Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Louis IX. – Blanche de Castille – Les écoliers. – Sainte-Catherine du Val des Écoliers. – Les cordeliers. – Les Filles-Dieu. – Un clou perdu. – Saint-Leu-Saint-Gilles. – La Sainte-Chapelle – Le collège des bernardins. – Le départ. – Les Pastoureaux. – L'affranchissement des serfs. – Le collège des prémontrés. – Les jacobins et les bedeaux. – Les blasphémateurs. – Supplices. – Les filles de joie. – Les juifs. – Les chartreux. – Les métiers. – Le bourreau.

La maison des chartreux de Paris, dit Dulaure, était une des plus riches de l'ordre. Ses bâtiments et son enclos avaient en superficie environ 60,450 toises carrées. Cet enclos n'était pas dans l'origine aussi étendu qu'il l'a été depuis. Marie de Médicis, pour former le jardin du Luxembourg, acheta plusieurs parties de celui des chartreux et leur donna en échange de vastes terrains situés au delà du chemin qui conduisait à Issy. Cette route, ancienne voie romaine, passait autrefois devant l'église de ce couvent ; elle fut alors détournée et comprise dans l'enclos de ces religieux. Il n'en reste plus aucune trace. Cette vaste clôture placée dans l'intérieur de Paris gênait la population environnante, rendait les communications difficiles et faisait depuis longtemps désirer l'éloignement de ses propriétaires. Elle est aujourd'hui en partie occupée par deux pépinières. Les chartreux furent supprimés en 1790, l'église et les cloîtres furent démolis.

Le 27 germinal an VI, le conseil des Anciens, statuant sur le plan général proposé pour l'emploi des terrains formant l'ancien domaine des chartreux, décida qu'il serait formé une place, que des rues seraient tracées. On perça les rues de l'Est et de l'Ouest ; quant à la place, elle ne fut pas exécutée ; sur d'autres parties de terrains on construisit des ateliers d'armes, et le reste fut réuni au jardin du Luxembourg.

Vingt-cinq tableaux sur bois, peints par Lesueuren 1648 et représentant la vie de saint Bruno, fondateur de l'ordre des Chartreux, qui se trouvaient dans le monastère, furent transportés dans la galerie du Luxembourg, puis de là au musée du Louvre.

La rue Sainte Croix de la Bretonnerie dut son nom à des religieux de Bretagne qui, connaissant la facilité avec laquelle le roi accueillait les moines de quelque côté qu'ils vinssent, arrivèrent à Paris en 1258, ainsi que le constate un historien de cette époque qui s'exprime de la sorte, en parlant de ces nouveaux venus :
« Revint une autre manière de frères qui se faisoient appeler frères de Sainte-Croiz et portant la croiz devant leur pis (poitrine) et requistrent au roi qu'il leur aidast. Le roi le fist volontiers et les herbergea en une rue appelée le carrefour du Temple qu'ore est appelée la rue Sainte-Croiz. »

C'était des chanoines réguliers qu'on appela aussi Porte-Croix et Croiziers. Saint Louis leur donna une maison qui lui appartenait et ajouta à ce don quelques autres immeubles qui étaient la propriété de Robert de Sorbon, à qui il les

Le jeune homme qui n'avait plus que sa chemise,
résolut de tirer vengeance de ses ennemis.
échangea contre d'autres, ainsi qu'on le voit par une de ses lettres datée de février 1258.

Ces religieux se maintinrent longtemps dans cette demeure à laquelle ils avaient annexé une église qu'ils firent bâtir sur les dessins de Pierre de Montreuil. Elle était ornée de tableaux de prix et de riches monuments funéraires.

En 1518, on remarqua que les chanoines de Sainte Croix de la Bretonnerie s'étaient relâchés de leur première observance et une enquête fut ordonnée par arrêt du parlement du 9 août. Son résultat ne fut pas favorable aux religieux ; néanmoins, après quelques modifications apportées à leur règle, il n'en fut plus parlé, mais sous le règne de Louis XIII de nouveaux désordres furent signalés et le cardinal de La Rochefoucauld jugea à propos d'introduire une réforme complète dans le couvent. Il s'y prit maladroitement et échoua contre l'esprit de corps des moines qui voulurent bien se soumettre à une réforme, à la condition de l'opérer eux-mêmes et pour cela ? ils embrassèrent la règle de saint Augustin.

Supprimés en 1790, le couvent et l'église dans laquelle avait été inhumé Barnabé Brisson second président au parlement de Paris, qui fut pendu le 15 novembre 1594, furent vendus le 19 avril 1793. Des maisons particulières furent édifiées sur leur emplacement et on y établit un passage. Les jurés crieurs pour les inhumations eurent leur réunion dans le couvent de Sainte Croix de la Bretonnerie.

Le collège des trésoriers fut fondé en 1268 par Guillaume de Saône trésorier de l'église de Rouen en faveur de vingt-quatre boursiers dont douze écoliers en théologie et douze dans les arts. Ce collège ne comptait plus que quatre boursiers, lorsqu'il fut réuni à l'Université, en exécution de lettres patentes du 21 novembre 1763. Son fondateur lui avait fait don d'une rente de 120 livres 17 sous pour la nourriture et l'entretien des écoliers, ce qui donnait à chacun d'eux trois sous par semaine. Les bâtiments qui contenaient en superficie 704 mètres, devinrent propriété nationale en 1790 et furent vendus le 18 octobre 1806.

Saint Louis qui fit tant pour les maisons religieuses ne pouvait oublier l'Hôtel-Dieu. Il s'en montra, sinon le véritable fondateur, du moins le restaurateur et le plus puissant protecteur. La charité qui s'exerçait dans cet hôpital y attirait tant de malades, que les bâtiments primitifs étaient devenus tout à fait insuffisants. Le roi en fit bâtir de nouveaux et augmenta les revenus de l'hôpital, par cent livres de rente qu'il lui accorda.

Il rendit aussi rente perpétuelle un don de 2,200 livres parisis, de soixante-trois muids de blé et de soixante-huit mille harengs que les rois ses prédécesseurs accordaient chaque carême à l'Hôtel-Dieu. La lettre établissant cette rente, datée d'octobre 1260, fut déposée à l'hôpital afin de pouvoir la représenter à ceux de ses successeurs qui refuseraient de payer. Non seulement le roi, mais des particuliers se faisaient un devoir de donner à l'hôpital et l'esprit de charité qui avait présidé à la formation des confréries et des corps de métiers introduisit dans l'Hôtel-Dieu un usage qui se perpétua jusqu'à l'abolition des jurandes.

On lit dans le Livre des métiers, titre IX, rédigé par le prévôt de Paris : Nul orfèvre ne peut ouvrir sa forge le jour de la fête de l'un des douze apôtres, si cette fête ne tombe pas le samedi, à l'exception de la boutique que chacun ouvre à son tour, ces fêtes-là et le dimanche. Et tout ce que gagne celui qui a boutique ouverte ce jour-là, il le met dans le tronc de la confrérie des orfèvres, dans lequel tronc on met les aumônes que font les orfèvres à mesure qu'ils vendent ou achètent des marchandises de leur métier ; et avec l'argent que renferme ce tronc chaque année, le jour de Pâques, on donne à dîner aux pauvres de l'Hôtel-Dieu de Paris.

Ce fut en 1248 que la restauration et l'adjonction de nouveaux bâtiments se firent sous la conduite de l'architecte Pierre de Montreuil, et ce fut la régente Blanche de Castille qui surveilla les travaux en l'absence du roi qui partit pour la Palestine ; ce fut à son retour qu'il exempta l'hôpital de toute contribution, droits d'entrée et de péage par terre et par eau et qu'il lui conféra le droit de prix qui lui appartenait (ce droit consistait pour les rois, princes et grands officiers de la couronne, à fixer eux-mêmes le prix des denrées qu'ils achetaient). Mais nous avons longuement détaillé tous les établissements civils et religieux que vit éclore ce règne ; passons à un autre ordre de faits.

Une des ordonnances de 1254 était relative au guet de Paris. Les bourgeois avaient supplié le roi de leur accorder la permission de faire le guet pendant la nuit et les gens de tous les métiers s'étaient engagés à le faire à tour de rôle ; Louis IX les y autorisa, tout en maintenant le guet royal commandé par un chevalier du guet. Le roi ordonna que le chevalier du guet et ses hommes marcheraient toutes les nuits dans les rues de Paris, visiteraient le guet des bourgeois et lui prêteraient main forte en cas de besoin.

Mais bientôt les gens de métier qui avaient tout d'abord été ravis de jouer au soldat, se lassèrent de cet exercice qui les obligeait à passer la nuit hors de leurs logis et ce fut à qui trouverait un prétexte pour s'en exempter. Il fallut plusieurs arrêts du parlement pour contraindre certains corps de métier à faire le guet.

Et cependant le nombre de ceux qui en étaient exempts était considérable.
En étaient dispensés : les boiteux, les fous, les maris dont les femmes étaient en mal d'enfant, les sexagénaires, les maîtres de métiers, les bourgeois non marchands, les mesureurs de la ville, les notaires, procureurs et avocats, les artisans appartenant aux corporations des monnayers, brodeurs de soie, courtepointiers, vanniers et corbeillers, peintres, imagiers, chasubliers, selliers, libraires, parcheminiers, enlumineurs, écrivains, tondeurs de draps, tailleurs de pierres, bateliers, étuvistes, vendeurs d'anges, d'écuelles et échelles, verriers, faiseurs de chapeaux et de bonnets, archiers, haubergiers, Ebuffletiers, oubliaiers (marchands de pâtisserie), écorcheurs, apothicaires, catendreurs, orfèvres et tapissiers. Quant aux bouchers, marchands de merrains et sauniers, ils étaient exemptés du guet, à la condition de payer annuellement trente sous de redevance. Les tonneliers ne devaient le guet que de la Madeleine à la Saint-Martin d'hiver et ils donnaient en outre une journée de travail.

Naturellement, lorsqu'on vit tant d'exemptions se produire, ce fut à qui demanderait à en bénéficier et on mit le même empressement à ne pas monter sa garde qu'on en avait montré pour être incorporé dans le guet. Les tailleurs prétendirent que les grandes robes qu'ils étaient obligés de confectionner pour les gentilshommes les obligeaient à travailler de nuit comme de jour, les foulons représentèrent qu'ils n'avaient pas guetté pendant tout le temps que le roi était outre-mer, ce qui dénotait implicitement qu'ils n'étaient pas soumis au guet ; les drapiers alléguèrent d'excellentes raisons pour rester chez eux. Bref, il fallut que le parlement s'en mêlât et condamnât ceux qui réclamaient à tort.

Alors, ce furent les habitants de la seigneurie de l'évêque de Paris qui se retranchèrent derrière leur qualité de justiciables de l'évêque, mais déjà les droits épiscopaux n'avaient plus la même force que jadis, et les réclamants en furent pour leurs réclamations. On fut bientôt obligé de se reposer presque uniquement sur le service du guet royal, commandé par le chevalier du guet. Et cependant ce n'était pas qu'il fût composé d'hommes bien recommandables.

Parfois, les sergents du guet, sous prétexte de protéger la population, la dévalisaient. Ce fut ainsi que peu de temps avant que Louis IX partit pour la Croisade, trois sergents du Châtelet s'en allèrent un jour par les rues soi-disant pour les besoins de leur service, mais en réalité afin de profiter des occasions que le hasard pourrait leur fournir pour voler la bourse de quelque honnête bourgeois. Or, ayant avisé un clerc qui regagnait son logis, nos trois sergents fondirent sur lui et le dépouillèrent de ses vêtements, au moment où il allait rentrer dans sa maison.

Le jeune homme, qui n'avait plus que sa chemise, résolut de tirer vengeance de ses voleurs ; il ouvrit la porte de sa chambre où l'attendait un garçonnet à qui il commanda de s'armer d'un vieux sabre recourbé, puis se saisissant lui-même d'une arbalète, sans prendre même le temps de se vêtir, il courut tout en chemise suivi de l'enfant, sur la trace de ses voleurs qu'il ne tarda pas à joindre.

« Quand il les vit, raconte Joinville, l'historien de la vie de saint Louis, il les escria et leur dit que ils mourraient. Le clerc tendit l'arbalète et trait et en feri l'un parmi le tuer (coeur) et les deux touchèrent à foie ; et le clerc prit le fauchon (sabre recourbé en forme de faulx) que l'enfant tenoit. Et les ensui à la lune qui estoit belle et clère. L'un en cuida passer par issi une soif (une haie) en un courtil (jardin) et le clerc fiert du fauchon et li trancha toute la jambe en tele manière que elle ne tint que à l'estival (à la botte) ; le clerc rensui l'autre, lequel cuida descendre en une estrange melon là où gent veilloient encore ; et le clerc feri du fauchon parmi la teste, si que il le fendi jusque es dens. Le clerc monstra son faict au prévost voisin de la rue et puis s'en vint mettre en prison. »

Les trois cadavres furent apportés au palais du roi et saint Louis à l'issue de la messe alla les voir et fit amener le clerc en sa présence ; puis, après s'être fait expliquer ce qui s'était passé : « – Sire clerc, fist le roy, vous avez perdu à estre prestre par vostre proesce, et pour vostre proesce, je vous retieng à mes gages, et en venez avec moy outre-mer. Et ceste chose vous foiz-je encore parceque je veil bien que mes gents voient que je ne le soustendrai en nulles de leurs mauvestiés. Quand le peuple qui là estoit assemblé oy ce, ils se escrièrent à notre Seigneur ! et le prièrent que Dieu li donnast bonne vie et longue, et le ramenast à joie et à santé. »

On sait que saint Louis aimait à rendre la justice et que « maintes fois, dit le même historien, ai vu que le bon saint, après qu'il avait ouï messe en été, il se allait esbattre au pied d'un chêne et nous faisoit asseoir tout emprès lui et tous ceux qui avoient affaire à lui venoient à lui parler, sans que aucun huissier ne autre leur donnast empêchement ».

A propos de cette justice, il se passa en 1256 un fait assez curieux : Deux faux monnayeurs avaient été arrêtés à Villeneuve-Saint-Georges ; au mois de mai ils furent pendus à Paris, dans la justice de Saint Germain des Prés. La justice du roi réclama leurs cadavres et prétendant qu'ils étaient ses tributaires, elle les fit pendre à nouveau. Le parlement s'émut de ces deux pendaisons ; une assemblée fut tenue à Melun pour juger cette importante affaire, et les deux faux monnayeurs furent pendus une troisième fois, par arrêt du parlement.

Les abbés de Saint-Germain-des-Prés ne plaisantaient pas sur leurs droits : chaque année le maréchal de France (car alors il n'y en avait qu'un) recevait le 28 mai, jour de la Saint-Germain, de l'abbé et des religieux de Saint-Germain-des-Prés, douze pains, douze setiers de vin et douze sous parisis ; mais de son côté, le maréchal était tenu de marcher devant l'abbé, un bâton blanc à la main pendant la procession et la messe.

Les gens de Chaillot devaient apporter à l'abbé tous les ans le jour de l'Ascension deux grands bouquets et six petits, un fromage gras fabriqué avec le lait des vaches qui paissaient dans l'île Maquerelle (île des Cygnes). Mais laissons de côté ces puérilités. Grande liesse à Paris en 1265 ; le roi d'Angleterre qui était en Gascogne, avait fait demander à Louis IX la permission de traverser Paris pour retourner dans ses États. Non seulement le roi de France la lui accorda, mais il voulut lui faire une réception brillante et il donna à Henri III le choix d'être logé au palais ou dans la maison du Temple que les chevaliers de l'ordre avaient magnifiquement aménagée. Henri choisit le temple « à cause du grand nombre d'appartements » qu'il contenait.

Tout le peuple alla voir l'entrée du roi d'Angleterre et examiner curieusement la suite de ce monarque. C'était la première fois qu'on assistait à pareille fête. Louis IX fit décorer avec des boucliers la plus belle salle du Temple et offrit à son hôte un festin si splendide, qu'un historien contemporain le met au-dessus des fêtes les plus célèbres de l'histoire ! « Le roi de France était assis entre le roi Henri et Thibaut Il roi de Navarre, la comtesse de Provence, mère de deux reines et de deux femmes des frères des deux rois, se trouva avec ses quatre filles à ce repas » où assistèrent douze évêques et vingt-deux ducs ou barons !

Rappelons que ce fut par Louis IX que l'administration municipale de Paris fut organisée et qu'en 1254, il nomma prévôt de Paris Étienne Boileau ou Boislève, dont plusieurs témoignages contemporains attestent le zèle et l'intégrité. On rapporte qu'il fit pendre un sien filleul, parce qu'on disait qu'il ne pouvait s'empêcher de voler ; ainsi qu'un « sien compère, » qui avait nié un dépôt. Il s'appliqua d'abord à punir les auteurs des crimes qui se commettaient dans Paris. Jusqu'alors, les prévôts fermiers avait tout vendu, jusqu'à la liberté du commerce, et les impôts sur les denrées étaient excessifs ; il remédia à l'un et à l'autre.

Il rangea tous les marchands et artisans en différents corps de communautés sous le titre de confréries ; il en dressa les premiers statuts et en établit les premiers réglements. « Ce qui fut fait avec tant de justice et une si sage prévoyance, a dit le président Hénault, que ces mêmes statuts n'ont presque été que copiés ou imités dans tout ce qui a été fait depuis pour la discipline des mêmes compagnies, ou pour l'établissement des nouvelles. »

Ces corporations de métiers furent fixées pour Paris à cent, et voici dans quel ordre il les rangea :

Les talmeliers (boulangers), les meuniers du Grand-Pont, les blatiers (marchands de grains en gros), les mesureurs de blé, les crieurs de Paris, les jaugeurs, les taverniers, les cervoisiers (brasseurs), les regrattiers de pain, de sel, de poisson de mer et de toutes autres denrées, hors poisson d'eau douce (les regrattiers d'alors remplaçaient à la fois les fruitiers et les épiciers d'aujourd'hui), les orfèvres, les potiers d'étain, les cordiers, les ouvriers de toutes menues oeuvres d'étain et de plomb, les fèvres (ouvriers en fer, maréchaux ferrants, faiseurs de vrilles de greffes (fermetures) et haumiers, les couteliers, les serruriers, les boîtiers, les batteurs d'archal, les faiseurs de boucles en fer, archal, cuivre et laiton, les tréfiliers de fer, les tréfiliers d'archal, les cloutiers, les haubergiers (fabricants de cottes de mailles en fer, les patenôtriers d'or et de cor (les fabricants de chapelets), les patenôtriers d'ambre et de gest, les cristalliers, les batteurs d'or et d'argent à filer, les batteurs d'étain, les batteurs d'or et d'argent en feuilles, les laceurs de fil et de soie, les fillaresses (fileurs) de soie à grands fuseaux, les fillaresses de soie à petits fuseaux, les crépiniers de fil et de soie, les ouvrières de tissus de soie, les couturiers de fil, les ouvriers en draps de soie et en velours, les fondeurs et les mouleurs, les fremaillers de laiton (ceux qui fabriquaient les fermoirs pour les livres), les faiseurs de bouclettes (petites boucles) à souliers, les tisserands pour chapeaux de soie, les lampistes, les barilliers (tonneliers), les charpentiers, les maçons, tailleurs de pierres, plâtriers et morteliers, les escuelliers (fabricants d'écuelles), les tisserands de langes, les tapissiers de tapis sarrasinois (c'est-à-dire d'Orient), les tapissiers de tapis notrez (communs), les foulons, les teinturiers, les chaussiers (culottiers), les tailleurs de robes, les liniers (marchands de lin), les marchands de chanvre, les chanevassiers (fabricants de canevas), les épingliers, les imagiers tailleurs et ceux qui taillent (sculptent) les crucifix, les peintres et tailleurs d'images (sculpteurs), les huiliers, les chandeliers de suif, les gainiers, les garnisseurs de gaines et faiseurs de viroles, de chevilles et de gaines de laiton d'archal et de cuivre, les pingniers et les lanterniers, (les pingniers mettaient aux lanternes des tablettes de cornes qui remplaçaient le verre), les cuisiniers, les poulaillers (marchands de volaille), les déiciers (fabricants de dés à jouer), les boutonniers et les déiciers d'archal de cuivre et de laiton (dés à coudre), les étuvistes (baigneurs), les potiers de terre, les merciers, les fripiers, les boursiers et braiers (fabricants de bourses et caleçons, culottes), les peintres et selliers, les chapuiseurs (fabricants de la charpente en bois des selles), les blasoniers (garnisseurs de cuir), les lormiers (fabricants de freins, rênes, mors), les corroyeurs, les cordonniers, les cavetonniers (cordonniers en basane), les savetiers, les corroiers (fabricants de courroies),les gantiers, les feiniers (marchands de foin), les chapeliers de fleurs, les chapeliers de feutre, les chapeliers de coton, les chapeliers de paon (plumassiers), les fourreurs de chapeaux, les feseresses de chapiaux d'orfrois (les marchandes de modes), les archers, les pêcheurs, les poissonniers d'eau douce, les poissonniers d'eau de mer.

Jetons maintenant un coup d'oeil sur la situation faite au moyen âge aux travailleurs, artisans, ou gens de métiers à Paris. A cette époque, pour avoir le droit d'exercer un métier, on payait une somme soit au seigneur s'il existait une justice seigneuriale dans le quartier, soit aux gens qui étaient titulaires du droit. de l'exercer par délégation du roi. C'est-à-dire que le roi faisait don ou cession d'un métier à un homme de sa cour qu'il voulait favoriser, et celui-ci cédait, moyennant finance, à des artisans l'exploitation de ce monopole. C'était à peu près ce qui se passe de nos jours pour les bureaux de tabac qui sont donnés à des veuves d'officiers, etc., avec autorisation de les affermer.

Ainsi les boulangers relevaient du grand pasnetier, les marchands de vin du grand échanson, les forgerons du maréchal du palais, etc. Ces grands officiers, non seulement avaient le droit d'autoriser et de vendre l'exercice du métier, mais encore, ils en conservaient la surveillance. Cependant, comme bourgeois, les artisans étaient soumis à la juridiction du prévôt de Paris ; c'était devant lui que les métiers portaient leurs contestations et ils s'adressaient au roi lorsqu'il s'agissait de faire reconnaître ou sanctionner leurs droits.

Le prévôt Etienne Boileau dans son Livre des métiers réglementa les statuts des cent corporations qui furent gouvernées par un ou plusieurs syndics que l'on désignait indifféremment, sous les noms de prud'hommes, jurés, gardes du métier. Ils étaient nommés, lisons-nous dans l'Histoire des corporations françaises, par le prévôt de Paris ou choisis et élus par leurs pairs, et formaient sous le nom de syndicat ou de jurande, le pouvoir dirigeant de leur corporation respective. Ils jugeaient les différends qui s'élevaient entre ses membres, leur infligeaient des amendes et d'autres punitions en cas de contraventions aux statuts du métier. C'étaient eux qui recevaient les apprentis et veillaient au contrat passé entre ceux-ci et le maître chez qui ils entraient et dans l'atelier duquel ils devaient rester depuis une jusqu'à huit et dix années.

Les enfants des maîtres étaient dispensés de cette formalité ; on supposait que le fils d'un maître, élevé clans la profession de son père, faisait un apprentissage naturel. C'étaient aussi les syndics qui présidaient à l'admission dans la maîtrise de l'apprenti qui avait fait son temps, jugeaient le chef-d'oeuvre que celui-ci était tenu de produire et recevaient son serment qui consistait à jurer sur saint, « qu'il garderait le métier bien et loyalement ».

Dès qu'il était reçu, le nouveau maître payait au roi de 6 à 30 sols (c'est-à-dire 25 à 160 francs), et donnait en outre un banquet à ses confrères et aux syndics qui l'avaient reçu. De maître à compagnon il y avait une grande différence. Le maître, admis dans la corporation, travaillait pour son compte, c'était interdit au compagnon ; celui-ci après avoir fini son apprentissage et n'ayant pas le moyen de faire les dépenses nécessaires pour être reçu maître, travaillait chez les autres et il lui était interdit quel que fût son talent, de rien produire pour son compte personnel, sous peine de voir son oeuvre confisquée et vendue au profit du roi, des syndics et du dénonciateur et en outre, de payer une amende.

Tout était minutieusement réglementé dans la vie de l'artisan. « Les heures mêmes, dit M. Mazaroz, que l'on pouvait consacrer au travail, étaient, dans une foule de métiers, réglementées et restreintes. » On devait cesser le travail avec le jour et il était interdit à beaucoup d'ouvriers, « d'ouvrer à la lumière quar la clarté de la nuit n'est mie soufisant à fère le mestier ». Il est bien entendu que l'on chômait les dimanches et fêtes. Le samedi, maîtres et apprentis déposaient leurs outils au dernier coup de vêpres de la paroisse ; les autres jours ouvrables, le travail prenait fin au premier son de l'angelus à Saint-Merry ou à Notre-Dame et le silence se faisait partout, excepté chez les barilliers. Quant à ceux-ci, c'était autre chose, ils confectionnaient les fûts qui devaient contenir les vins fins des « riches homes et des haus homes » et ils étaient dès lors entièrement libres de se livrera leur bruyant métier les dimanches, voire les grandes fêtes.

Les statuts portés au livre des métiers eurent longtemps force de loi et les corporations furent très utiles aux rois pour la perception de la taille, néanmoins on ne tarda pas à apporter des améliorations à la condition des apprentis et des compagnons ; Philippe le Bel supprima les longs services et les rétributions auxquels les maîtres assujettissaient les apprentis ; en 1358, le régent Charles reconnut dans une ordonnance que les règlements corporatifs étaient faits plus en faveur et profit des personnes de chaque métier que pour le bien commun.

En effet, les longs apprentissages avaient été rétablis, les rétributions pécuniaires avaient été de nouveau imposées aux apprentis, et les maîtres ne cherchant que leur avantage personnel, faisaient tous leurs efforts pour exclure des marchés de Paris les marchands et les artisans non immatriculés. Ce qu'il est bon de remarquer, c'est le soin méticuleux que les syndics prenaient pour empêcher la fraude dans la fabrication, et des peines sévères étaient édictées contre tout marchand ou fabricant qui employait de mauvaise marchandise.

A l'amende, le cordonnier qui se servait de peau de brebis, ou de chien tanné, en place de bonne et fine basane d'Auvergne ou de Provence. A l'amende, celui qui vendait une pelote de fil de chanvre, mêlé à du fil de lin. A l'amende, l'orfèvre qui mêlait des perles d'Ecosse aux perles d'Orient. Ces traditions de loyauté dans la fabrication des objets de toute nature furent longtemps l'honneur de l'industrie et du commerce parisiens. Hélas ! que sont-elles devenues !


Saint-Louis allait se mettre au pied d'un chêne,
et tous ceux qui avaient affaire avec lui,
venaient lui parler pour obtenir justice.
Lorsqu'en juin 1467 Louis XI arma les Parisiens pour les passer en revue en septembre, il imposa à tout habitant de Paris l'obligation de faire partie d'une corporation, et il exigea que tout nouveau venu dans la capitale ne pût y séjourner plus de deux mois, sans se faire recevoir dans l'une d'elles.

Nous verrons sous les successeurs de Charles VIII les corporations englober non seulement tous les marchands et fabricants, mais « il n'y eut plus une industrie, un métier, un labeur, une occupation, un gagne pain, quelque modeste et humble qu'il fût, qui eût le droit d'exister en dehors de ce cercle infranchissable. Tout métier, tout art, reçut ses statuts qui le mettaient en jurande, et quiconque voulut vivre de ce qu'il savait faire, fut tenu d'entrer dans une communauté et de payer ses droits de réception. » Quant à ceux qui ne pouvaient pas payer, il fallait qu'ils s'arrangeassent pour vivre sans travailler et sans manger.

Les corps marchands furent formés par la réunion des maîtres des six commerces principaux de Paris : pelletiers, drapiers, merciers, bonnetiers et orfèvres.

Les drapiers de Paris étaient en possession de statuts datant de 1188, et qui leur avaient été concédés par Philippe-Auguste et plus tard ils formèrent le premier corps, à la suite d'une cérémonie à laquelle le corps des pelletiers ne se trouva pas présent quand on fut prêt à se mettre en marche, le prévôt des marchands commanda le corps des drapiers pour marcher à la place de celui des pelletiers et depuis les drapiers se maintinrent toujours au premier rang. Ils habitaient la rue de la Draperie, depuis nommée rue de Constantine. Leurs maisons étaient exemptées de la taille.

Ils possédèrent la halle aux draps dont ils nommaient le garde et les vingt-quatre courtiers et auneurs de drap de Paris ; ils portaient pour armoiries d'azur (bleu) au vaisseau d'argent voguant sur une onde de sinople (vert).

Le troisième corps, celui des merciers, était le plus nombreux ; lorsqu'on le verra plus loin, Henri II passa une revue des gens de pied de Paris, il trouva sous les armes plus de 3,000 merciers. Leur bureau était rue. Quincampoix, ils avaient pour armoiries de sinople, au soleil d'or accompagné de trois nefs d'argent, â la bannière de France. Les statuts et règlements des merciers ne datent que de 1407, époque à laquelle ces marchands furent réunis en jurande, mais déjà, sous Charlemagne, il y avait un roi des merciers, premier officier qui veillait aux intérêts du commerce. Il résidait à Paris, mais il avait des lieutenants dans les principales villes pour faire exécuter ses ordres et exercer la juridiction qui lui était attribuée.

Le roi des merciers donnait des lettres de maîtrise et des brevets d'apprentissage, pour lesquels on lui payait des droits assez élevés ; il présidait à la vérification des poids et mesures et à l'examen des ouvrages et des marchandises.

Il faut croire que l'exercice de cette charge engendra de nombreux abus, car François Ier et ses successeurs firent tous leurs efforts pour l'abolir. Enfin ce fut Henri IV qui, en 1597, supprima le roi des merciers avec ses lieutenants et ses officiers, et cassa en même temps toutes les lettres de maîtrise ou d'apprentissage que cet officier avait données ou fait délivrer en son nom.

 


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