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HISTOIRE
DE PARIS
(D'après Paris
à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens
depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours,
paru en 1879)
Louis IX. – Blanche de Castille – Les écoliers. – Sainte-Catherine du Val des Écoliers. – Les cordeliers. – Les Filles-Dieu. – Un clou perdu. – Saint-Leu-Saint-Gilles. – La Sainte-Chapelle – Le collège des bernardins. – Le départ. – Les Pastoureaux. – L'affranchissement des serfs. – Le collège des prémontrés. – Les jacobins et les bedeaux. – Les blasphémateurs. – Supplices. – Les filles de joie. – Les juifs. – Les chartreux. – Les métiers. – Le bourreau. La régence passa aux deux frères du roi, Alphonse et Charles revenus de terre sainte. Ce fut sous cette régence que fut fondé le collège de Prémontré (rue Hautefeuille). Le général de cet ordre avait acheté à Paris en 1252 une maison appelée Pierre-Sarrazin, et en 1255 quelques autres (près la rue Mignon), et sur leur emplacement furent bâtis le collège et une église qui fut reconstruite en 1618. Ce collège s'agrandit successivement par plusieurs acquisitions. Il devint propriété nationale en 1790 ; les bâtiments furent vendus le 20 février 1792 ; le rond-point du sanctuaire de l'église devint le café de la Rotonde. En 1253 Paris s'occupa d'une querelle qui s'éleva entre l'Université et les jacobins. Ceux-ci n'avaient point voulu prendre parti dans une insulte que l'Université prétendait avoir reçue des archers du guet qui avaient tué et blessé plusieurs écoliers dans une rixe ; l'Université irritée retrancha les jacobins du corps enseignant et deux de ses bedeaux entrèrent dans l'école des jacobins ou plutôt des dominicains prêcheurs, pour faire lecture de cet arrêt, les religieux se jetèrent sur les bedeaux et les battirent. Alors le recteur de l'Université se
Louis IX arriva à Paris en septembre 1254. Il fut bien accueilli par les Parisiens qui lui firent une entrée brillante. Naturellement, les écoliers en profitèrent pour se signaler par quelques actes de turbulence. Cette fois, ce n'était pas contre les bourgeois qu'ils se signalaient, mais bien contre les moines mendiants. C'était chaque jour querelle nouvelle entre les gens de l'Université et les gens d'église, et les hostilités durèrent jusqu'en 1260. Saint Louis s'occupa tout d'abord de réglementer la façon dont se rendait la justice et il commença par interdire aux juges de recevoir des plaideurs des cadeaux dont l'importance avait pour objet de faire pencher la balance du côté du plus généreux, et il décida qu'ils ne pourraient désormais accepter que des présents en dragées, confitures, fruits, etc., dont la valeur n'excèderait pas dix sous. Dix-huit ordonnances furent rendues parle roi en 1251. Entre autres, on remarque celle qui défend de mettre en prison pour crime celui qui peut donner caution, à moins que le crime ne soit « grandement qualifié ». Une autre portait défense de mettre à la question sur la déposition d'un seul témoin. Saint Louis n'aimait pas les juifs et il rendit
contre eux une ordonnance leur portant « injonction
de cesser leurs usures, blasphèmes, sortilèges, caractères,
et que leur Thalmud soit brûlé avec défense aux chrétiens
d'exercer aucune usure. » L'ordonnance contre les blasphémateurs
fut exécutée avec une sévérité barbare
; le roi considérait comme un crime abominable de prendre Dieu
ou quelque autre personne sacrée à témoin pour affirmer
un fait, et cependant lui-même, dans sa jeunesse jurait «
par les saints de céans » ; mais son confesseur lui
ayant démontré l'inconvenance d'un tel juron, il cessa de
l'employer. Or, non content d'avoir opéré cette sage réforme
sur lui-même, il voulut l'imposer aux autres par la force et il
ne craignit pas d'ordonner que quiconque jurerait serait mis au cachot
au pain et à l'eau, puni du fouet et du supplice de Après que le blasphémateur avait reçu sur les reins un nombre déterminé de coups de fouet, il était attaché à l'échelle, c'est-à-dire à une sorte de pilori ou de carcan dressé sur la place publique, ce qui le notait d'infamie, et il restait là un certain nombre d'heures, exposé aux injures de la foule qui ne cessait de l'invectiver. Ce fut ainsi qu'un malheureux orfèvre convaincu de blasphème fut attaché presque nu à l'échelle, ayant autour du cou les boyaux et la fressure d'un porc « en si grande quantité qu'elle lui venait jusqu'au nez ». On lit dans la Vie de saint Louis, que le roi faisait marquer au front, brûler les lèvres et percer la langue aux jureurs avec un fer ardent. Il avait fait fabriquer pour cet usage une plaque de fer ronde, munie d'une baguette au milieu qu'il faisait appliquer toute rougie au feu sur les lèvres du patient, attaché nu jusqu'à la ceinture, à l'échelle. C'est ce qu'on appelait cuire les lèvres. Et l'ardeur du roi était telle pour extirper de son royaume l'habitude de jurer, que pour ce crime nul ne trouvait grâce à ses yeux, et que les grands personnages étaient punis avec la même sévérité que les gens du peuple. Aussi, murmurait-on hautement contre ces punitions barbares. Quelques personnes de la cour s'en plaignirent au pape Clément VIII, qui en 1268 adressa une bulle à Louis IX pour le prier de vouloir bien modérer un peu son zèle. Le roi n'était pas homme à désobéir au pape ; il fit laisser de côté la tige de fer rouge, et désormais les blasphémateurs en furent quittes pour payer l'amende et pour recevoir quelques coups de fouet. Une des ordonnances de 1254 fut mieux accueillie par les bourgeois de Paris qui ne cessaient de s'indigner du nombre toujours croissant des filles de mauvaise vie qui pullulaient dans les rues. Déjà il avait été défendu aux habitants de Paris de louer leur maison aux ribaudes, sous peine de voir ces maisons confisquées. Louis IX ordonna que ces filles seraient chassées de la ville et de la campagne, que leurs biens seraient pris et adjugés au premier occupant ; qu'elles seraient elles-mêmes dépouillées de leurs vêtements et mises dans des maisons de force pour y être punies de leurs débordements. Mais cet excès de sévérité eut pour résultat d'en rendre l'exécution impraticable. Louis IX se vit dans la nécessité de modérer la rigueur de cet édit et d'en rendre un autre, par lequel il fut ordonné que toutes « les folles femmes de leur corps et communes » seraient mises hors des maisons particulières, et défense fut faite aux propriétaires d'habitations de leur louer des locaux où elles pussent se livrer à leur honteux trafic. Un nom spécial fut donné aux
endroits où elles furent obligées de se retirer. C'était
de petites logettes où il leur était défendu de passer
la nuit (logette en saxon se traduit par bord). Leur emplacement fut désigné
dans certaines rues. De plus, il fut interdit à ces femmes de porter
des broderies, des boutonnières d'argent et antres ornements de
parure réservés aux honnêtes femmes. Au XIIIe siècle c'était surtout chez les femmes, plus exposées à la misère et aux séductions de Paris, que la corruption était grande. « La soie, dit M. E. Levasseur, était alors une marchandise très chère. (elle valait 76 sous la livre) ; les merciers la donnaient à filer à des ouvrières en chambre ; celles-ci résistaient difficilement à la tentation de se l'approprier ; elles la mettaient en gage chez des juifs, la vendaient et déclaraient au marchand qu'elles l'avaient perdue, ou rendaient de la bourre filée au lieu de soie. Le prévôt de Paris avait été obligé pour arrêter ce genre de vol, de rendre en 1275 une ordonnance portant bannissement contre les femmes qui s'en rendaient coupables et peine du pilori si elles rentraient dans la ville. La sévérité du châtiment ne les empêcha pas de continuer, et il fallut en 1283 faire à cet égard un nouveau règlement qui fut sans doute aussi impuissant que le premier. Certaines ouvrières vivaient dans la débauche et par la débauche. Les dévideuses entre autres avaient une très mauvaise réputation ; c'était d'ordinaire chez elles ou dans les établissements de bains que les écoliers, que l'on retrouve à cette époque, partout où il y a quelque orgie, allaient perdre avec leur santé le dernier argent qu'ils n'avaient pas dépensé au cabaret. Quelquefois même, c'étaient des filles de maître, qui usant du droit qu'elles avaient de s'établir quand elles savaient le métier, quittaient leurs parents, et sous prétexte de prendre un apprenti prenaient un amant avec qui elles dépensaient leur argent ; puis quand elles avaient tout épuisé, elles rentraient dans leur famille avec «moins d'avoir, dit un règlement du temps, et plus de péchés ». Ce désordre était assez fréquent pour que les corroyeurs aient cherché à y mettre obstacle dans leurs statuts ; dans la suite, ils effacèrent cet article « pour l'honneur du corps ». Après les femmes de mauvaise vie vinrent
les juifs. Le roi était tout disposé à les chasser
encore une fois de Paris ; cependant, sur le conseil qui lui fut donné,
il pensa qu'il vaudrait peut-être mieux les contraindre à
embrasser le christianisme. Ceux qui, fidèles à leur religion, promirent d'exécuter la condition qu'on exigeait d'eux, durent en outre faire coudre sur le devant de leur robe une pièce de feutre ou de drap jaune d'une palme de diamètre et de quatre de circonférence (la palme équivalait à la longueur de la main). Cette marque (qui n'était qu'une réminiscence) fut appelée rouelle. Lorsqu'on rencontrait dans les rues de Paris un juif qui ne l'avait pas, les sergents d'armes confisquaient sa robe, l'emmenaient en prison et il n'en sortait qu'en payant une amende de dix livres. Tous les juifs étaient assujettis à la servitude, et le roi et les nobles avaient des juifs dont ils pouvaient disposer. L'Assemblée dite de Melun, qui s'était tenue en 1230, permit à chaque seigneur de reprendre son juif en quelque lieu qu'il le trouvât, même hors de sa juridiction. Cette loi subsista longtemps. Lorsque Louis IX mourut, sa veuve Marguerite de Provence eut son douaire assigné sur les juifs qui lui payaient deux cent dix-sept livres, sept sous, six deniers, par quartier. Robert de Sorbon, chapelain du roi saint Louis, était chanoine de Paris, lorsqu'en 1253, il conçut le projet très louable de bâtir une maison spéciale à un certain nombre d'ecclésiastiques séculiers, docteurs en théologie, qui y vivraient en commun et enseigneraient leur science à de pauvres écoliers qui, généralement, étaient obligés de mendier leur pain pour pouvoir s'instruire. Le roi voulut s'associer à cette bonne oeuvre et en 1256, il acheta et donna à Robert de Sorbon, une maison située rue Coupe-Gueule, devant le palais des Thermes, et en 1258 deux autres immeubles, l'un rue des Deux Portes et l'autre rue des Maçons. (La rue des Maçons Sorbonne, aujourd'hui rue Champollion, était déjà construite au commencement du XIIIe siècle, celle des Deux Portes Saint André, fut supprimée par le boulevard Saint-Germain). Robert de Sorbon avec l'aide de Guillaume de Bray, archidiacre de Reims, Robert de Douay, chanoine et médecin de la reine, Geoffroi de Bar et Guillaume de Chartres, un des aumôniers du roi, put ouvrir son collège qui, de son nom, fut appelé Sorbonne, et compta dès les commencements outré les étudiants pauvres, des docteurs, des bacheliers boursiers et des bacheliers non boursiers ; ceux-ci payaient à la maison cinq sous et demi parisis par semaine ; les boursiers n'avaient rien à payer. Le collège était dirigé par les associés qui n'avaient ni supérieurs ni principal. On y enseignait la théologie d'une manière complète. On s'y appliquait aussi à l'examen des questions de morale et à la solution des cas de conscience. Cette société de théologie fut bientôt connue du monde chrétien sous le nom de communauté des pauvres maîtres. Elle fut aussi désignée sous les noms de maison très pauvre, et de pauvre Sorbonne. Les écoliers se nommaient les pauvres de Sorbonne. Pendant le règne de saint Louis, le nombre de ceux qui y furent admis gratuitement s'éleva à cent. Pour obtenir le titre de docteur, il fallait avoir fait ses études dans le collège, y avoir argumenté pendant dix ans et soutenu diverses thèses divisées en mineure, majeure, sabbatine, tentative, petite et grande sorbonne. C'est dans cette dernière que le candidat, devait, sans boire ni manger, sans quitter sa place, soutenir et repousser les attaques de vingt assaillants ou ergoteurs qui, se relayant de demi-heure en demi-heure, le harcelaient depuis six heures du matin jusqu'à six heures du soir. Dans les premiers temps, le récipiendaire faisait cadeau d'un bonnet à chacun des docteurs qui assistaient à la cérémonie de son admission, et plus tard un don de vingt sous parisis remplaça le bonnet. Les démêlés de la Sorbonne avec l'Université furent nombreux ; à peine fondée, elle eut aussi à lutter contre les ordres mendiants qui tentèrent de l'envahir et la Sorbonne décida qu'un seul religieux de chacun de ces ordres pourrait obtenir le titre de docteur en Sorbonne. Un autre collège, dit de Saint-Denis, fut aussi fondé à peu près dans le même temps, près la rue Saint André des Arts et la rue Dauphine ; les écoliers qui le fréquentaient étaient désignés sous le nom d'écoliers de Saint-Denis, mais en 1607, il n'existait plus et ses bâtiments furent abattus. La rue des Grands-Augustins passa sur une partie de leur emplacement. Les Grands Augustins étaient des religieux qui, en 1256, furent amenés d'Italie à Paris par les soins de saint Louis ; ils s'établirent d'abord rue Montmartre près la porte Saint-Eustache, dans un lieu environné de bois et où se trouvait une chapelle dédiée à sainte Marie l'Egyptienne (dont on fit plus tard la Jussienne, au coin de la rue Montmartre et de la rue de la Jussienne) ; c'était dans cette chapelle qu'était établie la corporation des drapiers de Paris. Reconstruite au XIVe siècle, elle fut vendue le 8 décembre 1791 et démolie au mois de juin 1792. En 1285, ces religieux quittèrent leur moustier de la porte Saint-Eustache pour aller demeurer dans le clos du Chardonnet (rue Saint-Victor), et une rue fut ouverte à côté de leur ancienne demeure. On en appela une partie rue des Augustins et l'autre rue Pagevin, plus tard elle se nomma rue des Vieux-Augustins. Le monastère du clos du Chardonnet ne tarda pas à déplaire aux augustins qui avaient cependant obtenu du roi Philippe le Bel un privilège qui défendait à toute personne de passer le long des murailles et tournelles l'avoisinant, sans leur en avoir demandé la permission, et ils s'entendirent avec les frères sachets qui, par acte du 14 octobre 1293, leur cédèrent la maison qu'ils possédaient sur le bord de la Seine, dans le territoire de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Ces frères sachets ou frères sacs, ainsi nommés parce qu'ils étaient vêtus d'une robe en forme de sac, sans ceinture, avaient aussi été établis à Paris par saint Louis, sous le nom de frères de la Pénitence de Jésus-Christ, et faisaient profession d'une austérité singulière. Tous les matins, ils s'en allaient par les rues de Paris, comme le faisaient du reste les moines de tous les ordres mendiants, quêter leur pain. C'est ainsi que les Parisiens entendaient quotidiennement crier : du pain pour les frères de Saint-Jacques ! du pain aux carmes ! du pain pour les frères de Saint-Augustin ! du pain pour les frères cordeliers ! du pain pour les aveugles des Quinze-Vingts. Du pain pour Jésus notre sire ! (c'étaient les filles-Dieu qui criaient de la sorte). Du pain pour les pauvres écoliers ! etc., etc. A ces demandes réitérées, incessantes, il faut ajouter les cris de tous les marchands et gens de métiers. Dès le jour venu, c'était l'étuviste qui criait : Allons, seigneur, allons baigner ! les bains sont prêts ! Le tailleur criait : vestes et manteaux à vendre ! qui a des manteaux, des pelisses à raccommoder, il fait bien froid ! Les chandeliers : chandelle de toile, chandelle qui fait plus clair que mille étoiles ! Le marchand de vins : bon vin à trente-deux, à seize, à douze, à six et à huit deniers. L'auteur des Crieries de Paris au XIIIe siècle, termine sa nomenclature en disant : « Il y a bien d'autres cris que je ne saurais rapporter ; le nombre des marchandises à vendre est si considérable, que je ne puis m'empêcher de dépenser et si j'achetais seulement un échantillon de chaque espèce, quelle que fût ma fortune elle y passerait bientôt. » Or les sachets ne recueillaient pas grande aumône de vivres, il faut croire, car ils subsistèrent peu de temps et disparurent de Paris après avoir vendu leur monastère, ils se retirèrent en province et dans les pays étrangers. Il y avait aussi les sachettes appelées indifféremment pauvres femmes des sacs, sachetines ; elles possédaient un couvent dans la rue du Cimetière Saint André des Arts (de la rue de l'Éperon à la place Saint André des Arts), qui s'appelait alors rue des Sachettes. Puis les béguines. Le couvent des béguines fut fondé en 1264 par saint Louis dans la rue des Barrés près la porte Barbel ; (la rue des Barrés prit alors le nom de rue des Béguines ; elle reprit son nom de rue des Barrés sous François Ier, elle allait de la rue Saint-Paul à la rue du Fauconnier, c'est aujourd'hui la rue de l'Ave-Maria) ; il les avait fait venir de Flandre pour en doter Paris, il leur acheta une maison et les y plaça au nombre de quatre cents. En 1471 elles étaient réduites à trois personnes. Leur couvent fut à cette époque donné aux filles de l'Ave Maria. En 1258, étaient venus aussi s'installer de Marseille à Paris « une manière de frères que l'on appelle l'ordre des Blancs-Manteaux, et requisrent au roy que il leur aidast que ils puissent demeurer à Paris. Le roy leur acheta une méson et vielz places en tour pour eulz herberger, de lez la viex porte du Temple à Paris, assez près des tissarans ». Ce fut le peuple qui les appela Blancs-Manteaux en raison des vêtements qu'ils portaient, mais leur véritable nom était serfs de la vierge Marie. Amauri de La Roche, grand maître du Temple, les autorisa à avoir (rue des Blancs-Manteaux) un cimetière, une chapelle et un couvent. Les bâtiments furent élevés par les aumônes des particuliers et la libéralité de saint Louis. En 1274, l'ordre fut supprimé et le couvent fut occupé par 1297 par des guillemites qui furent réformés et réunis aux bénédictins en 1618. Le monastère fut reconstruit en 1685 et supprimé en 1790 ; l'église fut rachetée par la ville en 1807 et devint Notre-Dame des Blancs-Manteaux. Parmi les établissements religieux qui furent créés à Paris sous saint Louis, il faut comprendre le collège de Cluny fondé par Yves de Vergy, abbé de Cluny, sur la place Sorbonne. En 1269, cet abbé bâtit le réfectoire, le dortoir et la moitié du cloître qu'il entoura de bonnes murailles et ce fut son neveu et successeur à l'abbaye, Yves II,qui fit bâtir l'église, le chapitre et l'autre moitié du cloître. Il était destiné aux jeunes religieux de la congrégation qui venaient étudier à Paris. L'église du collège de Cluny aujourd'hui détruite et dont il ne subsiste que des débris conservés à l'hôtel de Cluny, était regardée comme une merveille d'architecture, digne d'être comparée à la Sainte-Chapelle. Lors de la révolution de 1789 le collège et l'église devinrent propriétés nationales, furent vendus et passèrent dans les mains des particuliers. L'église elle-même subsistait encore en 1833 et l'on pouvait, de la place Sorbonne admirer les contours déliés de son architecture à jour ; c'était dans une partie de cet édifice que le peintre David avait établi son atelier. Plus tard, tout ce qui restait de ce monument comparé à l'oeuvre de Pierre de Montereau fut remplacé par des bâtiments modernes et en 1859, lors de l'ouverture du boulevard de Sébastopol, les derniers vestiges de l'église d'Yves II disparaissaient sans laisser de trace. La colonne au chapiteau finement sculpté et orné de feuillages, deux roses en pierre, l'épi qui surmontait le couronnement de la façade, les consoles et onze clefs de voûte ont été déposés avec soin et apportés à l'hôtel Cluny, ainsi que nous l'apprend son catalogue. Citons aussi l'église Saint-Sauveur située rue Saint-Denis, au coin de la rue Saint-Sauveur, (ancienne chapelle de la Tour) reconstruite en 1537 et démolie, l'église Saint-Josse, à l'angle des rues Aubry le Boucher et Quincampoix, reconstruite en 1679, démolie en 1791. Le collège de Calvi ou la petite Sorbonne, fondé par Robert de Sorbon pour qu'on y enseignât les basses classes. Il fut abattu lorsque Richelieu fit rebâtir la Sorbonne. Le collège des Dix-Huit, qui, fondé d'abord en 1171 près Notre-Dame, fut réuni à celui de Calvi ; il était occupé par dix-huit pauvres écoliers qui, moyennant une faible redevance, étaient chargés de jeter de l'eau bénite sur les corps morts de l'Hôtel-Dieu. Au milieu de toutes ces fondations inspirées par le zèle que ne cessa de montrer saint Louis pour tout ce qui tenait au développement de l'enseignement religieux, on est heureux de constater la création d'une maison hospitalière d'un caractère purement civil et dont l'utilité est incontestable : nous voulons parler de l'hôpital des Quinze-Vingts. La tradition veut que cette maison ait été fondée en faveur des trois cents chevaliers que les Sarrazins auraient reçus du roi en otage et qu'ils auraient aveuglés avant de les lui rendre. Mais cette version, lancée pour la première fois dans la circulation par l'historien Belleforest, doit être considérée comme une fable, puisque les contemporains de saint Louis n'en soufflent pas mot. Joinville dit que cet hôpital fut fondé pour trois cents pauvres aveugles et Rutebeuf a laissé des vers dont voici le sens : « le roi a mis en un repaire, je ne sais pourquoi faire, trois cents aveugles qui s'eh vont dans Paris par triple paire et ne cessent de braire. Ils n'y voient goutte, se fâchent, se poussent, se heurtent, et si le feu prend à leur maison il n'est pas douteux que le roi aura à la refaire. » On commença à bâtir cet hôpital dans la rue Saint-Honoré (à peu près au coin de la rue de Rohan) en 1254, et le bâtiment n'était pas encore complètement achevé en 1260, lorsque le pape Alexandre IV accorda des indulgences à tous ceux qui le visiteraient. En 1269, saint Louis donna à l'hôpital trente livres parisis de revenu annuel, à la condition que ce potageaux aveugles. En 1270, il chargea son grand aumônier de cette somme serait employée à faire du nommer à toutes les places qui deviendraient vacantes. En 1343, Pierre des Essarts donna aux Quinze-Vingts un grand logis appelé l'hôtel des Tuileries et qu'ils vendirent plus tard lorsqu'on bâtit le palais des Tuileries sur son emplacement. Une église fut naturellement jointe à l'hôpital ; elle était sous le vocable de saint Remy. Peu de temps après l'installation des Aveugles dans la maison, on reconnut qu'ils étaient trop nombreux, eu égard aux gens de service qui leur étaient nécessaires, et on en réglementa le nombre qui fut fixé définitivement à 140 hommes aveugles, 60 voyants pour les conduire et s'occuper de l'intérieur de la maison, 98 femmes tant aveugles que voyantes qui, avec « le maître » (directeur) et le portier formaient 300 personnes (quinze-vingts). Les Quinze-Vingts restèrent dans leur hôpital jusqu'en 1779 ; à cette époque, le cardinal de Rohan, grand aumônier de France, et en cette qualité, administrateur de l'hospice, les transféra dans le grand hôtel, bâti en 1701, rue de Charonton, pour les mousquetaires noirs, fit démolir les anciens bâtiments, vendit une partie des terrains et fit ouvrir sur le reste plusieurs rues, dont un seul tronçon subsiste aujourd'hui : la rue de Rohan. Le nombre des aveugles admis fut alors porté à 800 ; ils recevaient 4 franc par jour et quelquefois 1 franc 30 ; chaque enfant né à l'hôpital touchait 10 centimes par jour jusqu'à seize ans, on lui faisait alors apprendre un état. Un arrêt du parlement du 14 mars 1783 y établit une classe de malades des yeux pour 20 pauvres de province et 20 pauvres de Paris. Sous la République, l'organisation de l'établissement fut changée et l'hôpital fut désigné sous le nom de maison des Aveugles (26 brumaire an II). Il reprit son nom sous la Restauration, le grand aumônier de France fut de nouveau chargé de sa direction. Une ordonnance royale du 31 août 1830, plaça l'hospice sous la direction du ministre du commerce et des travaux publics. Sous le second Empire, la maison des Quinze-Vingts, destinée à recueillir 300 aveugles de l'un et de l'autre sexe, donnait en outre des secours à 1,300 pensionnaires externes répandus dans les diverses parties de la France. Ces secours étaient divisés en trois classes : 200 fr. 150 fr. et 100 fr. Un décret du 22 juin 1854 plaça l'établissement sous le patronage de l'impératrice. Toutes les nominations, soit à l'internat soit à l'externat, étaient faites par elle, sur le rapport du ministre de l'intérieur ; aujourd'hui, c'est le ministre qui a l'administration de l'hospice ; il nomme un directeur responsable, assisté d'une commission consultative. Les bâtiments actuels se composent de deux étages, de galeries ayant chacune 81 fenêtres sur la principale cour. Ces étages contiennent tous deux un double logement, de sorte qu'il y a place pour 162 aveugles mariés, c'est-à-dire pour 324 personnes. L'infirmerie est divisée en deux salles de 12 lits chacune. Il y a de plus une petite salle à 4 lits destinée aux maladies contagieuses. En 1854, des travaux d'appropriation intérieure furent exécutés ; il s'agissait d'établir des calorifères, de distribuer utilement la lumière partout, de donner aux pelouses du jardin un aspect plus agréable pour les visiteurs ; bref, 80,000 francs furent employés pour ces divers travaux. Saint Louis avait amené de la Palestine six religieux de l'ordre du Mont-Carmel, il les établit en 1254 à Paris, sur le bord de la Seine, dans un bâtiment du quai
Ils bâtirent une chapelle qui devint bientôt une église pourvue d'une cloche et à laquelle fut annexé un cimetière. Les inondations fréquentes de la Seine contrarièrent fort les carmes qui, plus tard, demandèrent à Philippe le Bel de vouloir bien leur donner une autre demeure, ce prince faisant droit à leur requête, leur donna la maison dite du Lion, qui avait appartenu à Pierre de la Broche, située dans la rue Sainte-Geneviève, et celle de Guy de Livry dans la même rue (près de la place Maubert, à l'extrémité orientale de la rue des Noyers.) Nous n'en avons pas fini avec les moines. En même temps que les carmes, dont nous aurons à parler amplement, vinrent les chartreux ; saint Louis fit venir à Paris en 1257 cinq religieux de cet ordre qu'il plaça à Gentilly où ils restèrent jusqu'en 1258. Or à cette époque, le castel de Vauvert allongeait ses toits pointus au dessus des plaines désertes qui entouraient ce qui fut depuis la barrière d'Enfer ; ce château bâti par Philippe Ier après son excommunication et qui lui servit de retraite, avait des tourelles en poivrières comme presque toutes les constructions d'alors, et par son isolement, par le tumulte qui s'y produisait toutes les nuits, par les lumières qui ne cessaient de briller à ses fenêtres, il inspirait au peuple une sorte de crainte superstitieuse. Il en résulta le nom d'enfer donné par lui au sentier qui reliait le château à la poterne Saint-Jacques, précédemment nommée voie de Vauvert. Or, quand Philippe Ier mourut, le château de Vauvert demeura abandonné, et le bruit se répandit dans Paris qu'il était sans cesse hanté par les fantômes et les démons. Une bande de pillards songea à exploiter la crédulité publique et s'y installa. La terreur que cette bande inspira fut telle qu'elle donna lieu au dicton : allez au diable Vauvert, et que nombre de gens faisaient un grand détour pour ne point passer auprès du diabolique manoir. Mais les moines ne partageaient pas les craintes populaires et se trouvant à l'étroit dans leur maison du port Saint-Paul, les chartreux, demandèrent à Louis IX, en 1258, de vouloir bien leur donner le château de Vauvert, ce qui leur fut facilement accordé. Ils en prirent immédiatement possession et s'y installèrent, puis, en 1260, ils bâtirent une superbe église attenante au château, sur les plans du célèbre Pierre de Montreuil, et modifièrent sensiblement la disposition des bâtiments du château, en y construisant des cellules avec l'argent que les libéralités royales et celles des particuliers ne cessaient de leur fournir. Le monastère qui fut à plusieurs reprises agrandi et restauré, avait une entrée sur la rue d'Enfer, une longue avenue plantée d'arbres y conduisait. Deux cloîtres, le grand et le petit, étaient entourés d'appartements composés chacun de deux ou trois pièces avec un jardin. On comptait dans ces cloîtres quarante-deux logements de ce genre. L'église était admirablement décorée de tableaux de maîtres, Coypel, Philippe de Champagne, Boullongne, Andran, Corneille, Jouvenet, Jean le Romain, de la rosse, etc. Plusieurs personnes de haut rang y furent inhumées, Pierre de Navarre, Philippe d'Harcourt, Louis Stuard, etc., etc. |
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