légat le bourdon de pèlerin,
l'écharpe et l'oriflamme, et, quelques jours plus tard, il se rendit
pieds nus à Notre-Dame pour y entendre la messe, puis, de là,
suivi par un cortège de peuple qui grossissait toujours, il alla
à l'abbaye de Saint Antoine des Champs, accompagné des processions
de la ville et d'une foule considérable. Ce jour-là, tous les travaux s'arrêtèrent, les cloches sonnèrent, les rues s'emplirent de tous les moines de la capitale, de tous les membres des confréries ; on ne voyait que bannières et gens d'église, chevaliers et gentilshommes, varlets et écuyers. Toute cette foule diaprée, bigarrée, allait, venait, faisant des voeux pour le voyage du roi, qui partit accompagné de sa jeune femme, la reine Marguerite, qui n'avait pas voulu consentir à ce que son mari s'en allât sans elle, de ses trois frères et de sa belle-soeur Jeanne. La reine mère, Blanche de Castille, était chargée de gouverner en l'absence du roi. On sait les tristes résultats de l'expédition de saint Louis en terre sainte. Lorsqu'on les connut à Paris, ils causèrent une consternation générale ; tous jeux et divertissements furent suspendus et les Parisiens se rendirent en foule dans les églises pour implorer la miséricorde de Dieu. Ils ne tardèrent pas à devenir le prétexte de troubles. La reine se disposait à envoyer des secours au roi, son fils, lorsqu'un Hongrois nommé Jacob, moine de l'abbaye de Citeaux, souleva le peuple des campagnes en annonçant que c'était aux paysans, aux « pastoureaux » qu'il appartenait de délivrer la terre sainte du joug des infidèles. En peu de temps, il fut à la tête de 100,000 hommes qui commencèrent à se tourner contre les évêques, les chanoines, les ecclésiastiques et les nobles des provinces du Nord. Il vint à Paris avec environ 40, 000 de ses partisans. La reine, qui crut tout d'abord que cet homme était suscité par Dieu pour aller au secours de son fils, le reçut dans son palais et eut avec lui un long entretien dont il ne transpira rien au dehors. Seulement, les familiers du palais remarquèrent qu'à son issue, Blanche de Castille paraissait vivement impressionnée. Quant à Jacob, il prêcha ouvertement en faveur du peuple, et la hardiesse de ses paroles étonnait fort. « Il eut l'audace, dit un chroniqueur du temps, de faire l'eau bénite dans la paroisse Saint-Eus, tache et d'y prêcher en camail et en rochet, comme un évêque. Il fit tuer quelques ecclésiastiques, mais il ne put traiter de même l'Université à qui il en voulait principalement, parce que, lorsqu'on le vit de l'autre côté de la rivière, on fit fermer les portes sur lui. » Il sortit de Paris et se rendit à Bourges, tuant et massacrant tout sur son passage, jusqu'à ce qu'il fût tué lui-même par un bourgeois de cette ville. La reine Blanche, craignant que les désordres commis par les pastoureaux n'eussent ébranlé la fidélité de ses sujets, fit prêter de nouveau serment à l'Université et aux bourgeois de Paris ; ensuite, elle songea à réprimer les abus que causait l'excès d'autorité dont était investi le chapitre de Paris. Elle apprit que
Mais, comme il tenait à ses privilèges, il répondit impoliment à la reine et redoubla de duretés envers les malheureux prisonniers. Mais Blanche de Castille, piquée au vif, se rendit elle-même à la prison et en frappa la porte avec un bâton qu'elle tenait à la main. A ce signal, les gardes qui l'accompagnaient se ruèrent sur cette porte et la brisèrent ; elle rendit la liberté aux serfs, hommes, femmes et enfants qui étaient incarcérés. Les chanoines furieux murmurèrent hautement et en termes peu mesurés, mais la reine qui connaissait leur endroit sensible, les laissa dire et se contenta de faire saisir leurs revenus temporels. Vite, ils vinrent demander grâce et consentirent à l'affranchissement de tous ceux qu'ils avaient incarcérés, moyennant une somme qui leur fut comptée. Plusieurs édits avaient déjà été rendus pour ordonner l'affranchissement des serfs, mais le clergé était très opposé à cette mesure d'humanité ; cependant, à Paris il s'exécuta d'assez bonne grâce et les religieux de l'abbaye des Fossés donnèrent l'exemple en rendant la liberté à tous leurs serfs, moyennant onze cents livres et en permettant à leurs enfants de se faire clercs et d'entrer en religion comme toutes les personnes libres. La reine approuva et confirma cet affranchissement. L'abbaye de Saint-Germain, pour une somme plus modique encore, affranchit ses serfs, les autres abbayes l'imitèrent et quelques seigneurs qui, jusqu'alors, avaient résisté à ce courant de liberté finirent, pour plaire à la reine, par affranchir les leurs. L'histoire doit conserver le souvenir de la vertueuse reine qui prit l'initiative de ce grand acte, qui permit à tant de malheureux de jouir enfin du premier de tous les biens, de la liberté ! Peu de temps après avoir accompli cette oeuvre de justice, elle mourut (le 1er décembre 1252), profondément regrettée du peuple de Paris qu'elle avait tiré de la servitude.
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