Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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MONTMARTRE
(D'après Les environs de Paris illustrés, par Adolphe Joanne paru en 1856)


Ancienne église et la tour du télégraphe à Montmartre

En 1534, le jour de l'Assomption, saint Ignace de Loyola, le fondateur de l'ordre des jésuites, prononça ses premiers vœux avec neuf de ses compagnons dans la chapelle des Martyrs. Les jésuites avaient placé dans cette chapelle un tableau représentant cette cérémonie ; et une plaque de bronze doré, scellée dans le mur de la chapelle fermée qui contenait, outre ce tableau, diverses inscriptions, constatait que a la société de Jésus, qui reconnaît saint Ignace de Loyola pour père, était née dans le tombeau des martyrs.

Au commencement du XVIIe siècle, cette chapelle, qui avait été déjà souvent restaurée, mais que les guerres de la Ligue avaient détruite, fut encore agrandie et embellie. En travaillant aux fondations nouvelles, le 13 juillet 1611, on y fit la curieuse découverte dont nous avons déjà parlé. Un procès-verbal, rédigé le jour même, s'exprimait en ces termes :

« Sous laquelle il y a des degré pour descendre sous terre en une cave.... En laquelle voûte.... nous serions descendu.... et aurions trouvé que c'était une descente droite, laquelle a cinq pieds un quart de largeur. Par laquelle nous serions descendu trente-sept degrés fait de vieille maçonnerie de plâtre, gâtées et écornées. Et au bas de laquelle descente aurions trouvé une case ou caverne prise dans un roc de plâtre tant par le haut que par les côtés. Laquelle.... a de longueur depuis l'entrée jusque au bout qui est en tirant vers la clôture de dites religieuses, trente-deux pieds. Dans laquelle cave, du côté de l'orient il y a une pierre de plâtre biscornu, qui a quatre pieds de long et deux pieds et demi de large, prise par son milieu, ayant six poulses d'épaisseur, au dessus de laquelle au milieu il y a une croix gravée avec un ciseau, qui a six poule en quarré de longueur et demi poulse de largeur. Icelle pierre est élevée sur deux pierres de chacun côté, de moellon de pierre dure, de trois pieds de haut, appuyée contre la roche de plâtre, en forme de table ou autel : et est distant de ladite montée de cinq pieds. Vers le bout de laquelle cave, à la main droite de l'entrée, il y a dans ladite roche de pierre une croix, imprimée avec un poinçon ou couteau, ou autre ferrement ; et y sont ensuite ces lettres MAR.

Il y a apparence d'autres qui suivent, mais on ne les peut discerner. Au même côté un peu distant de la susdite croix, au bout de ladite cave, en entrant, à la distance de vingt-quatre pieds, dès l'entrée s'est trouvé ce mot écrit de pierre noire sur le roc, CLEMIN, et au côté dudit mot y aurait eu quelque forme de lettres imprimées dans la pierre avec la pointe d'un couteau ou autre ferrement où il y a DIO, avec autres lettres suivantes qui ne se peuvent distinguer. La hauteur de la cave en sorte entrée est de six pieds jusqu'à neuf pieds en tirant de ladite entrée vers le bout de ladite cave. Et le surplus jusque au bout est rempli de terre et de gravas, etc. »

La nouvelle de cette découverte attira à Montmartre un nombre considérable de visiteurs, parmi lesquels figurèrent la reine Marie de Médicis et plusieurs dames de qualité. Telle fut la sensation produite par cet événement, que Nicolas de Matthonnière fit immédiatement exécuter, par Jean de Halbeeck, une gravure au burin, représentant Montmartre et sa crypte, gravure qui, imprimée sur une feuille volante, avec une courte notice, se vendit à un grand nombre d'exem-plaires. Toutefois, si l'affluence des fidèles produisit de nombreuses offrandes pour la reconstruction du saint édifice, elle amena en même temps, au dire de D. Marrier, la destruction des inscriptions murales dont le procès-verbal avait con-staté l'existence.

Non seulement on avait rebâti la chapelle des Martyrs, mais on avais étendu l'enceinte du monastère de manière à l'y renfermer. En 1662, elle fut érigée en prieuré. Ce prieuré n'exista que dix-neuf années. On le supprima en 1681, quand Louis XIV fit construire, pour les religieuses, de nouveaux bâtiments, au pied du versant méridional de la butte ; car les anciens, situés près de l'église, et recon-struits depuis l'incendie de 1559, étaient devenus inhabitables. La grande église fut maintenue comme paroisse, et la partie réservée n'en demeura pas moins à la disposition des religieuses, qui avaient pourtant, dans leur nouvelle demeure, la chapelle des Martyrs.

Elles y venaient souvent prier. Elles y montaient par une galerie couverte qu'avait fait construire, en 1644, leur abbesse, Mme de Guise. Une grande grille, placée où se trouve aujourd'hui le maître-autel, séparait la paroisse proprement dite de ce qu'on appelait et de ce qu'on appelle encore le chœur des Dames. C'est sous le pavé de ce chœur que les abbesses étaient ensevelies, près du mausolée de Mme Alix, femme du roi Louis VI dit le Gros, que Marie de Beauvilliers avait fait transporter de l'intérieur du couvent au pied du maître-autel.

L'abbaye de Montmartre, supprimée en 1190, et vendue bientôt après, a été complètement détruite en 1193. Il n'en reste aucun vestige, et on chercherait vainement des débris de la chapelle de Saint-Denis ou des Martyrs, qui était située entre le calvaire actuel et le boulevard des Martyrs. La dernière abbesse, Marie-Louise de Laval, duchesse de Montmorency, qui s'était retirée à Saint-Denis, puis au ch-teau de Bondy, comparut le 20 juillet 1794 devant le tribunal révolutionnaire. Son grand âge et ses infirmités (elle était aveugle et sourde) rendaient impossible à soutenir l'accusation de complot portée contre elle. Un juré en fit l'observation à Fouquier-Tainville : « Qu'importe? s'écria celui-ci ; elle a conspiré sourdement. » Condamnée à mort, Mme de Montmorency fut guillotinée le même jour à la barrière du Trône.

L'église de Montmartre est seul restée debout, mais elle a été souvent pillée, mutilée, reconstruite peinte, badigeonnée, et enfin restaurée avec plus de luxe que d'intelligence et de goût. Elle se divise en deux parties, dont une seule est consacrée au culte. L'extrémité, appelée le chœur des Dames, et qui formait autrefois l'abside de l'église, était, comme son nom l'indique, exclusivement réservée aux religieuses. Convertie en un magasin où l'on dépose les cercueils, elle renferme l'escalier de la tour qui s'élève sur le chœur de l'église, et dont le sommet porte un télégraphe établi en 1795, et communiquant avec Lille avant l'invention de la télégraphie électrique.

La partie consacrée au culte a la forme d'un carré long, sans transepts, avec une nef et deux bas côtés. La voûte, jadis ogivale, des bas côtés, a été restaurée, et ressemble presque à un plafond. Du côté des collatéraux, les piliers affectent la forme cylindrique ; à l'intérieur de la grande nef, ils se transforment en boudins ou torses qui montent jusqu'à la naissance de la voûte ogivale, soutenue par des nervures qui se croisent en diagonales, et qui séparent chaque travée. Sur la clef de voûte de la troisième travée sont sculptées les armes de l'abbaye, et sur la quatrième les armes de France. La cuve des fonts baptismaux est richement ornée dans le style de la Renais-sance. On y remarque deux clefs en sautoir et un écusson portant la date de 1537.

A l'entrée de la porte principale, et de chaque côté, se voient deux colonnes en marbra vert antique, d'un style de décadente, mais qui ont certainement appartenu à un édifice païen. Leurs chapiteaux sont malheureusement peints. Deux autres colonnes, un peu plus élevées, mais de la même époque, et qui ont évidemment même origine, se trouvent dans le chœur des Dames. Le maître-autel a été fait avec une énorme pierre découverte en 1833, près de la ports du télégraphe ; on croit que c'est celle sur laquelle le pape Eugène III consacra l'église en 1147. Le buffet d'orgues provient de l'ancien chapelle de Notre-Dame de Lorette. La chaire est une menuiserie du XVIIIe siècle.

L'extérieur de l'église de Montmartre n'offre rien de remarquable La façade moderne, derrière laquelle se dresse à gauche une vieille tour carrée, n'a aucun caractère architecture. La paroisse de Montmartre possède encore aujourd'hui quelques-unes des anciennes reliques données à l'abbaye et à la chapelle de Martyrs. Adroite de l'église est le Calvaire, qui se compose de neuf stations, bâties dans un jardin où l'on ne pénètre que moyennant une légère rétribution que perçoit le propriétaire de ce terrain. A l'extrémité du jardin se trouve le Calvaire proprement dit, et à droite, dans une grotte souterraine, un saint sépulcre qui reproduit la forme et les dimensions de celui de Jérusalem. Ce calvaire, fondé en 1805, a obtenu des indulgences du pape Pie VII. Depuis la suppression du calvaire du mont Valérien, il est cité par un grand nombre de pèlerins.

Montmartre a si l'on doit en croire la tradition, possédait jadis un saint célèbre qui avait le pouvoir de rabonnir les maris méchants. On l'appelait saint Raboni. Un grand nombre de femmes venaient implorer sa protection. On raconte à ce sujet l'anecdote suivante : Une femme entreprit de faire neuvaine à Raboni, pour obtenir la conversion de son mari. Quatre jours après, le mari étant mort, elle s'écria :

« Que la bonté du saint est grande,
Puisqu'il donne plus qu'on ne demande ! »

 


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