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MONTMARTRE
(D'après Les
environs de Paris illustrés,
par Adolphe Joanne paru en 1856)
Montmartre au XIXe siècle est une ville de près de 40000 habitants, située au nord de Paris, au pied, sur les pentes et sur le plateau d'une colline gypseuse, conique et isolée, dont les coquilles, les plantes et les ossements fossiles ont, depuis plus d'un demi-siècle, fait faire d'immenses progrès à la géologie, et dont le point culminant est à 129 mètres au-dessus de la mer, 65 mètres au-dessus des barrières Blanche, Pigalle et des Martyrs, 104 mètres au-dessus de la Seine. Elle fait partie du département de la Seine, arrondissement de Saint-Denis, canton de Neuilly. En 1817, M. Oudiette, qui du reste ne commettait pas une erreur, lui donnait une population de 2000 habitants, y compris les hameaux de Clignancourt et de la France-Nouvelle. On a fait dériver tour à tour le nom de Montmartre de mono Mercadi (mont de Mercure), de mens Marlis (mont de Mars), et de monts Martyrum (mont des Martyrs). La première de ces étymologies ne compte plus qu'un petit nombre de partisans. Dans l'opinion de ceux qui soutiennent la seconde, il y avait sur le versant de la montagne un temple dédié à Mars. Si la troisième est vraie, saint Denis, décapité sur cette colline, y aurait, après son supplice, pris sa tête dans ses deux mains pour regagner son église, à là grande stupéfaction des spectateurs de son martyre. En février 1856, M. Edmond le Blant a soulevée la question sur l'origine du nom dans l'Athenaeum français. A l'en croire, il ne faut pas chercher ailleurs qu'à Montmartre le lieu de la passion de saint Denis, « Ce qui le prouve, dit-il, c'est la vénération attachée à ce lieu dès les premiers âges de l'Église ». La crypte découverte en 1611, au-dessous de la chapelle de Saint-Denis, fut un sanctuaire creusé aux premiers siècles, sur la place, alors sans doute bien connue, où l'apôtre des Gaules et ses compagnons avaient souffert pour la foi ; les inscriptions gravées sur les murs de cette crypte, et constatées par un procès-verbal, furent les actes de visite des pèlerins qui y étaient venus prier. L'affluence toujours croissante des fidèles rendit plus tard nécessaire l'érection d'une chapelle au-dessus de la crypte retrouvée au XVIIIe siècle. « Or l'antiquité de cette chapelle, mentionnée dès la fin du XIe siècle comme un lieu ancien et vénéré, recevant de nombreuses offrandes, est mise hors de doute , ajoute M. Ed. Le Blanc, par son nom même de Sanctum Martyrium, nom qui, dit les écrits des Saints Pères, désignent les basiliques primitives, qui n'existe plus dans la langue Fortunat et de Grégoire de Toua appliqué aux constructions nouvelles, et qu'un texte du IXe siècle relate comme une appellation d'usage. » L'église actuelle de Montmartre date du commencement du XIIe siècle. Elle fut fondée ou plutôt rebâtie vers 1133 par Louis VI et par Alix de Savoie, sa femme, à la place d'une église beaucoup plus ancienne, qui demeura longtemps en ruine. Le pape Eugène III, accompagné de plusieurs cardinaux et prélats, la consacra en présence de saint Bernard et de Pierre le Vénérable. Près de cette église Louis VI fonda un monastère où il établit des Bénédictines et qu'il combla de bienfaits. Ces religieuses acquirent d'abord une grande réputation de sainteté par leur dévotion et par l'austérité de leur vie. Leur bonne renommée amena à leur couvent un nombre considérable de pèlerins qui leur firent, les uns, des aumônes, les autres, des présents. Elles s'enrichirent ; peu à peu leurs mœurs se relâchèrent, de méritoire, leur conduite devin scandaleuse. Vers la fin du XVe siècle, J. Simon, évêque de Paris essaya, mais en vain, de réprimer leurs désordres. Son successeur. Et. Porcher, leur adjoignit dans le même but des religieuses de l'ordre de Fontevrault. Ce remède ne produisit pas tout l'effet désiré. Ce couvent, presque entièrement détruit par un incendie en 1559, fut immédiatement rebâti. Les soldats de l'armée d'Henri IV vinrent alors l'occuper, et le pré-tendant lui-même s'installa dans l'appartement de l'abbesse. L'histoire contemporaine a mentionné la raison criminelle que contracta le béarnais avec Marie de Beauvilliers, jeune religieuse de 17 ans qui ne pouvant consentir à se séparer de son séducteur, le suivit jusqu'à Senlis. Depuis on a tenté, il est vrai, d'en contester l'authenti-cité mais le roi lui-même n'en faisait pas mystère, et se disait volontiers « moine de Montmartre. » Un monastère où des soldats avaient tenu garnison ne pouvait pas, on le comprend sans peine, offrir aux fidèles un spectacle bien édifiant. Les religieuses menaient une vie assez scandaleuse, comme au temps où l'évêque Étienne Porcher leur adressait de sévères reproches. Du reste, malgré ses immenses propriétés, la communauté subvenait avec peine à ses besoins. Quand Marie de Beauvilliers, abandonnée par son royal amant, qui lui avait préféré Gabrielle d'Estrées, fut appelée à la diriger (1598), « peu de religieuses chantaient l'office, dit Sauval ; les moins déréglées travaillaient pour vivre et mouraient presque de faim, Les jeunes faisaient les coquettes, les vieilles allaient garder les vaches et servaient de confidentes aux jeunes. » Marie de Beauvilliers, guérie de sa passion pour le roi et repentante de ses fautes, essaya de réformer ces abus. Elle y réussit en partie ; mais ce ne fut pas sans peine et sans danger. Si l'on doit en croire les chroniques du temps, les religieuses essayèrent de l'empoisonner. Du contrepoison administré à temps la rappela à la vie, mais elle conserva jusqu'à sa mort une grande difficulté de respiration. A dater de cet attentat, l'abbaye de Montmartre recouvra peu à peu son ancienne renommée.
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